De notre correspondante
à New York
« La disponibilité du cholestérol dans le cerveau semble limiter le développement des synapses », observent le Dr Pfrieger (Max-Delbruck-Center for Molecular Medicine, à Berlin et Max-Planck/CNRS, Strasbourg) et coll. qui ont conduit ces travaux.
« Puisque le cholestérol dans le SNC est synthétisé in situ , plutôt qu'importé par le sang, un lien entre la synaptogenèse et le cholestérol produit par les cellules gliales pourrait expliquer pourquoi la plupart des synapses dans le cerveau en développement ne sont formées qu'après la différenciation des cellules macrogliales », expliquent les chercheurs. « Nos résultats suggèrent aussi que des déficits génétiques, ou liés à l'âge, dans la synthèse, le transport, ou la captation du cholestérol dans le SNC pourraient directement perturber le développement et la plasticité du circuit synaptique. »
Développement, apprentissage, mémoire
Le bon fonctionnement du système nerveux dépend de la communication rapide entre les neurones aux points de rencontre appelés synapses. La formation des synapses (ou synaptogenèse) est non seulement un moment critique durant le développement du cerveau, mais elle joue aussi un rôle essentiel dans la plasticité des synapses du SNC adulte, autrement dit dans l'apprentissage et la mémoire. Les mécanismes moléculaires qui contrôlent la formation des synapses dans le SNC ne sont pas bien compris. Leur élucidation est par conséquent un des grands sujets de la recherche neuroscientifique. De plus, l'identification de facteurs « synaptogéniques » est une condition préalable fondamentale pour pouvoir réparer les connections neuronales qui ont été détruites par lésion, AVC ou maladies neurodégénératives comme la maladie d'Alzheimer.
Des premiers indices ont commencé à émerger il y a quatre ans par les travaux des Drs Pfrieger et Barres. Tandis que les neurones purifiés en culture forment très peu de synapses, ont-ils constaté, la présence de cellules gliales (astrocytes) multiplie le nombre et l'efficacité des synapses formées par les neurones. Ces effets sont produits par un facteur soluble sécrété par les cellules gliales, mais l'identité de ce facteur restait un mystère.
L'apoE
L'équipe du Dr Pfrieger a maintenant identifié ce facteur, qui se révèle être le cholestérol. Mauch, Pfrieger et coll. ont fractionné le milieu conditionné par les astrocytes et ont trouvé une activité associée à l'apoE (apolipoprotéine E). Dans le cerveau, l'apoE est principalement produite par les astrocytes et des récepteurs apoE sont abondamment exprimés sur les neurones. ApoE pourrait donc être le facteur recherché, ont-ils pensé. Toutefois, ils ont ensuite constaté que l'apoE recombinante n'incite pas les neurones purifiés à former des synapses.
Puisque les lipoprotéines contenant l'apoE sont des transporteurs du cholestérol, leur attention s'est alors portée sur cette molécule. Ils ont alors observé avec surprise que le cholestérol induit les neurones à former presque autant de synapses que le milieu conditionné par les astrocytes. De plus, le retrait du cholestérol de ce milieu supprime la capacité des astrocytes à promouvoir la formation des synapses. L'explication la plus simple est que le cholestérol, fixé aux lipoprotéines contenant l'apoE, est libéré par les astrocytes et capté par les neurones, où il favorise alors un accroissement du nombre des synapses.
« Les neurones du SNC produisent suffisamment de cholestérol pour survivre et croître, mais la formation de nombreuses synapses matures exige des quantités supplémentaires qui doivent être fournies par la glie », expliquent les chercheurs.
ApoE4 et Alzheimer tardif
« Ces nouveaux résultats soulèvent de nombreuses questions », notent les Drs Barres (université de Stanford, Californie) et coll. dans un commentaire associé. Comment le cholestérol augmente-t-il la formation des synapses ? Agit-il comme un composant synaptique ou comme un signal cellulaire ? L'apport glial du cholestérol régule-t-il aussi la plasticité synaptique dans le cerveau adulte, influençant ainsi le développement mental, l'apprentissage et la mémoire ? Puisqu'un variant de l'apoE (apoE4) est associé à un risque accru de maladie d'Alzheimer tardive, ce variant diffère-t-il aussi dans sa capacité à promouvoir la formation des synapses ?
« Fort heureusement, l'identification du cholestérol comme le signal synaptogénique dérivé de la glie devrait permettre de rechercher la participation du cholestérol et de la glie dans le développement et la plasticité des synapses in vivo », concluent Barres et coll.
« Science » du 9 novembre 2001, pp. 1354 et 1296.
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