LA LOI du 13 août 2004 réformant l’assurance-maladie prévoit l’instauration d’un dispositif d’accréditation pour les médecins des hôpitaux et des cliniques. Elle en confie le financement à l’assurance-maladie.
L’objectif est de prévenir et de réduire les risques liés aux pratiques médicales. Les spécialistes à risque, enthousiastes à l’idée que soit enfin réglé leur problème d’insécurité juridique, s’inquiètent aujourd’hui du retard dans la mise en oeuvre de la réforme. Les textes d’application ne suivent pas et mettent en péril les efforts fournis par la profession pour élaborer l’architecture du dispositif.
Le Dr Patrice Papin, chirurgien orthopédiste, ne décolère pas : «On s’est fait mener en bateau pendant deux ans. Ce dossier, c’est une patate chaude. On a l’impression que les spécialités à risque n’intéressent plus personne, ni les syndicats ni les pouvoirs publics. Le dispositif, fait par et pour les professionnels, ne leur plaît pas.»
Principe simple.
L’idée de départ est effectivement venue du terrain : face à l’explosion des primes en assurance et au désintérêt des jeunes pour les disciplines à risque, les médecins libéraux ont compris l’intérêt de se lancer dans la gestion des risques. Au début de 2004, ils montent un projet, Résirisq, dont l’esprit est repris par la loi du 13 août. L’accréditation repose sur un principe simple : il s’agit de faire la transparence en recensant tous les événements indésirables. Ceux qui ont pu être évités à temps et ceux qui sont réellement survenus, comme les erreurs de côté, plus fréquentes qu’on ne le pense. La remontée de ces informations doit permettre d’établir de nouveaux référentiels visant à améliorer les pratiques.
Les réunions techniques se sont enchaînées ces derniers mois à la Haute autorité de santé (HAS). Aujourd’hui, tout semble à peu près bouclé. Un document daté du 13 janvier 2006 présente sur une quarantaine de pages l’architecture finale du dispositif d’accréditation des médecins et des équipes médicales. Pour chacune des vingt spécialités concernées, essentiellement celles dites à risque (anesthésie, obstétrique, chirurgie), un organisme agréé gérera les dossiers d’accréditation ; c’est sur la base de son avis que la HAS délivrera ou non le certificat d’accréditation, valable quatre ans. La démarche est individuelle, basée sur le volontariat. L’accréditation aura valeur d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP).
A quoi bon s’astreindre à respecter les recommandations édictées par les organismes agréés ? Il y a d’abord l’intérêt, évident, du patient : la sinistralité médicale devrait baisser. Le médecin accrédité, lui, y trouvera un avantage financier. Les libéraux recevront une aide de l’assurance-maladie pour se payer une partie de leur prime d’assurance. Pour les hospitaliers, le dispositif est encore en cours de discussion dans le cadre des négociations statutaires ; a priori, les efforts des PH accrédités seront récompensés par le biais de la part variable complémentaire de rémunération (PVC). Un financement est également nécessaire pour les expertises menées par les organismes agréés par la HAS.
Exaspération.
Si tout semble prêt sur le plan technique, c’est l’aspect financier qui pose aujourd’hui problème. L’assurance-maladie, désignée par la loi du 13 août 2004 pour financer le dispositif, n’avance aucun chiffrage précis. «L’accréditation est à l’étude dans les négociations conventionnelles», se contente-t-on de nous expliquer.
Une réponse qui exaspère le Dr Jean Marty, secrétaire général adjoint du Syngof (Syndicat national des gynéco-obstétriciens de France) : «On ne devrait pas mélanger la revalorisation du prix de la consultation libérale avec la sécurité des patients, qui est une question de fond, et qui concerne aussi le secteur hospitalier. Nos préoccupations ne sont pas au coeur des problèmes des syndicats libéraux.»
Le Dr Jean-François Rey, président de l’Umespe (Union des médecins et spécialistes confédérés, branche spécialiste de la Csmf), avoue avoir «des préoccupations plus prioritaires», mais, pour lui, «c’est normal que les syndicats représentatifs négocient le sujet, car la démarche est liée au coût de la pratique».
Le Dr Marty s’interroge sur l’attitude de l’assurance-maladie : «On fait une proposition clé en main qui va dans l’intérêt du patient, on prouve notre engagement: je ne comprends pas que la Cnam ne veuille pas nous financer. On est en train de sacrifier la sécurité des gens.»
Cette même sécurité que Xavier Bertrand, lors de ses voeux au début de janvier, érigeait au rang de priorité numéro 1. «A l’hôpital, c’est bien souvent l’absence de qualité qui coûte cher. Et cette absence de qualité peut aussi être dangereuse pour le patient», a notamment déclaré le ministre de la Santé.
Le Dr Patrice Papin, du Snco (Syndicat national des chirurgiens orthopédistes), rétorque : «La qualité, cela coûte aussi de l’argent. Or l’assurance-maladie se défausse. On ne pourra pas dire que les praticiens n’ont pas voulu faire de la qualité.»
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