« En Grande-Bretagne, près de 25 % des accouchements se soldent par des manoeuvres vaginales instrumentales ou la pratique d'une césarienne. Le choix subjectif entre ces deux méthodes est fait par les obstétriciens en accord avec les mères en veillant à limiter, tant que faire se peut, la morbidité maternelle et néonatale », rappelle le Dr Deidre Murphy (Bristol, Royaume-uni).
Afin de disposer d'éléments objectifs pouvant orienter les praticiens dans le choix des techniques à appliquer aux femmes dont le travail est interrompu malgré une dilatation complète du col, l'équipe d'obstétriciens britanniques a mis en place une étude prospective de cohorte sur une population homogène de la région de Bristol. Dans l'ensemble des hôpitaux de la circonscription, plus de 10 000 accouchements ont lieu chaque année. Puisque le terme d'accouchement vaginal instrumental difficile est subjectif et que, de ce fait, il pourrait exister un biais lié à l'opérateur, les chercheurs ont choisi de ne prendre en compte que les accouchements nécessitant une rotation, ceux dans lesquels une disproportion céphalo-pelvienne est suspectée et ceux pour lesquels le recours à une césarienne a été envisagé par l'opérateur.
Ventouses, forceps ou les deux
De la cohorte des 10 106 accouchements, 393 femmes ont été incluses dans l'étude, qui a duré de février 1999 à janvier 2000. Aucune des personnes contactées n'a refusé de participer à l'essai clinique. Une césarienne a été pratiquée dans 209 cas (soit 21 pour 1 000 accouchements) et un accouchement vaginal instrumental a pu être réalisé chez 184 autres (soit 18 pour 1 000 accouchements sur un total de 291 tentatives). Seulement 102 césariennes ont été pratiquées directement avant la mise en place des manoeuvres d'extraction vaginale instrumentales, les autres ont été réalisées plus souvent après la mise en place d'une ventouse (73 sur 140) que de forceps (34 sur 92). Sur les 184 accouchements après manoeuvre instrumentale, 58 ont suivi la mise en place de forceps, 67 de ventouse et 59 la conjonction de forceps et de ventouse.
« Parmi les facteurs de risque de la pratique de césarienne, nous avons retrouvé le BMI élevé de la mère (supérieur à 30), un poids de l'enfant supérieur à 4 kg, et, dans une moindre mesure, la présentation occipito-postérieure ainsi qu'un blocage de l'enfant au niveau des ailes iliaques », explique l'auteur. Les qualifications de l'obstétricien ont, elles aussi, influé sur la pratique des actes de césarienne : les spécialistes les plus entraînés en effet ont moins recours au geste chirurgical que les nouvellement qualifiés.
20 hémorragies massives après césarienne contre 6
Les chercheurs se sont aussi intéressés à la morbidité maternelle et infantile. ils n'ont dénombré ni décès maternel, ni événement thromboembolique, ni laparotomie ou hystérectomie au moment de la sortie de l'hôpital. Vingt hémorragies massives (supérieures à un litre) ont été rapportées dans le groupe césarienne contre 6 dans le groupe voie vaginale et ces événements avaient tendance à être moins fréquents si le chirurgien est expérimenté. Si les mères après un accouchement instrumental vaginal peuvent regagner leur domicile dans les 48 heures après l'accouchement, celles ayant subi une césarienne ont en moyenne été hospitalisées 6 jours.
Dans cette étude prospective, aucun décès périnatal n'a eu lieu et seulement deux enfants ont présenté des signes d'encéphalopathie hypoxique ischémique. « Les enfants nés par césarienne ont été admis plus souvent en réanimation néonatale que les autres en raison d'un score d'Apgar faible ou d'un pH ombilical pathologique au moment de la naissance », précisent les investigateurs. En revanche, l'incidence des traumatismes néonataux a été plus élevée dans le groupe naissance par voie vaginale : une lacération faciale, une fracture de la clavicule, six arrachements du plexus brachial et deux hématomes intratécaux (après la mise en place d'une ventouse).
Pour le Dr Murphy, « l'incidence des complications maternelles et foetales des accouchements difficiles a considérablement diminué en grande-Bretagne par rapport aux données connues au milieu des années soixante-dix (mortalité 3,5 %, anomalies neurologiques 23 %, traumatismes 15 %) ». Si dans cette étude, les complications maternelles et infantiles liées à l'accouchement par voie vaginale sont moindres par rapport aux césariennes, pour les auteurs, « le geste chirurgical doit néanmoins être obligatoire si on suspecte une disproportions céphalo-pelvienne ». En outre, le Dr Murphy rappelle que les manuvres vaginales instrumentales se soldent par des déchirures périnéales complètes et, dans 50 % des cas, par des incontinences urinaires ou fécales à 5 ans. Pour les auteurs, « seule la pratique par des obstétriciens expérimentés peut faire baisser l'incidence de ce type de complications ».
« The Lancet », vol. 358, pp. 1203-1207, 13 octobre 2001.
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