« LE FACE-A-FACE adolescents-parents », qui sera l'occasion d'une journée de réflexion à Paris, le 22 octobre*, peut nécessiter l'intervention d'un thérapeute. Mis en place en 1995 par le ministère de la Santé et confié à l'Ecole des parents et des éducateurs d'Ile-de-France, Fil Santé Jeunes (0800.235.236) est un service téléphonique anonyme et gratuit d'aide aux 12-25 ans ; 36 écoutants, dont 6 généralistes, s'y relaient de 8 heures à minuit, tous les jours, et le téléphone est complété par un site Internet, filsantejeunes.com. L'analyse des appels montre que le corps médical est un interlocuteur naturel pour la jeunesse. Hormis les questions sociales et juridiques (6,2 % des appels), touchant, par exemple, à l'accès aux soins et l'affiliation à la Sécu des étudiants, la très grande majorité des appels quotidiens renvoie aux médecins. Ces appels portent sur la sexualité et la contraception (37,8 %), des problèmes somatiques autour de la puberté (19,2 %) – «Je suis diabétique» ou «asthmatique, dois-je le dire?»– ou encore sur des difficultés psychologiques (16,8 %), avec des troubles du comportement.
S'y ajoutent les 20 % d'appelants qui font part de tensions avec leurs parents, des proches, des enseignants ou un employeur. Parmi ces derniers, tous n'ont pas besoin d'une prise en charge thérapeutique au long cours, mais «la plupart ne savent pas qu'un généraliste est à même d'écouter leur mal-être», fait remarquer au « Quotidien » Brigitte Cadéac, directrice de Fil Santé Jeunes.
L'appel au spécialiste.
En ce qui concerne les cas lourds, avec rupture ou risque de rupture des liens avec le milieu familial, ce sont les parents eux-mêmes, à 75 %, qui tirent la sonnette d'alarme. C'est tout du moins ce qu'observe, dans sa patientèle, le Dr Didier Lauru, directeur du centre médico-psychopédagogique Etienne-Marcel, à Paris, auteur du livre « Père-Fille, une histoire de regard » (Albin Michel, 2006) et qui participe au colloque. «N'arrivant pas à trouver de modalité d'entente, interpellés par des symptômes qui perdurent et se multiplient, comme le décrochage scolaire, le repli sur soi, des attitudes agressives à leur encontre, les parents me demandent rendez-vous, explique au “Quotidien” le psychiatre-psychanalyste. Je les reçois alors avec leur enfant pendant quarante-cinq minutes.» Le praticien procède en trois étapes. Dans un premier temps, dix minutes, il s'emploie à mettre en place, en présence de l'adolescent, ce qu'il appelle une «alliance thérapeutique» avec les parents. «Je leur fais comprendre que je ne suis ni pour eux ni contre eux, en soulignant qu'ils sont partie prenante dans le conflit qui les oppose à leur fille ou leur fils. Ce qui signifie que je serai amené à les questionner sur leur propre histoire.» Puis, pendant vingt minutes, un colloque singulier se déroule avec l'adolescent, au cours duquel le médecin exprime, là encore, sa neutralité, pour aider à décrypter les tiraillements en jeu. Le jeune est interrogé sur ses goûts et ses projets. «Il s'agit de le mettre en confiance, de l'amener à formuler ce qu'il ressent. Et, bien souvent, ça accroche, il perçoit l'intérêt d'être accompagné, délivré.» Enfin, en quinze minutes, la consultation prend fin comme elle a commencé, à quatre. Le Dr Lauru tient à réaffirmer que la parole de l'adolescent ne sera pas connue des parents. Il insiste, par ailleurs, sur le fait que les difficultés actuelles se nourrissent de conflits anciens, propres en particulier à l'histoire de la mère et du père. Il est important de se situer «dans une temporalité passée», au lieu «de s'arrêter sur l'immédiateté», porteuse de symptômes du mal. Selon les situations, parents et adolescent seront revus ensemble, deux ou trois fois, ou le jeune prendra rendez-vous seul, tandis que son père et sa mère seront conviés à le rejoindre plus tard. Ici, une psychothérapie apparaîtra utile, là, un psychodrame de groupe, ou encore une thérapie familiale. Le thérapeute arbitre, et les désaccords se dénouent jusqu'à devenir constructifs.
* Maison de la Mutualité, 24, rue Saint-Victor, 75005 Paris, tél. 01.44.93.44.64, colloque@epe-idf.com, www.epe-idf.com. Avec la participation, entre autres, de Philippe Jeammet, Alain Braconnier, Xavier Pommereau, Patrice Huerre.
Fil Santé Jeunes
– En 2006, Fil Santé Jeunes a reçu 412 796 sollicitations téléphoniques et 746 appels ont été traités chaque jour.
– 75 % des appelants sont des filles, d'un âge moyen de 17,7 ans, 18,1 ans pour les garçons.
– Chaque appel de type informatif donne lieu à un entretien de 3 minutes, la durée passant de 30 à 60 minutes pour des «contenus portant sur des questions d'ordre relationnel».
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