L'HYPOTHERMIE constitue (avec les engelures) la pathologie la plus directement liée aux basses températures. Le phénomène a longuement été étudié, mais ne concerne seulement que 1 % du nombre des décès dus au froid, dans les pays tempérés. Il touche surtout les sans-abris, les personnes sous l'emprise de psychotropes ou en état d'ivresse. En France, le plan « Urgence hivernale » assure déjà une prévention efficace. D'autres effets du froid concernent d'autres pathologies qui pourraient également nécessiter l'organisation d'un système d'alerte. Dans le cadre d'une réflexion menée par la direction générale de la Santé, l'InVS (Institut national de veille sanitaire) publie, à ce sujet, les éléments d'une synthèse bibliographique réalisée avec Météo France et le laboratoire Climat et Santé de la faculté de médecine de Dijon.
Les travaux qui ont étudié les relations entre la température et la mortalité ont mis en évidence l'existence d'une courbe en V, avec une pente plus accentuée du côté des températures élevées que du côté du froid. « Cependant, affirme le rapport, en chiffre absolu le froid est plus meurtrier que la chaleur. »
La surmortalité due au froid est, en effet, plus élevée que la surmortalité due à la chaleur. On observe une augmentation linéaire de la mortalité associée au froid à mesure que la température diminue. Cependant, cette tendance est plus prononcée dans les climats tempérés que dans les climats extrêmes. « Le pourcentage moyen de l'augmentation de mortalité pour chaque baisse de 1 °C à partir de 18 °C est le plus bas en Finlande et le plus élevé en Grèce », note le rapport. La raison de cette augmentation moins brutale de la mortalité dans les régions froides tient au fait que la population qui y réside sait mieux se protéger et prend des mesures plus efficaces que celle des régions chaudes.
A l'exemple de la surmortalité (13 %) provoquée par la vague de froid, jusqu'alors sans précédent, qui a touché la France en janvier 1985, les pathologies concernées sont essentiellement les infarctus du myocarde (+ 17 %), les accidents vasculaires cérébraux (+ 54 %) et les pneumonies (+ 208 %). Elles surviennent avec un temps de décalage par rapport à l'événement climatique : 7 à 14 jours pour la mortalité cardiovasculaire ; de 15 à 30 jours pour la mortalité respiratoire. Des effets néfastes qui apparaissent lorsque le système thermorégulateur est déficient ou si le stress thermique est trop important.
Thrombose et spasme artériel.
La vasoconstriction provoquée par l'exposition au froid explique la survenue des pathologies d'origine vasculaire. Lorsqu'elle est associée à la rupture d'une plaque d'athérome, elle favorise les thromboses artérielles, tandis qu'un spasme des artères coronaires entraîne, chez le sujet à risque, la survenue ou l'aggravation d'une angine de poitrine, voire d'un infarctus du myocarde. Environ « la moitié de la surmortalité hivernale peut être attribuée à une thrombose coronaire », souligne le rapport. Et l'exposition au froid est reconnue comme un facteur favorisant des morts subites non traumatiques (pic hivernal de décembre à février).
Les mêmes mécanismes (hypertension artérielle, hyperviscosité et thrombose) sont en cause dans les accidents vasculaires cérébraux, en particulier de type ischémique. En revanche, l'étiopathogénie des maladies respiratoires liées au froid, qui représentent environ 25 % de la surmortalité, n'a pas été complètement élucidée. Sont évoqués : une moindre résistance immunitaire due au froid, une irritation des muqueuses par l'air froid et sec, l'augmentation de la propagation des germes et donc des infections dans des lieux confinés et chauffés. La fréquence de la grippe serait due à la survie plus longue du virus dans les conditions climatiques de type temps sec et froid. La vaccination antigrippale et le traitement des infections secondaires devrait permettre de réduire cette surmortalité.
Bien que l'inhalation d'air froid soit un facteur déclenchant des crises d'asthme, « il semblerait que le froid ne soit pas un facteur de risque majeur (pas de pic en hiver) et que l'augmentation des crises graves en automne soit liée à des infections bronchiques virales », souligne le rapport.
Effets indirects.
D'autres pathologies ne participent pas à la surmortalité mais sont rattachées au froid : les acrosyndromes ou syndromes de Raynaud, la drépanocytose (augmentation des crises douloureuses) et l'hypothyroïdie (diminue la tolérance au froid).
Le risque accru d'intoxication au monoxyde de carbone (système de chauffage déficient ou véhicules immobilisés par le froid) est le plus préoccupant des effets indirects du froid. Ni les fractures ni les accidents de la route (plutôt en baisse) ne sont favorisés par le froid.
L'analyse présentée par l'InVS permet donc d'identifier les pathologies liées au froid qui restent préoccupantes en termes de santé publique : maladies cardiovasculaires, infections respiratoires, intoxication au monoxyde de carbone. De même, elle identifie les populations les plus sensibles : les enfants, surtout asthmatiques, les personnes âgés, insuffisants respiratoires, asthmatiques, personnes souffrant de cardiopathies ischémiques. Des études complémentaires sont nécessaires, notamment pour déterminer si les pathologies identifiées « sont évitables et, si oui, par quels moyens de surveillance d'alerte et de prévention ». Elles devraient être réalisées dans le cadre du programme de recherche « changement climatique, température extrême et santé » auquel collaborent le Cnrs et l'InVS.
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