Jean-François Mattei l'a dit devant les cadres de l'industrie pharmaceutique ; il l'a répété à l'occasion de conversations particulières, lors de l'université d'été de la CSMF à Ramatuelle : rien n'est définitivement tranché, concernant le principe du forfait de remboursement pour les groupes génériques, principe pourtant bien inscrit dans l'article 28 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2003. En fait, explique le ministre de la Santé, « le forfait de remboursement s'appliquera chaque fois que c'est nécessaire ». Formule vague.
On sait que le forfait de remboursement, appelé encore tarif forfaitaire de responsabilité (pour bien signifier aux patients toute leur responsabilité en la matière), consiste à fixer un tarif unique de remboursement quel que soit le prix du médicament. Un tarif de remboursement qui sera déterminé en fonction du prix du générique.
Les économies qui pourraient découler de ce système restent encore difficiles à chiffrer ; mais dans l'esprit du gouvernement, il s'agit surtout d'inciter les patients à réclamer à leur médecin le médicament le moins cher et par là même de leur faire prendre conscience de leur responsabilité dans les finances de l'assurance-maladie.
Cependant, le système inquiète un certain nombre de consommateurs, assurés sociaux et professionnels de santé, sans compter les industriels. Lesquels n'ont pas manqué d'avertir le ministre que son projet est peut-être le plus sûr moyen de freiner la progression des génériques, alors même qu'ils décollaient. En effet, les fabricants des produits princeps, dans le cadre de l'application de ce forfait de remboursement, ne manqueraient d'abaisser leur prix au niveau du générique, pour ne pas perdre le marché. Il est évident que beaucoup d'assurés préféreraient se procurer, pour le même prix, le princeps au générique. C'est ce que note un fabricant de génériques dans le dernier numéro d'« Usine Nouvelle ». Si les laboratoires des produits princeps, explique-t-il, « baissent de 30 à 40 % leur prix pour s'aligner sur les prix de leurs génériques, les entreprises de génériques dont les marges sont déjà minuscules, n'ont plus qu'à fermer boutique ».
L'importance de l'article 28
Est-ce la raison qui a incité le gouvernement à rester prudent ?
On l'ignore, mais il est clair que l'instauration du forfait de remboursement ne sera pas facilement mise en place.
Il faut d'abord qu'il soit avalisé par les parlementaires lorsqu'ils examineront l'article 28 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Ensuite, les pouvoirs publics veulent l'appliquer au cas par cas, semble-t-il.
Ainsi pour les groupes génériques où le princeps est très largement prescrit par le médecin par rapport au générique et pour lesquels le droit de substitution n'est pas appliqué par le pharmacien ou très rarement, les pouvoirs publics auraient la possibilité de décréter un forfait de remboursement unique. Même cas de figure lorsque le prix du princeps est bien supérieur à celui des génériques.
Mais dans les cas où il n'y a pas de différences fortes entre le princeps et les génériques, le forfait de remboursement pourrait ne pas être appliqué. D'ailleurs, dit un expert, l'article 28 du PLFSS explique bien que « pour les médicaments figurant dans un groupe générique, la base de remboursement (...) peut être limitée à un tarif forfaitaire de responsabilité. Ici, c'est donc le verbe peut qui est important et qui écarte l'application systématique du forfait de remboursement pour tous les groupes génériques ».
Il faut attendre maintenant la version définitive du texte qui sera approuvé par le Parlement pour savoir quelle sera la portée exacte de cette réforme qui est loin de faire l'unanimité, même parmi les proches du ministre de la Santé.
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