Dans près de 90 % des tumeurs humaines, les protéines kinases dépendantes des cyclines (CDK) sont activées. D'où l'intérêt de la recherche pour les inhibiteurs de ces molécules. Plusieurs d'entre eux, plus ou moins sélectifs d'une ou plusieurs CDK, ont été étudiés en cancérologie. Le premier d'entre eux est le flavopiridol, un flavonoïde semi-synthétique, issu de l'écorce d'une plante indienne, Dysoxylum binectariferum.
Initialement, le flavopiridol fut considéré comme un inhibiteur de l'activité tyrosine kinase du récepteur à l'EGF et de la protéine kinase A. En fait des travaux plus avancés ont permis de mettre en valeur une action plus générale sur l'ensemble des CDK 1 à 9, préférentiellement 1, 2 et 4. Deux autres mécanismes d'action du flavopiridol ont pu être mis en évidence. Tout d'abord, une baisse de l'expression de la cycline D1, oncogène surexprimé dans de nombreuses tumeurs humaines et associé à un mauvais pronostic. Ensuite, le dérivé flavonoïde inhibe l'activité du complexe CDK7-cycline H.
Dans plusieurs modèles, l'arrêt du cycle cellulaire induit par le flavopiridol s'accompagne de l'induction d'une apoptose, notamment sur certaines lignées hématopoïétiques ou dans des cancers des voies aérodigestives supérieures. Enfin, un effet anti-invasif et antiangiogénique de la molécule ont été mis en évidence. Autre point essentiel du mécanisme d'action du flavopiridol, son insensibilité vis-à-vis de la résistance multidrogue. Il agit de manière synergique avec plusieurs antitumoraux conventionnels, potentialise l'effet pro-apoptotique de la mitomycine C et du paclitaxel (cancers de l'estomac ou du sein).
Rein, côlon poumon, estomac,lymphomes
Plusieurs essais ont été menés dans diverses tumeurs qu'elles soient rénales, coliques, pulmonaires, gastriques ou dans des lymphomes. Dans tous les cas, les effets secondaires ont été multiples. Dans un premier essai, sur 76 patients, la diarrhée a joué le rôle de dose toxique limitante (DLT). Une hypotension orthostatique a été également relevée. Dans un autre essai, chez 27 patients, outre la diarrhée, les expérimentateurs ont relevé des nausées, des vomissements, une neutropénie et une asthénie. Enfin, au cours d'essais de phase II dans des cancers du rein ou de l'estomac, ont été relevées des thromboses artérielles ou veineuses.
Outre ces effets délétères, les résultats thérapeutiques ont été peu encourageants, quelles que soient les lésions en cause. Aussi les espoirs du flavopiridol se tournent davantage vers les associations, notamment avec le paclitaxel. Un essai de polychimiothérapie s'est montré prometteur associant à ces deux anticancéreux, le cisplatine dans des cancers de l'sophage, du poumon ou de la prostate réfractaires aux taxanes.
La difficulté de prescription du flavopiridol est réelle, provenant essentiellement des nombreuses doses toxiques limitantes. Le futur de la molécule, s'il existe, repose surtout sur des associations.
A. Lansiaux et C. Bailly, « Bull Cancer », 2000 ; 87 (10) : 697-701.
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