La bactérie gram négatif Yersinia pestis, agent causal de la peste, a été responsable de trois grandes pandémies (200 millions de décès en tout), qui ont eu pour nom la peste justinienne (du VIe au VIIIe siècle), la peste noire (du XIVe au XIXe siècle) et la peste moderne (du XIXe siècle jusqu'à nos jours). Entre 1347 et 1350, un tiers de l'Europe a succombé ; toutefois, cette épidémie a détruit le réservoir de Mycobacterium leprae et a contribué à l'élimination de la lèpre sur le continent. L'identification récente de souches résistantes à de multiples médicaments et l'utilisation potentielle de Y. pestis comme arme biologique montre qu'il demeure important de s'intéresser à ce germe.
Des puces et des rats
Y. pestis est un germe aéroporté et transporté par les puces qui infestent le rats, réservoir du pathogène.
Un groupe de chercheurs britanniques annonce dans « Nature » avoir réalisé le séquençage complet du génome de Y. pestis.
Le génome est composé d'un chromosome et de trois plasmides. Ce génome apparaît particulièrement fourni en séquences d'insertion riches en guanine et cytosine, témoignant de recombinaisons intragénomiques fréquentes.
De nombreux gènes semblent avoir été acquis auprès d'autres bactéries et virus (adhésines, systèmes de sécrétion et toxines insecticides). Le génome contient environ 150 pseudogènes. Un bon nombre d'entre eux sont des résidus de l'activité entéropathogène.
Les auteurs ont identifié 21 régions du chromosome présentant des îlots probablement acquis auprès d'autres pathogènes par transfert horizontal. Ces îlots reflètent certains hôtes de Y. pestis. Ils codent pour des fonctions qui ont rendu Y. pestis capable de coloniser et de transiter par les puces. Ainsi, en est-il des gènes codant des insecticides potentiels.
« Le séquençage révèle un agent qui a été soumis à un flux génétique considérable », notent les auteurs ; il présente des traits indiquant une modification de la niche génétique. Le génome donne un aperçu unique des modifications génétiques associées à l'émergence de nouvelles espèces pathogènes.
De nouveaux pathogènes hautement virulents
Les pathogènes nouvellement apparus sont hautement virulents pour les humains et causent des pandémies de maladies souvent fatales. Elles contrastent avec les espèces ancestrales qui ont évolué pour occasionner des entérites non fatales chez les mêmes hôtes. « Le temps de l'évolution est long », font observer Stewart T. Cole et Carmen Buchrieser (Institut Pasteur) dans un commentaire associé à la publication. « Pendant ce temps, les informations fournies par le séquençage de Y. pestis devraient être utilisées pour s'assurer que la peste ne va pas émerger de nouveau et que les armes potentielles du bioterrorisme pourront être neutralisées. »
« Nature », vol. 413, 4 octobre 2001, pp. 523-527 et commentaire pp. 467-569.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature