Une mine d’informations, des progrès attendus

Le génome de Trichomonas vaginalis est séquencé

Publié le 11/01/2007
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

«MAINTENANT que nous avons la séquence du génome de T. vaginalis et que nous avons analysé ses nombreuses caractéristiques uniques, nous disposons de nouveaux moyens pour étudier la biologie d’un organisme qui continue d’être ignoré en tant que problème de santé publique en dépit du nombre élevé de cas de trichomonases dans le monde», déclare dans un communiqué le Dr Jane Carlton, basée auparavant à l’Institut de recherche génomique de Rockville et travaillant à présent dans le département de parasitologie de la New York University School of Medicine.

Le projet du génome de Trichomonas, lancé en 2002 sous la direction de Jane Carlton, a mis à contribution 66 chercheurs de 10 pays. Cet effort a été parrainé par le National Institute of Allergy and Infectious Diseases (Niaid) des Etats-Unis.

Trichomonas vaginalis est un parasite unicellulaire (protozoaire) qui infecte les voies urogénitales, causant la trichomonase ; c’est l’infection sexuellement transmissible la plus répandue dans le monde. Elle affecte chaque année 170 millions de personnes, ce qui est une vague estimation, puisque aucune obligation de déclaration n’existe pour cette infection.

L’infection peut se manifester par une vaginite (parfois très gênante) chez la femme et par une urétrite discrète chez l’homme ; mais elle peut être asymptomatique (chez un quart des femmes et la majorité des hommes). Non traitée, elle expose au risque de salpingite et augmente le risque de contracter ou de transmettre l’infection par le VIH ; elle est associée chez la femme enceinte à la survenue précoce du travail et à la mise au monde de bébés avec un faible poids de naissance.

La méthode diagnostique par examen microscopique des sécrétions n’est pas parfaite.

Une classe d’antibiotiques est approuvée pour traiter la trichomonase (les 5-nitro-imidazoles), et l’émergence de résistances crée le besoin de trouver de nouveaux traitements.

Des protéines de surface pour adhérer aux cellules.

La séquence du génome de T.vaginalis, décrite dans la revue « Science », offre une mine d’informations.

Elle permet d’élucider certains mécanismes moléculaires de la pathogenèse.

Les chercheurs ont identifié plus de 800 gènes codant pour des protéines de surface, qui aident probablement le parasite à adhérer aux cellules des voies urogénitales. Beaucoup de ces protéines sont similaires aux protéines de Chlamydia.

Ils ont identifié des gènes codant pour les trichopores, des protéines sécrétées qui lysent les cellules épithéliales vaginales.

Le parasite possède l’un des plus grands « dégradomes » connus, 400 gènes codant pour des peptidases, des enzymes clés qui représentent des facteurs de virulence potentiels, candidats pour les vaccins et des cibles pharmacologiques.

Une grande surprise : la taille du génome.

Ces diverses découvertes fournissent donc maintes pistes possibles pour le développement de nouvelles thérapies et de nouvelles méthodes de diagnostic. Ils ont également identifié des mécanismes potentiels de résistance du parasite aux antibiotiques utilisés.

Une autre observation importante est l’immense taille du génome de T.vaginalis, le plus long génome identifié jusqu’ici dans un parasite. Sa taille est estimée à 160 mégabases, et le nombre estimé de gènes codant pour des protéines (environ 60 000) dépasse le nombre dans le génome humain. «La taille du génome fut la grande surprise. De dix fois celle que l’on attendait», précise le Dr Carlton. En outre, les deux tiers du génome se composent de répétitions et d’éléments transposables, ce qui fait de ce génome l’un des plus répétitifs que l’on connaisse.

De nombreuses familles de répétitions sont présentes en des milliers de copies, et, dans chaque famille, les répétitions sont quasi identiques, montrant très peu de polymorphismes, ce qui reflète une récente expansion massive du matériel génétique. Les chercheurs proposent donc qu’une énorme expansion du génome serait survenue lors du passage d’un ancêtre du T.vaginalis des voies gastro-intestinales aux voies urogénitales.

Un plus grand génome pourrait s’être traduit par une plus grande cellule, et cela pourrait avoir conféré au parasite un avantage sélectif : en augmentant la zone de surface pour coloniser le vagin (étape nécessaire à l’infection), en augmentant la phagocytose des « bonnes » bactéries comme les lactobacilles qui rendent le vagin trop acide pour favoriser la prolifération du T.vaginalis et en réduisant sa phagocytose par les macrophages de l’hôte.

Pas de bactéries, mais des hydrogénosomes.

Enfin, la séquence du génome apporte des éclaircissements sur les hydrogénosomes du parasite. Le T.vaginalis fait partie d’un petit groupe d’eucaryotes qui ne possèdent pas de mitochondries ; il est doté, en revanche, d’autres structures productrices d’énergies, les hydrogénosomes, qui produisent l’ATP et de l’hydrogène (celui-ci est responsable de l’aspect mousseux de l’écoulement vaginal).

Les hydrogénosomes de T.vaginalis ne contiennent pas de matériel génétique (à la différence des mitochondries) et leur origine est controversée. Les chercheurs ont trouvé des indices à l’appui d’une origine évolutive commune pour les mitochondries, les hydrogénosomes et d’autres structures appelées mitosomes. Leurs données prédisent une nouvelle fonction pour ces hydrogénosomes : le métabolisme des acides aminés.

« Science », 12 janvier 2007, p. 207, Carlton et coll.

> Dr VERONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8082