LAURENCE ALENDA est coordinatrice en services d'aide à domicile, spécialisée auprès des personnes âgées. Elle rédige actuellement un mémoire sur la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Elle y consacre un chapitre au rôle des généralistes. Ils sont, dit-elle, les «grands absents» du débat. «Bien que son rôle soit primordial dans la prise en charge de la personne atteinte de la maladie Alzheimer et de sa famille, le généraliste ne dispose pas dans la réalité des informations et du temps nécessaire, affirme-t-elle . Il rencontre des difficultés aussi bien au niveau de l'identification de la maladie qu'en ce qui concerne la mise en place d'un dispositif médico-social.» Et ce alors que «les professionnels du secteur médical insistent sur le fait que les premiers signes avant le diagnostic doivent être repérés par les proches et les médecins de famille car ce dernier est le premier à être en contact avec les personnes susceptibles d'être atteintes de la maladie d'Alzheimer.»
«L'attention du médecin traitant à ces premiers symptômes est primordiale, insiste Laurence Alenda, il doit être suffisamment à l'écoute, disponible, et doit s'adapter à une relation avec ce patient qui sera différente. C'est lui qui va orienter vers la consultation mémoire.»
À l'issue des entretiens qu'elle a menés, la coordinatrice a recensé les motifs pouvant expliquer cette « absence » des généralistes dans la prise en charge. «Dans l'idéal, lorsque le médecin a un doute, il devrait faire passer un test (le MMS - Mini Mental State), mais c'est compliqué pour certains et surtout long sur un rendez-vous», relève-t-elle. Le plus souvent, le médecin voit le patient seul. «Or ce dernier ne va pas se plaindre de problèmes de mémoire!» Autre explication : «Les médecins sont acculés et beaucoup se sont spécialisés en direction d'une clientèle (enfants, actifs, personnes âgées…). Ceux dont la clientèle âgée ne représente que 10% sont moins sensibles à cette pathologie, et surtout la connaissent moins.» Cela dépendrait aussi tout simplement de lasensibilisation du médecin et des difficultés à le mobiliser autour des réunions d'information et de sensibilisation quand il est «déjà très sollicité par les laboratoires et les autres pathologies».
Les réseaux pas assez développés.
Le Dr Bertrand Robert est médecin coordinateur au sein du réseau Mémoire Aloïs*, qui couvre le sud parisien.
Pour lui, les réseaux Alzheimer sont «très précieux» et malheureusement pas assez développés.
«Si je ne faisais pas partie du réseau Aloïs, je serais complètement perdu. Il est évident que je suis mieux informé que mes confrères qui ne sont encore pas formés à toutes les techniques médico-sociales (aides ménagères, etc.) et ne savent pas vers quels gériatres s'adresser, d'autant que ceux-ci ne sont pas si nombreux en ville. Le désarroi des généralistes les conduit à s'en désintéresser, ils sont mal informés sur les réseaux.»
Il s'écoule généralement trop de temps, «Six mois d'attente au minimum», entre l'apparition des premiers symptômes et une éventuelle prise en charge. Les réseaux permettent notamment de diminuer ces délais. «Or le financement de chacun de ces réseaux diminue… vu qu'il reste le même et que l'on nous demande dans le même temps d'étendre notre périmètre d'action!»
Pourtant, le plan Alzheimer (« le Quotidien » du 4 février dernier) évoquait, dans un chapitre intitulé « Mieux soigner, mieux accompagner », le rôle des coordonnateurs chargés d'assurer la liaison entre les équipes.
«On n'en voit pas du tout la couleur, témoigne le Dr Robert. Ce plan m'avait semblé essentiellement tourné vers la recherche… C'est très bien, mais c'est l'avenir à cinq, dix ans. Je crois que ce plan fait tout à fait l'impasse sur le très court terme. Par exemple, dans notre réseau, nous aurions besoin de deux fois plus de neuropsychologues… dès maintenant.»
Formation Alzheimer requise.
«Il y a encore dix, quinze ans, on pouvait se permettre de ne pas être bien informé. À l'époque, la courbe était exponentielle, on parlait d'“alzheimérisation”. Désormais, on gagne une année d'espérance de vie tous les quatre ans. Aujourd'hui, le nombre de cas diagnostiqués est bien inférieur à la réalité, d'autant que l'on ne tient pas compte de ceux qui entourent les malades, c'est-à-dire les aidants», précise le Dr Robert. Ce que souligne également Laurence Alenda dans son mémoire : «La maladie d'Alzheimer n'est pas la maladie d'une seule personne (…) Les aidants familiaux peuvent être considérés comme des malades potentiels, développant des pathologies de stress et de surmenage qui peuvent conduire à une comorbidité importante.» Comment, demande le Dr Robert, contacter une assistante sociale, une aide juridique, une aide ménagère ? «Tout cela nécessite des connaissances que les médecins n'ont pas acquises en fac.»
* Aloïs est le prénom du Dr Alzheimer, neuropathologiste allemand qui a décrit en 1906 l'évolution de la maladie.
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