COMME LE RAPPELLE le Pr P. Rampal, l'un des signataires de l'article, l'étiologie des Mici (maladie de Crohn et RCH) est mal connue, même si plusieurs éléments mettent en évidence une dysrégulation de la réponse immunitaire muqueuse, dirigée contre des éléments de la flore intestinale, chez des sujets génétiquement prédisposés. Une dysrégulation caractérisée par une cascade de mécanismes faisant intervenir l'activation des voies de transduction pro-inflammatoires (NF kappa B et MAP kinases), activation qui entraîne la production de médiateurs de l'inflammation et le recrutement de lymphocytes T, responsables des réactions inflammatoires. Des études in vitro avaient montré une inhibition du facteur NF kappa B par différents probiotiques dont S.boulardii, mais, comme le déclare Dorota Czerucka (Inserm U 526), un autre membre de l'équipe niçoise qui travaille sur S.boulardii depuis de nombreuses années, nous ne disposions pas, jusqu'à présent, de démonstrations sur un modèle animal, d'où l'intérêt de la présente étude utilisant un modèle élaboré par un vétérinaire, Hervé Groux (Inserm U 576) : celui du transfert des lymphocytes CD4 + chez des souris Scid, ce qui induit au niveau du côlon une réponse inflammatoire du type Th1 semblable à celle observée dans la maladie de Crohn.
S.boulardii a été administré par gavage quotidien à des doses allant de 1 à 1 000 µg par souris.
On constate qu'à la dose de 100 µg, S.boulardii prévient de façon significative la perte de poids des animaux, induit une diminution du grade clinique de l'inflammation, ainsi qu'une réduction massive de l'infiltrat des cellules T CD4 + dans le côlon.
Par ailleurs, S.boulardii réduit l'activation du facteur pro-inflammatoire NF kappa B dans la muqueuse colique et diminue la production des cytokines pro-inflammatoires. S.boulardii conduit à une accumulation des cellules de type Th1, activées dans les ganglions mésentériques corrélés à une diminution des lymphocytes T CD4 + dans le côlon. Enfin, le surnageant de culture de S.boulardii contient un facteur favorisant l'adhésion de ces cellules T CD4 + aux cellules endothéliales (phénomène de rolling), accélérant leur passage dans les ganglions mésentériques. Ce phénomène ne s'observe pas avec un autre type de Saccharomyces ( S.cerevisiae). Cette approche, que l'éditorialiste de « Gastroenterology » juge innovante et même fascinante, ne représente qu'une étape dans les recherches sur le rôle possible de S.boulardii dans le traitement des Mici. Les chercheurs niçois s'emploient à caractériser et à isoler la substance responsable de ce phénomène. Mais, bien sûr, souligne le Pr P. Rampal, c'est bien la clinique qui doit avoir le dernier mot, en sachant que, même avant la publication de l'étude, on disposait d'au moins trois études cliniques pilotes suggérant un effet favorable de S.boulardii dans la prévention des rechutes de la maladie de Crohn. Une étude de plus grande ampleur est en cours dans notre pays, portant sur des maladies de Crohn de gravité modérée (FLORABEST) et étudiant contre placebo l'effet de S.boulardii dans la prévention des rechutes, pendant un an, en association au traitement conventionnel.
Paradoxes.
Le Pr P. Rampal rappelle que les recherches actuelles sur l'effet de S.boulardii dans les Mici viennent quelque quinze ans après les travaux qui avaient montré l'effet de S.boulardii dans la prévention des diarrhées dues aux antibiotiques et en particulier pour combattre l'entérotoxicité de la toxine A de Clostridium difficile. Au total, la présente étude fait l'objet de la 4e publication consacrée à S.boulardii dans la prestigieuse revue « Gastroenterology », sans compter beaucoup d'autres publications scientifiques. Malgré le déremboursement d'Ultra-Levure, les responsables de Biocodex ont poursuivi le développement clinique et pharmacologique de cette étonnante levure : on ne peut pas dire que l'actualité récente leur donne tort.
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