Salmonella enterica du sérotype Typhi est l'agent étiologique de la fièvre typhoïde. Le poids humain mondial de la maladie avoisine les 16 millions de cas, dont environ 600 000 sont fatals. Un certain nombre de ces germes envahit de manière active la surface muqueuse de l'intestin. Chez l'individu normal, ils sont contenus par les mécanismes immunitaires locaux. S. typhi a acquis la capacité de s'étendre plus profondément dans les tissus humains et notamment dans le foie, la rate et la moelle osseuse. Certaines S. typhi peuvent se révéler résistantes aux antibiotiques courants et notamment aux fluoroquinolones qui sont actuellement les agents les plus efficaces dans la fièvre typhoïde. S. typhi CT18 est un germe multirésistant émergeant. L'analyse en profondeur du génome d'un tel germe peut permettre de comprendre de quelle manière certains microorganismes s'adaptent rapidement aux nouvelles caractéristiques environnementales.
Une comparaison a donc été réalisée avec une S. typhi multirésistante (CT18), avec une S. typhimurium (une salmonelle humaine commune avec l'animal) et avec Escherichia coli, un autre germe entérique.
Centaines d'insertions et de délétions
L'analyse du chromosome et des deux plasmides de S. typhi révèle la présence de centaines d'insertions et de délétions comparativement au génome d' Escherichia coli. La taille de ces insertions est très variable, du gène unique à de larges plages. Il existe de fait chez S. typhi multirésistante une diversité des compléments de gènes (insertions) plus importante que ce à quoi on aurait pu s'attendre. Cette diversité s'exprime par des agrégats de gènes dispersés de manière discrète tout au long du génome.
Le séquençage a identifié plus de 200 pseudogènes. Certains de ces pseudogènes correspondent à des gènes connus pour être impliqués dans la virulence chez Salmonella typhimurium. Cette dégradation génétique peut expliquer pourquoi S. typhi se cantonne chez l'homme et n'est pas trouvé chez l'animal à l'inverse d'autres salmonelles, estiment les auteurs. Le plasmide le plus grand de S. typhi code les résistances à tous les traitements de première ligne de la fièvre typhoïde. CT18 contient un plasmide de multirésistance de 218 150 paires de bases, qui a été isolé dans les années soixante. Il contient également un plasmide de 106 516 paires de bases qui révèle un ancêtre commun récent avec Yersinia pestis.
Faisant contraste avec la diversité, une certaine synténie (conservation évolutive de locus) est constatée entre les deux types de germes observés. Ce qui témoigne du fait que E. coli et S. enterica ont divergé il y a environ 100 millions d'années. Ces gènes conservés peuvent refléter le mode de vie basique de la bactérie (colonisation digestive, survie environnementale et transmission). Les agrégations uniques de gènes contribuent probablement à l'adaptation à la niche écologique et à la pathogénicité. Le complément en pseudogènes de S. typhi a des implications pour notre compréhension de la restriction étroite de l'hôte. Il fait s'interroger sur la possibilité d'une éradication de S. typhi et de la fièvre typhoïde.
« Nature », vol. 413, 25 octobre 2001, pp. 848-852.
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