« U N chercheur d'une exceptionnelle polyvalence, un modèle de pluridisciplinarité. » En lui remettant, sous les lambris de son ministère de la Recherche, le Galien 2001, Roger-Gérard Schwartzenberg a retracé à grands traits le prestigieux parcours de Jean-Charles Schwartz, l'un des plus grands spécialistes de pharmacologie, pionnier des neurosciences françaises.
On lui doit, a souligné le ministre, d'avoir « analysé les mécanismes d'action d'une famille de neurotransmetteurs, les monoamines, dont la fonction commune semble être de moduler les multiples actions de notre cerveau. Ces molécules sont impliquées dans la régulation du sommeil ou de l'appétit, de l'humeur et du mouvement. Ses contributions concernant l'histamine, la sérotonine et la dopamine sont mondialement reconnues. »
Les nouveaux apports de la biologie moléculaire
La pluridisciplinarité semble bien caractériser la démarche du lauréat. Dès la fin des années quatre-vingt, a souligné le ministre, il a su « enrichir (les) techniques de pharmacologie et d'enzymologie classiques avec les nouveaux apports de la biologie moléculaire. Ceci (l) 'a conduit à la caractérisation de plusieurs récepteurs de la dopamine, D2 par exemple, essentiel à la régulation du mouvement et à certains phénomènes liés à la pensée ; D3, permettant l'identification du mécanisme d'action à de nouveaux neuroleptiques ; D4, dont certains variants pourraient être associés à une susceptibilité particulière à l'alcool ».
Des travaux salués également par Bernard Kouchner. Le Pr Félix Reyes, qui représentait le ministre délégué à la Santé et intervenait en son nom, a célébré l'étude de ces neuromédiateurs et de leur fonctionnement moléculaire ; elle constitue, a-t-il souligné, « un modèle fascinant d'identification de cibles pharmacologiques nouvelles et donc d'élaboration d'une nouvelle génération de médicaments. C'est ainsi (...) qu'apparaîtront à court terme des médicaments actifs, notamment dans le domaine des addictions - problème majeur de santé publique. »
D'ores et déjà, le Pr Roger Boulu, membre du jury, a cité les trois principaux domaines dans lesquels la stratégie de Jean-Charles Schwartz est prometteuse et féconde : « L'histamine cérébrale, avec la découverte du récepteur histaminergique H3 et de ses premiers agonistes ou antagonistes, un agoniste périphérique agent anti-inflammatoire gastroprotecteur qui est en phase 2 d'essais cliniques ; les récepteurs de la dopamine (avec Pierre Sokoloff), découverte d'isoformes du récepteur D2 et surtout du récepteur D3 ; les neuropeptidases, enfin, thème que Jean-Charles Schwartz dirige lui-même. »
Un concept nouveau et révolutionnaire
Recevant le prix de l'innovation pour la vertéporfine (Visudyne) en sa qualité de directeur général de CIBA vision Ophtalmics (groupe Novartis), Philippe Barrois a insisté sur le couronnement que cette distinction apporte aux « efforts d'une équipe de pionniers qui ont su appliquer à l'il un concept nouveau et révolutionnaire : la photothérapie dynamique. Cette équipe a pu surmonter les écueils du développement particulièrement complexe de cette technique. » Et le récipiendaire de féliciter les « investigateurs » de ce travail, en particulier le Dr Françoise Koenig (hôpital Bellevue), le Pr Gisèle Soubrane et le Pr Gabriel Coscas (CHI de Créteil). La Visudyne, a-t-il remarqué, « présente une solution d'espoir » pour plus de un million de personnes atteintes en France par la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), une pathologie qui reste cependant relativement méconnue du grand public.
Le Galien 2001 a encore mis à l'honneur le Fomézipole AP-HP, qui, a souligné le Pr Marie-Madeleine Loubatières, membre du jury, « présente un apport thérapeutique majeur dans le traitement des intoxications par l'éthylèneglycol ». Des affections qui, pour être rares (environ une centaine de cas par an en France), n'en sont pas moins graves et parfois mortelles.
Ce nouveau traitement consiste à « inhiber l'alcool déshydrogénase, enzyme hépatique responsable de la transformation de l'éthylèneglycol, transformation qui aboutit aux métabolites toxiques pour l'organisme, entraînant une acidose avec formation notamment d'acide oxalique.».
C'est grâce à la collaboration étroite de trois services de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (service de réanimation médicale et toxicologique de Lariboisière, dirigé par le Pr Frédéric Baud, service de pharmacie d'Henri-Mondor dirigé par le Pr Astier et établissement pharmaceutique de l'AP-HP, dirigé par le Dr Dominique Pradeau) que ces recherches ont pu aboutir à la mise sur le marché de ce médicament orphelin.
« Le Fomépizole est le symbole, a insisté le Pr Baud, de la politique menée par la France et notre institution dans la prise en charge des maladies rares ».
« Recherche de cibles pharmacologiques nouvelles, production d'un médicament orphelin, amélioration de la qualité de vie des personnes malvoyantes » : Bernard Kouchner s'est félicité des « choix opérés par le jury du prix Galien (qui) ne pouvait mieux répondre à mon attente et à l'idée qu'(il) se fait des progrès en santé publique ».
Dans son intervention, lue par le Pr Reyes, le ministre de la Santé a rappelé à quel point est vaste le champ de la recherche biomédicale, un champ dans lequel interviennent plusieurs acteurs : « En amont se trouvent ceux de la recherche fondamentale et cognitive, en aval ceux chargés de la recherche clinique appliquée, entre les deux ceux chargés des transferts et notamment du développement des nouvelles molécules à usage thérapeutique. »
Cette interdisciplinarité l'amène, a-t-il expliqué, à « uvrer pour que les équipes soignantes hospitalières puissent établir les partenariats nécessaires avec les acteurs de la recherche institutionnelle et de l'industrie du médicament ».
Des partenariats au développement desquels participe également activement le ministre de la Recherche. Roger-Gérard Schwartzenberg a notamment fait état du soutien important accordé par son administration à trois réseaux de recherche et d'innovation technologique : le Génoplante, qui mobilisera 1,6 milliards sur cinq ans, dont 800 millions provenant de l'Etat ; le GenHomme, où ce sont 3 milliards qui seront investis, dont 1 milliard de l'Etat ; et le réseau Technologies pour la santé, doté de 40 millions cette année.
Un autre partenaire intervient aux côtés des pouvoirs publics, des chercheurs et des industriels des médicaments, a déclaré, en guise de conclusion de la cérémonie, le Dr Gérard Kouchner, P-DG du Groupe Quotidien Santé, « c'est la presse d'information professionnelle, celle qui chaque jour, pour « le Quotidien du Médecin », ou régulièrement pour « le Généraliste », « Panorama du médecin », « Impact médecin hebdo », procure aux professionnels de santé une information qu'ils ne trouveront nulle part ailleurs. Il s'agit-là d'un rôle essentiel dans la formation, au sens global du terme. »
Car, a remarqué le Dr Gérard Kouchner, « il ne suffit de faire (de la recherche, des réformes, etc.), encore faut-il le faire savoir. Et nous sommes là pour cela, avec la fierté de notre rôle. »
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