LA CROISSANCE des cancers est fonction de leur angiogenèse, elle-même contrôlée par des facteurs angiogéniques sécrétés par les cellules tumorales. La destruction de la vascularisation intratumorale est une stratégie thérapeutique innovante qui présente l’intérêt d’être indépendante de l’histologie de la tumeur. Or le facteur de nécrose tumorale (Tumor Necrosis factor, TNF), découvert en 1975 par le laboratoire de Lloyd J. Old (New York), est une cytokine produite par les macrophages et les lymphocytes activés qui est capable de détruire sélectivement la microvascularisation des tumeurs (1, 2).
Des modèles expérimentaux ont montré que la nécrose produite par le TNF employé seul n’est pas suffisante car il s’ensuit une récidive tumorale. En revanche, sa combinaison à des agents chimiothérapiques ou à de l’interféron gamma peut permettre d’obtenir des guérisons.
Association à l’interféron et au melphalan.
Mais le TNF est également le principal médiateur de la vasoplégie observée au cours du choc septique. Ainsi, lorsqu’il est injecté par voie systémique à dose infrathérapeutique, il induit également une vasoplégie avec défaillance multiviscérale, la dose efficace chez l’animal étant environ dix fois supérieure à la dose maximale tolérée chez l’homme. C’est pourquoi il a paru intéressant d’utiliser le TNF en l’administrant en perfusion dans un membre isolé chirurgicalement de la circulation systémique (3). Dans ces conditions, une dose dix fois supérieure à la dose maximale tolérée par voie générale, en le combinant à l’interféron gamma, ainsi qu’au melphalan à haute dose, a pu être utilisée chez des patients ayant des mélanomes et des sarcomes des tissus mous inextirpables. Des rémissions objectives, le plus souvent complètes, ont été tout d’abord observées en 1988 à Bruxelles et confirmées dès 1992 à Lausanne. Dans le cas du mélanome malin, des études ultérieures ont confirmé que la triple combinaison TNF-interféron gamma-melphalan permet d’obtenir des taux élevés de rémission complète. Elle constitue ainsi, en perfusion isolée de membre, le traitement palliatif qui donne les meilleurs résultats dans le mélanome avec métastases en transit récidivantes ou volumineuses. Ce traitement, qui est strictement régional, n’augmente toutefois pas significativement la survie du patient. Cette efficacité, contrairement au dogme classique des thérapeutiques antinéoplasiques, est meilleure lorsque les tumeurs sont volumineuses, ce qui s’explique par leur angiogenèse plus importante et plus fragile.
Dans les sarcomes des tissus mous inextirpables, la combinaison TNF-melphalan, associée ou non à l’interféron gamma en perfusion isolée de membre, constitue une chimiothérapie néo-adjuvante qui donne des taux de réponse objective, complète ou non, de plus de 80 % et qui permet de sauver le membre dans environ 80 % des cas.
La perfusion isolée doit être pratiquée en contrôlant les fuites éventuelles en continu. Elle n’entraîne alors qu’une vasoplégie réversible, non léthale, dans l’expérience de Lausanne, dans 10 % des cas environ (4).
D’après un entretien avec le Pr Ferdy Lejeune (CHU Vaudois, Lausanne).
1. Carswell EA, et coll. An Endotoxin-Induced Serum Factor that Causes Necrosis of Tumors. « Proc Natl Acad Sci » USA 1975 ; 72 : 3666-3670.
2. Old LJ. Tumor Necrosis Factor (TNF). « Science » 1985 ; 230 : 630-632.
3. Lejeune FJ. Locoregional Use of TNF (Tumor Necrosis Factor) in the Treatment of Malignant Melanoma. « Pathol Biol » 1990 ; 38 : 883-884.
4. Lejeune FJ, et coll. Efficiency of Recombinant Human TNF in Human Cancer Therapy. « Cancer Immun » 2006 ; 6 : 6.
La perfusion isolée de membre peut éviter la chirurgie mutilante
Les mélanomes malins des membres sont à haut risque dans 5 à 10 % des cas. Leur épaisseur dépasse 1,5 mm. Leurs métastases se forment le long des lymphatiques entre la tumeur primitive et les relais ganglionnaires. Elles sont alors très difficiles à éradiquer. De la même manière, 10 % environ des sarcomes des tissus mous des membres, volontiers très volumineux ou multiples, envahissent au moins un compartiment musculaire et englobent un paquet vasculo-nerveux.
La perfusion isolée du membre est une technique qui permet de prendre en charge ces tumeurs en évitant la chirurgie mutilante. Les produits administrés associent des cytostatiques, qui agissent sur les cellules tumorales, au TNF, efficace sur la microvascularisation tumorale. Cette méthode permet d’administrer des doses élevées de produits sans toxicité systémique grâce à l’isolement chirurgical du membre de la circulation générale. Cette technique requiert une équipe entraînée et un contrôle continu des fuites.
Elle constitue un traitement néoadjuvant très efficace des sarcomes inextirpables et un traitement palliatif des métastases en transit des mélanomes.
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