De notre envoyé spécial
Bien sûr, ce n'est pas encore la grande histoire d'amour entre les médecins libéraux et le gouvernement. Le plan Juppé et ses avatars ont laissé des traces. Mais ça ressemble quand même un peu à une idylle naissante. L'université d'été de la CSMF, à Ramatuelle (Var), rendez-vous traditionnel de la grande famille confédérale qui, entre ateliers de travail et piscine, donne souvent des indications précieuses sur le moral des troupes, a clairement montré que le fossé qui sépare depuis sept ans les pouvoirs publics du principal syndicat de médecins commence à se combler.
Paradoxalement, c'est l'ancien président de la Confédération, le Dr Claude Maffioli (aujourd'hui au Conseil économique et social après son échec aux élections législatives) qui a confirmé le premier ce nouvel état d'esprit, volant quelque peu la vedette à son successeur « consentant ». Intervenant en ouverture de l'université, le Dr Maffioli a brossé en quelques phrases un tableau résolument optimiste de la situation. Il a précisé toutefois qu'il s'agissait de « sensations personnelles ».
« Quelles sont les perspectives ? a-t-il interrogé. Après sept ans de combat acharné, je ressens un frémissement, le même frémissement qu'en 1992 (avant la première tentative de maîtrise médicalisée). Oui, il se passe quelque chose, une fenêtre s'entrouvre, tous les acteurs ont le même désir d'aller vers une vraie réforme, de faire bouger les choses et de reconstruire. »
Un peu plus tard, son discours a pris des accents dithyrambiques quand il a évoqué les premiers mois d'action de Jean-François Mattei. « Je crois qu'il y a une volonté politique d'aller dans le bon sens. Nous avons le C à 20 euros, le V à 30 euros. Les pénalités des spécialistes en secteur I ont été supprimées. Les comités médicaux régionaux et les lettres clés flottantes vont disparaître aussi. La première partie du contrat a été remplie par nos interlocuteurs et je reste persuadé que Jean-François Mattei est le meilleur ministre de la Santé que nous puissions avoir. Je pense qu'avec lui on va aller loin. »
N'en jetez plus. Tant de lauriers tressés à un ministre de la Santé en exercice, on avait rarement entendu cela, de mémoire de congressiste. Certes, la proximité d'idées entre le ministre de la Santé et Claude Maffioli (étiquette Démocratie libérale aux dernières législatives) apporte un autre éclairage à ces propos. Mais pouvait-on ne pas accorder à cette introduction si louangeuse une signification politique, alors même que l'université de la CSMF était intitulée « La médecine libérale : pour un nouveau contrat » ?
Chassang : il va falloir atterrir
Les termes du nouveau contrat restent à définir. La CSMF y prendra « toute sa part ». Refonte de la nomenclature, articulation entre l'ambulatoire et l'hospitalisation, statut du médecin libéral, réforme du système conventionnel : le chantier demeure immense et piégeur, comme le montraient les différents ateliers de travail. Mais la donne a bel et bien changé. « Depuis 1995, analyse le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, Ramatuelle avait toujours été un moment de lutte. Désormais nous sommes entrés dans une phase de construction ». Lui aussi perçoit le nouveau « climat de confiance » qui s'établit, « beaucoup plus propice à l'échange qu'il y a un an ». Les grandes lignes du PLFFS 2003 ? « La disparition des derniers stigmates de la médecine comptable va dans le bon sens et il est courageux d'ouvrir le débat sur le panier de soins. » L'horizon conventionnel ? « Il s'éclaircit. » L'ONDAM 2003 fixé à 5,3 % ? « Il évite au moins d'être ridicule .»
Mais attention : la CSMF ne signera « Aucun chèque en blanc » ni au gouvernement ni aux caisses. Le Dr Chassang jugera le premier « sur les textes » qui seront effectivement publiés dans les mois à venir sur la permanence des soins, la FMC, la démographie médicale, le statut social et fiscal du médecin. Quant à la caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), elle est également prévenue. « La CSMF ne signera jamais une convention sans revalorisation des spécialistes », qui réclament une enveloppe d'un milliard d'euros pour leurs honoraires.
« Beaucoup de choses se joueront avant la fin de l'année, prévient un responsable confédéral. On saura au début de 2003 si nos avons eu raison de faire confiance à ce gouvernement. » Le calendrier qui s'annonce est effectivement redoutable. Le budget de la Sécu sera débattu à l'Assemblée entre le 28 et le 31 octobre. Entre-temps, les négociations conventionnelles entre les syndicats médicaux et l'assurance-maladie seront entrées dans leur phase politique. Quant aux groupes de travail placés sous l'autorité de l'Etat (sur la FMC, la permanence des soins, la démographie), ils doivent rendre leurs conclusions avant le début de l'année prochaine. « La fenêtre est ouverte, résume le Dr Chassang. Maintenant il va falloir atterrir. »
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