L 'INSTANT se voulait solennel et symbolique du renouveau du dialogue entre les professionnels de santé et les partenaires sociaux qui gèrent l'assurance-maladie. Côte à côte, Marc Blondel (FO), Bernard Thibault (CGT), Alain Deleu (CFTC), Jean-Luc Cazettes (CFE-CGC), ainsi que les trois présidents de syndicats médicaux, les Drs Maffioli (CSMF), Cabrera (SML) et Gras (FMF) ont présenté leur contribution commune à une réforme de l'assurance-maladie.
Un travail issu de plus de huit mois de discussions entre des organisations qui ont fait le choix de « rompre avec la logique comptable » de la maîtrise des dépenses de santé instaurée, selon elles, par le plan Juppé. Une logique qui, comme l'a souligné Bernard Thibault, secrétaire générale de la CGT, a conduit le système « dans une impasse, y compris sur le plan financier ».
« Donner une respiration à la Sécu »
Il n'est donc pas étonnant qu'on y retrouve les adversaires de toujours du plan Juppé, qu'il s'agisse du principal syndicat de médecins libéraux, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), ou encore de la CGT et de Force ouvrière. La CFTC et la CGT, qui avaient soutenu pendant quelque temps la maîtrise « comptable », se sont également ralliés à ce groupe de réflexion.
Le résultat est un ensemble de propositions dont l'objectif est de mettre en place une maîtrise médicalisée des dépenses fondée sur une meilleure organisation des soins de ville et une amélioration de la qualité des soins. En contrepartie d'un engagement dans cette démarche, les actes des médecins seraient mieux rémunérés : la consultation du généraliste serait portée à plus de 190 F et mieux remboursée (à 90 %).
Les propositions du « G7 » n'échapperont aux critiques sur le surcoût financier - environ 30 milliards de francs selon la CNAM - que leur application entraînerait pour l'assurance-maladie. Les auteurs du projet reconnaissent d'ailleurs qu'ils n'ont pas cherché à l'évaluer. Le pari qui est fait est « qu'en responsabilisant davantage les médecins, on peut arriver à faire baisser le volume des actes et des prescriptions », explique le président du SML, le Dr Dinorino Cabrera, qui rappelle que la seule mise en uvre des références médicales en 1993 avait contribué à faire diminuer le rythme d'évolution des dépenses.
« Le problème n'est pas là, estime de son côté le patron de FO, Marc Blondel. Il s'agit surtout de donner une respiration à la Sécurité sociale afin d'améliorer un système de soins qui ne répond plus aux besoins, d'affirmer notre volonté commune de changer les choses. »
« Le surcoût financier, il existe déjà. Le budget de l'assurance-maladie est dépassé année après année et la qualité des soins se dégrade. Ce que nous souhaitons, c'est un investissement qui modifie qualitativement le système des soins », ajoute de son côté Bernard Thibault.
Car pour eux, les sources de financement existent. Et ils entendent bien faire valoir leur point de vue lors de la discussion avec le gouvernement sur le financement des 35 heures pour lequel la Sécurité sociale doit en principe être mise à contribution. Il s'agit « d'un choix de société » qui doit être tranché rapidement par les responsables politiques.
Le gouvernement saisi
C'est pourquoi les sept organisations ont souhaité présenter leur projet comme une contribution au débat public qu'Elisabeth Guigou a engagé dans ce domaine à l'occasion du « Grenelle de la santé ». « La question, désormais, est de savoir comment va être reçu notre projet et, je ne suis pas dupe, si le gouvernement voudra mener ce débat avant ou après les élections. Pour l'instant, je n'ai pas de réponse », a ajouté Marc Blondel, précisant que les membres du « G7 » solliciteront un entretien auprès de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sur cette question et feront tout pour que ce projet soit pris en compte.
