Idées
S'appuyant en grande partie sur des théoriciennes d'outre-Atlantique*, comme Catharine MacKinnon ou Andrea Dworkin, le livre sculpte la figure de la dernière obsession : la femme est une victime, elle est plus que jamais la proie de la violence masculine. Paradigme absolu, le viol, qui permet tous les amalgames : la pornographie, le harcèlement sexuel, la prostitution, les voies de fait sont des formes substitutives de viol et mènent à lui.
Il en résulte, d'une part, une mise en cause de la sexualité masculine, présentée sous le signe d'une absolue brutalité. D'autre part se répand une mentalité paranoïde et procédurière (notoirement aux Etats-Unis) où le moindre sourire ou compliment peut être un prélude à une attaque amoureuse, donc à un viol.
Cet essai met en évidence la naissance d'une véritable « bien-pensance » féminine, attachée à creuser les différences entre les sexes, figeant dans le marbre leur spécificité, et les déclarant irréconciliables. On en trouve la trace dans le fait par exemple de répéter « que les femmes sont moins guerrières, moins vaniteuses, plus concrètes, plus préoccupées des autres, plus dévouées au combat pour la vie et la liberté... » Voici que revient par là même la vieille « nature féminine » et son point d'orgue : l'instinct maternel, dont on sait qu'il est la bête noire de l'auteure.
A rebours, Elisabeth Badinter montre que la femme est loin d'être l'éternelle victime que l'on dit : beaucoup d'entre elles mènent tambour battant leur vie amoureuse ou exercent leur ascendant sur des hommes de plus en plus déboussolés. Il y a quelque ridicule à voir partout la femme menacée de viol, ou faut-il rappeler les vertus de la bonne paire de claques ? De plus, il semble que la diabolisation de l'homme implique un ridicule angélisme féminin.
Or les femmes peuvent « tuer, humilier, torturer. Elles ne tuent pas toujours par amour déçu ou pour se défendre d'un mari violent. Mais aussi par intérêt ou par sadisme ».
Consultant l'Histoire, Elisabeth Badinter montre que les femmes eurent leur part dans les génocides, sujet qui semble bien tabou : des femmes SS torturaient et humiliaient les déportées dans les camps, et les femmes hutues prirent leur part dans les massacres rwandais. Plus près de nous, et plus banalement, de nombreux faits divers illustrent l'extrême violence de jeunes filles des « quartiers difficiles ».
On pourrait rétorquer à l'auteure qu'elles ne font qu'intérioriser un modèle masculin de comportement, mais celle-ci préfère dire que cette réponse identique des deux sexes révèle une coprésence à un monde difficile. C'est bien connu, on ne naît pas femme, on le devient...
* Sans doute reprochera-t-on à Elisabeth Badinter d'avoir fondé sa critique du néoféminisme sur des auteur(e)s américaines peu connues des non-universitaires, et parfois non traduites en français. Mais le livre fait débat, et à juste titre. Retenons-en le fait d'apprendre qu'hommes et femmes ne sont finalement pas si différents. Pierre Dac le disait déjà, lorsqu'il affirmait : « Il y a une guerre entre les sexes, mais il y a aussi beaucoup de fraternisation avec l'ennemi. »
Editions Odile Jacob, 218 p., 17 euros
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