Salué en héros, ou peu s'en faut, à son arrivée Avenue de Ségur en juin 2002, par l'ensemble du monde médical, et particulièrement les généralistes (qui lui ont longtemps su gré de leur avoir accordé, sitôt nommé, ce qu'ils réclamaient depuis plus de six mois, à savoir le C à 20 euros), Jean-François Mattei a perdu aujourd'hui beaucoup de son crédit.
Les derniers événements ne sont évidemment pas pour rien dans ce désenchantement. Le drame de la canicule cet été, puis l'encombrement des urgences hospitalières, surtout en Ile-de-France, le week-end dernier, et les commentaires du ministre de la Santé, en ces deux occasions, sont à l'origine de ce désamour, voire de ce divorce.
Car rupture il y a bien aujourd'hui entre les médecins libéraux et le gouvernement. Les généralistes, qui reprochent vivement à leur ministre de ne pas avoir prononcé une seule phrase pour les défendre contre les attaques lancées contre eux en août, ont été encore plus atteints et meurtris après les accusations portées contre eux le week-end dernier. Et pas par n'importe qui : par un ministre de la Santé, médecin de surcroît, en qui ils avaient toute confiance et qui leur était enfin apparu comme LE ministre qu'ils attendaient depuis longtemps. « Nous avons été trahis, explique un lecteur du "Quotidien" qui s'exprime par Internet, et il faudra bien s'en souvenir au moment des prochains scrutins. »
Le souvenir du plan Juppé
Et ce ne sont pas les petits pas en arrière du ministre de la Santé, atténuant la portée de ses propos - affirmant qu'il n'avait assurément pas voulu montrer du doigt les médecins libéraux -, qui ont pu calmer le courroux des généralistes, aujourd'hui très remontés contre Jean-François Mattei. Comme ils le sont contre l'ensemble de la majorité après les accusations d'un ancien ministre de la Santé, lui aussi médecin, Philippe Douste-Blazy, secrétaire général de l'UMP.
De quoi désespérer les médecins d'avoir soutenu les candidats de cette formation, lors des dernières élections.
Décidément, la droite a la manie de s'aliéner, une fois au pouvoir, les faveurs de son électorat médical. On se souvient des ravages du plan Juppé et ses conséquences aux législatives de 1997 ; aujourd'hui, bis repetita avec les mises en cause des médecins libéraux et des généralistes.
Alors même qu'ils attendent un soutien ferme de leur ministre. Surtout à un moment où ils ne sont pas au mieux, où ils s'interrogent sur leur place dans le système de soins, et où se pose avec acuité le problème de la permanence des soins et du rôle du généraliste dans ce système.
A mettre en cause, chaque fois ou presque que se produit un événement imprévu, la médecine libérale et la médecine générale, le gouvernement et le ministre de la Santé jouent avec le feu et vont à l'encontre des intérêts mêmes de la santé publique. Ils rejettent vers l'hôpital et ses urgences des patients qui, jusqu'alors, faisaient surtout confiance à leur médecin généraliste. Et, cela, alors même que l'on préconise une meilleure coordination entre la médecine de ville et l'hôpital.
A ce niveau, ce n'est plus seulement de la maladresse. C'est une faute qui peut avoir demain de lourdes conséquences sur l'organisation même du système de soins.
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