Discussions avec les autres partenaires
Cette contribution se veut également ouverte à la discussion avec les autres organisations partenaires de l'assurance-maladie, notamment la CFDT qui préside actuellement la Caisse nationale d'assurance-maladie et le Medef, qui semble avoir renoncé, du moins provisoirement, à inscrire la question à l'ordre du jour de la refondation sociale ; à la grande satisfaction de la CGT et de FO. « Le Medef doit comprendre qu'il y a d'autres organisations qui ont légitimité à s'interroger sur l'avenir sans qu'il en assume obligatoirement la présidence. Et que, parfois, en son absence, les travaux peuvent être plus productifs qu'en sa présence », a insisté Bernard Thibault. La CFTC, qui participe à la majorité de gestion de la CNAM aux côtés de la CFTC et du Medef, a souhaité que le dialogue entamé avec les professionnels de santé, jugé « nécessaire et opportun », s'étende et se poursuive au sein même de la Caisse nationale d'assurance-maladie. « On n'assurera pas l'avenir du système de santé et d'une médecine de qualité sans l'engagement du patronat », a soutenu pour sa part Alain Deleu. Les syndicats de salariés ont tenu cependant à souligner que pour la première fois, sur un sujet concernant la refondation sociale, ils arrivaient à un projet syndical commun. « Nous voulons démontrer que nous sommes capables d'assurer une évolution moderne et efficace de la Sécurité sociale, a conclu Marc Blondel. Si on s'entête dans la voie actuelle, le risque est, à terme, la privatisation du système. C'est ce que nous ne voulons pas. »
Le texte intégral du document du « G7 » est consultable sur le site du « Quotidien » : www.quotimed.com
Les réactions dans le monde de la santé
Le Dr Costes (MG-France) :
pas sain
Le Dr Pierre Costes, président de MG-France, a déclaré au « Quotidien » :
« Avec une consultation à 30 euros pour les médecins généralistes et, je suppose, un tarif de l'ordre de 50 euros pour les spécialistes, on peut difficilement faire une annonce plus élevée ! Mais, en période de campagne électorale, rien n'est jamais trop beau. Les partis politiques sont en campagne, la CGT et FO aussi [les conseils d'administration des caisses nationales de Sécurité sociale doivent être renouvelés en juillet, NDLR]. Mais ce texte n'est pas sain. La présence de Bernard Thibault [secrétaire général de la CGT, NDLR], ce n'est pas sain. Nous, au groupe des 14, voire 15 [groupe de travail auquel participent notamment la CFDT et la Mutualité française, NDLR], nous ne faisons pas de choix partisan de gauche ou de droite en période de campagne électorale. Notre groupe est un lieu où l'on travaille, et non un lieu où l'on prépare la revanche. Le syndicat MG-France inscrit sa politique professionnelle dans la résolution des problèmes des médecins généralistes libéraux et, au-delà, des problèmes des autres professionnels de santé libéraux. Cela pose la question de leur place dans le système : que font-ils ? Quels services offrent-ils et dans quelles conditions ? »
Le Dr Brun (UCCSF) :
très hostile
Le Dr Jean-Gabriel Brun, président de l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français, syndicat qui n'a pas participé au « G7 », a déclaré au « Quotidien » :
« Je suis très hostile à ce texte. Il présente une convention unique, donc pour tous, mais cela ressemble fort à une convention de médecine générale. Je suis tout à fait d'accord pour la revalorisation de la lettre C, mais si c'est pour lâcher totalement le secteur II, c'est inacceptable. Seul celui-ci permet de prendre en compte les actes spécifiques de spécialités comme la chirurgie ou la radiologie. Il aurait fallu dans ce texte des volets spécifiques pour les spécialistes. Ceux qui travaillent sur des plateaux techniques lourds, propres au secteur hospitalier, et sur des plateaux techniques légers sont oubliés. J'ai le sentiment que les auteurs du projet savent ce qui va se passer dans l'hospitalisation privée avec la tarification à la pathologie, à savoir que nous allons passer sous la coupe de l'Etat, et qu'ils font déjà leur deuil de ce secteur. En dehors de ce problème, je suis d'accord avec toutes les dispositions du texte. Néanmoins, je suis piqué au vif et je vais me précipiter au « G12 » pour aller discuter avec MG-France ».
La CNAM :
décevant
Président de la Caisse nationale d'assurance-maladie, Jean-Marie Spaeth n'avait pas, en fin de semaine, réagi officiellement à ce document. Dans son entourage, on estime cependant que les propositions du « G7 », en obéissant à une logique de convention tarifaire, marquent un retour à une démarche déjà vue. On juge le projet également décevant dans la mesure où, affirme-t-on, il ne donne pas de réponses aux aspirations de la population, dans le domaine de la transparence par exemple, ni ne prend acte de l'évolution de la médecine, qui veut notamment que ce ne soit plus un médecin, mais une équipe de médecins qui soigne un malade. Reproche également fait au plan du « G7 » : il est déclaratif et peut être traduit par la formule « Faites-nous confiance, mettez 30 milliards de francs sur la table et vous verrez », les 30 milliards correspondant au coût des mesures proposées. Le remboursement à 90 % des consultations ne passe pas mieux puisqu'il est vu comme un transfert de charges des assureurs complémentaires vers le régime obligatoire.
Le Dr Bonet (UNAFORMEC) :
cela me va
Président de l'Union nationale des associations de formation médicale continue (UNAFORMEC), le Dr Philippe Bonet a déclaré au « Quotidien » : « Ce que j'ai lu dans vos colonnes concernant la FMC me va très bien. Le « G7 » ne critique pas particulièrement la formation professionnelle conventionnelle [FPC indemnisée, réservée de fait aux seuls médecins généralistes, NDLR], mais l'intègre dans un système global de FMC plus général qui devrait fonctionner au mieux. Il y a aussi un aparté qui me plaît énormément : le « G7 » parle des médecins-conseils. C'est l'une de nos demandes à l'UNAFORMEC. Il est impensable que des médecins-conseils ou contrôleurs viennent faire des remontrances à des médecins libéraux sans être eux-même soumis à un minimum d'obligations en ce qui concerne leur FMC, voire à une évaluation professionnelle, eux aussi.
A propos de l'autoévaluation individuelle, j'ai eu l'impression de boire du petit lait, parce que c'est ce que nous prônons depuis des années à l'UNAFORMEC, en inventant les BPP (bilans professionnels personnalisés) . »
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