« Ne sachant pas ce qui causait ce type de progérie, nous avions peu d'idées sur la façon dont nous pourrions un jour traiter cette maladie », explique dans un communiqué le Dr Nicolas Lévy, chercheur à l'INSERM (U 491) et généticien a l'hôpital de la Timone à Marseille. « Nous ne savons pas encore suffisamment comment la lamine fonctionne pour envisager déjà une forme de traitement », ajoute-t-il. « Je pense que nous y parviendrons dans les dix prochaines années, mais ce sera difficile. »
Un « vieillard » qui meurt à 13 ans
« Maintenant que les chercheurs détiennent le gène, ils peuvent étudier ce qui va de travers dans l'organisme des enfants affectés du syndrome de Hutchinson-Gilford et, avec un peu de chance, trouver les moyens de prévenir ou inverser ces changements », ajoute pour sa part Stella Hurtley (Cambridge, Royaume-Uni), éditrice de « Science », la revue qui publie l'étude.
Le syndrome de Hutchinson-Gilford est facilement reconnu, bien que ce soit une maladie extrêmement rare, affectant 1 enfant sur 4 à 8 millions.
L'enfant atteint présente un nanisme avec un nez en bec d'oiseau et un menton effacé, et son aspect général fait penser au vieillard : il perd ses cheveux, son faciès est vieilli et sa peau est atrophiée et pigmentée ; il présente en outre une athérosclérose avec maladie coronarienne. Les patients meurent en moyenne à l'âge de 13 ans, généralement par maladie cardiaque.
Il n'existe à ce jour aucun traitement pour cette maladie.
A. de Sandre-Giovannoli, N. Lévy et coll. ont analysé la séquence du gène LMNA chez les patients atteints du syndrome de Hutchinson-Gilford. Cette démarche a été inspirée par la découverte récente de la mutation du gène LMNA dans la dysplasie mandibulo-acrale, aux caractéristiques fort similaires, mais non associée au raccourcissement de la vie. Ce travail désignait le gène LMNA comme un candidat pour la progérie de Hutchinson-Gilford. De fait, les Français ont identifié chez deux patients une mutation du gène LMNA, une substitution hétérozygote d'une base (1824 C-T) dans l'exon 11.
Les exons, on le sait, sont les segments d'ADN qui codent pour la protéine. A l'intérieur du gène, ils alternent avec les introns. Avant qu'un ARNm puisse porter une copie de l'information génétique au lieu de fabrication de la protéine, un système coupe les introns afin de délivrer une chaîne d'exons. L'équipe de Lévy a déterminé que la mutation LMNA semble ébranler la machinerie d'excision, de telle façon que la terminaison de l'exon 11 se trouve tronquée. Cela entraîne l'anomalie de la lamine A, mais non de la lamine C.
Mutation dominante
La mutation est dominante, autrement dit il suffit d'hériter une seule copie mutée d'un parent pour développer le syndrome de Hutchinson-Gilford. La mutation, pour une raison encore inconnue des chercheurs, entraîne la production d'une lamine A anormale dans une fraction des cellules seulement.
« Ainsi donc, le syndrome de Hutchinson-Gilford représente une nouvelle laminopathie, causée par une seule mutation hétérozygote d'épissage dans le gène LMNA, laquelle aboutit à une perte majeure d'expression de la lamine A, qui est associée intimement a des altérations nucléaires », concluent les chercheurs.
Les lamines A, B, et C sont des protéines fibrillaires tissées ensemble qui tapissent l'intérieur de la membrane nucléaire. Pendant la division cellulaire, la membrane se brise et permet au noyau de se diviser en deux. Lorsque les nouvelles membranes se reforment autour des deux noyaux, les lamines s'assemblent de nouveau pour en tapisser l'intérieur. Mais les cellules dotées de lamines défectueuses se divisent mal et meurent prématurément, ce qui réduit considérablement la capacité du tissu a se régénérer.
Les troubles causés par des lamines défectueuses sont appelés des laminopathies. La plupart des laminopathies connues affectent un seul type tissulaire. La dysplasie mandibulo-acrale a été la première laminopathie identifiée touchant plusieurs tissus, à l'instar de la progérie de Hutchinson-Gilford.
Il sera difficile de mieux comprendre les diverses fonctions des lamines et les mécanismes qui expliquent les différences entre les diverses laminopathies.
Il faudra étudier aussi un plus grand nombre de patients atteints du syndrome de Hutchinson-Gilford si l'on veut identifier toutes ses causes possibles, souligne le Dr Lévy. « Cette étude a été menée chez très peu de patients ; aussi nos résultats doivent-ils évidemment être confirmés. » C'est dire l'intérêt de l'étude américaine publiée dans « Nature ».
« Science », sciencexpress.org, 18 avril 2003.
Les auteurs sont : les Français A. de Sandre-Giovannoli, P. Cau, C. Navarro, I. Boccaccio, N. Lévy, R. Bernard, J. Amiel, S. Lyonnet, A. Munnich, M. Le Merrer, et l'Américain C. L. Stewart.
Longévité et vieillissement
C'est dans « Nature » qu'une équipe dirigée par Francs Collins (Maria Eriksson et coll.) annonce, dans 18 cas étudiés sur 20, l'identification d'une mutation de novo au niveau de l'exon 11 du gène LMNA, à savoir une substitution unique C608G. Dans un autre cas, une autre substitution a été identifiée dans ce même exon.
« Puisque la plupart des cas de HGPS (Hutchinson-Gilford Progeria Syndrome) ont une mutation de novo dans le même codon, des diagnostics moléculaires devraient être presque immédiatement réalisables. Cela sera particulièrement utile pour faire le diagnostic chez un enfant avant l'apparition du phénotype. Les méthodes de diagnostic moléculaire pourraient aussi permettre d'être rassuré en période prénatale (...). Finalement, la découverte de la base moléculaire du HGPS suggère un rôle possible du LMNA dans le processus normal du vieillissement. Il sera important de voir si des variants communs de ce gène sont associés à une exceptionnelle longévité et, peut-être, de voir si des mutations somatiques de LMNA, accumulées pendant la vie, jouent un rôle dans la sénescence », concluent les Américains.
Dr E. de V.
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