De notre correspondante
Trois polymorphismes du gène du goût amer ont été identifiés. Ils produisent cinq allèles dans le monde. En Europe et en Asie, il n'en existe que deux, « insensible » et « très sensible ». En Afrique, il existe trois allèles supplémentaires, qui donnent des sensibilités variables. Puisque la sensibilité à l'amer influe sur les choix alimentaires et des comportements comme le tabagisme, une meilleure compréhension de la nature de ces variations pourrait avoir des répercussions sur la santé.
L'équipe du National Institute on Deafness and Other Communication Disorders au NIH (Rockville, MD) a conduit une analyse de liaison génétique en examinant tout le génome des membres de douze familles (plus d'une centaine d'individus) appartenant à la série du Centre d'étude du polymorphisme humain de l'Utah. Ils ont réussi à identifier une petite région du chromosome 7q présentant un important déséquilibre de liaison entre des marqueurs SNP et la sensibilité au goût amer du phénylthiocarbamide (PTC).
Le gène PTC
Ils ont ensuite identifié dans cette région le gène variant en cause, qu'ils ont nommé PTC. Il code pour un des récepteurs au goût amer. « Nous avons identifié la variation génétique qui rend les individus incapables de sentir le goût d'une large classe de substances amères, dont le phénylthiocarbamide (PTC) sert d'exemple », explique au « Quotidien » le Dr Dennis Drayna, qui a dirigé cette recherche.
« Cette variation se trouve dans un gène qui encode un récepteur pour le goût amer, présent sur les cellules gustatives de la langue. Cette variation est courante, environ la moitié des copies de ce gène dans les populations européennes sont de la forme "insensible". En Europe et en Asie, il n'existe que deux formes de ce gène, "très sensible" et "insensible". Dans les populations africaines, il existe trois formes supplémentaires, qui précisent différentes sensibilités à cette substance. »
Un ancêtre unique en Afrique
« Un autre point intéressant est que nous avons identifié le gène à travers un phénomène appelé déséquilibre de liaison, qui est la signature d'un effet fondateur pour le gène "insensible". En d'autres termes, les millions d'insensibles à l'amertume du PTC qui existent dans le monde aujourd'hui sont tous des descendants d'un ancêtre unique qui a émigré hors de l'Afrique, au cours de la préhistoire », ajoute le Dr Drayna.
Etant donné que le PTC et d'autres substances amères de cette classe sont toxiques à fortes doses, il sera intéressant de savoir pourquoi l'allèle insensible au PTC est devenu aussi fréquent, en particulier dans la population européenne.
L'équipe travaille maintenant sur plusieurs objectifs. Le premier, confie le Dr Drayna, est d'étudier la fonction biochimique de la protéine du gène. « Nous avons synthétisé le produit protéique des cinq formes de ce gène et cherchons à mesurer l'activité des ces protéines in vitro . Cela nous permettra de mesurer précisément les différences subtiles de fonction et de les corréler aux différences de perception de goût signalées par des volontaires étudiés. De plus, nos études ont montré que si ce gène est le principal déterminant de la sensibilité au goût amer, il existe un autre gène, non identifié encore, qui contribue aussi à cette sensibilité. Nous cherchons activement à l'identifier, de façon à mieux comprendre toute la machinerie du goût amer chez les hommes ».
« Science », 21 février 2003, p. 1221.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature