Après la grève, la grève continue. Et se durcit.Au terme de trois semaines de grève nationale des gardes de nuit (de 20 h à 8 h) afin d'obtenir une « revalorisation immédiate » de la consultation et de la visite (1), les généralistes sont appelés à étendre leur mouvement « aux gardes du week-end et des jours fériés » à compter de ce soir.
Le mot d'ordre des deux syndicats à la pointe du conflit, l'Union nationale des omnipraticiens français (UNOF, affiliée à la CSMF) et le Syndicat des médecins libéraux (SML) reste inchangé : chaque médecin de famille doit enregistrer sur son répondeur un message qui invite les patients à « composer le numéro 15 » (autrement dit à s'adresser au Centre 15) en cas d'extrême urgence.
Mobilisation toujours forte
Quant aux généralistes réquisitionnés par les préfectures pour assurer les tours de garde, ils sont appelés par les syndicats à ne se déplacer « qu'en cas d'urgence » en appliquant les majorations tarifaires adaptées. Selon l'UNOF, la mobilisation demeure « extrêmement forte » et des réquisitions de médecins généralistes ont été prononcées dans une cinquantaine de départements. L'UNOF annonce à cet égard que « des actions juridiques seront entreprises dans les jours qui viennent » contre certaines procédures, jugées abusives : réquisition du même généraliste pendant plusieurs nuits consécutives, réquisition de médecins âgés ou réquisition sur un secteur de garde trop étendu.
Escalade
« Les médecins ne sont pas des terroristes, explique le Dr Dinorino Cabrera, président du SML. Mais nous sommes dans une situation où il faut forcer le gouvernement à discuter. Alors que tout le monde admet que le C à 115 F n'est plus d'actualité, il est inadmissible que le gouvernement nous traite par le mépris et ne réponde pas. Donc, on va vers l'escalade. » D'ores et déjà, d'autres actions sont envisagées au moment de la période traditionnellement sensible des fêtes de fin d'année, qui, selon les syndicats, seront « agitées ». Il pourrait s'agir notamment de journées « santé morte » en médecine générale ou d'une journée de suspension des soins en médecine libérale à laquelle appelle déjà l'organisation d'urgentistes « SOS-Médecins ». « Tout est possible aujourd'hui », affirme le Dr Claude Maffioli, président de la CSMF, en regrettant « l'image que la France donne à l'extérieur qui est celle d'une médecine réquisitionnée comme en tant de guerre ».
Pour le Dr Michel Chassang, président de l'UNOF, « le mépris continu du dialogue social risque de conduire à des débordements ».
L'angoisse du week-end
L'extension annoncée de la grève des gardes aux week-ends ne manque pas d'inquiéter certains Centres 15 qui redoutent au niveau des SAMU un afflux supplémentaire d'appels urgents, ingérable dans des conditions satisfaisantes. « Le week-end, tout est considéré comme urgent et angoissant par les malades qui n'ont pas la même patience que pendant la semaine, explique le Dr Alain Abravanel, médecin au SAMU de Foix (Ariège). Il est donc clair qu'on va devoir assumer une demande beaucoup plus importante, qu'on observe déjà en début de nuit. »
Si ce médecin juge « normal » le mouvement de grève des gardes des généralistes, certains responsables de SAMU commencent à grincer des dents. « Nous avons le sentiment désagréable d'être pris en otage, déclare le Dr Patrick Goldstein, chef de service du SAMU de Lille (le plus important de France avec 165 000 dossiers médicaux ouverts par an et 3 millions de communications). A part nous, le mouvement n'embête personne. »
Le Dr Goldstein explique que l'activité du SAMU de Lille a déjà augmenté de « 20 à 30 % entre minuit et 8 heures » depuis trois semaines. Avec le durcissement annoncé, il estime que « la sécurité des patients en situation d'urgence sera mise en cause ».« Nous sommes coincés entre la grève des généralistes et la grève des internes et les équipes sont fatiguées », conclut-il.
Au SAMU de Rennes, on a également enregistré, certaines nuits, une centaine d'appels supplémentaires par rapport à l'activité moyenne. « En plus, certains médecins réquisitionnés refusent de se déplacer, déclare une permanencière du SAMU. On est déjà dans la panade. »
(1) La revendication porte sur un C à 20 euros (131,19 F ) et un V à 30 euros (196,79 F).
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