« DONNER L'INFORMATION, c'est donner le droit d'être responsable » : c'est avec cette devise que Jean-Claude Ameisen, membre du comité d'éthique en recherche médicale et santé de l'Inserm, démêle les notions de droit et de responsabilité. Le patient n'est plus objet mais sujet, acteur de ses soins ; la relation médecin-malade est échange, partage, négociation. « Face à la notion de consentement informé issu de la loi de 2002, il y a deux attitudes possibles : soit on estime qu'informer ne sert à rien parce que le patient n'a pas le niveau pour comprendre les données médicales, soit on s'oblige à donner malgré tout l'information et on favorise l'émergence d'une conscience qui conduit à la responsabilisation du patient. »
Pour le patient, le droit de savoir ne signifie pas obligation de savoir, poursuit ce professeur d'immunologie. Il comprend aussi celui de ne pas savoir : « Le droit de savoir n'est pas l'obligation de se voir assener toutes les connaissances qu'on n'a pas demandées. » Pour le Pr Ameisen, informer implique de ne pas décider à la place du patient tout en acceptant qu'il ne soit pas un expert.
Un nouveau contrat médical.
Le juriste, pour sa part, aborde la relation médecin-malade sous l'angle du contrat, un contrat médical fondé sur la confiance du patient et l'obligation de moyens du médecin. Cette relation s'est enrichie, depuis 2002, d'une « créance d'information » du patient vis-à-vis du médecin : toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé.
La loi impose donc un devoir d'information et précise son contenu : l'information doit être donnée sur les différentes investigations, les traitements, la prévention et sur les risques fréquents ou graves, normalement prévisibles. A cet égard Philippe Delebecque, professeur de droit à l'Université Paris-I, fait remarquer que la loi limite l'étendue du devoir d'information. La cour de cassation avait, avant la loi, considéré que l'information était due sur tous les risques, même exceptionnels.
Une interprétation du texte rassurante, sur l'aspect le plus sensible, celui des litiges. Car qui dit obligation, dit sanction en cas de manquement, et obligation de réparer. Or c'est précisément ce qui ne cesse d'inquiéter les médecins depuis le vote de la loi. Là encore Philippe Delebecque se veut rassurant en rappelant que le défaut d'information n'est sanctionné que si le patient rapporte la preuve d'un préjudice, et pas n'importe lequel : il doit établir que s'il avait été mieux informé, il aurait pris une autre décision. C'est le sens de l'arrêt de la cour de cassation du 7 décembre 2004 qui affirme que le médecin ne peut être sanctionné que si le patient a perdu une chance de faire face au risque qui s'est produit.
Décision partagée.
« Informé, le patient va adopter un comportement rationnel. » Les informations délivrées au patient vont lui permettre de faire une appréciation bénéfice/risque plus rationnelle, donc de prendre des décisions plus raisonnées. Une réflexion du point de vue individuel, profitable au niveau collectif.
Gérard de Pourville, économiste, met en avant les retombées, sur le plan de la santé publique, que l'on peut attendre d'une information la plus complète possible. Il cite les expériences de « programme de décision partagée » menées au Etats-Unis sur le traitement chirurgical de l'hypertrophie de la prostate ou encore, toujours aux Etats-Unis, une vaste campagne d'information sur l'hystérectomie. Dans les deux cas, on a constaté une baisse significative du nombre d'interventions injustifiées.
La difficulté, reconnaît Gérard de Pourville, c'est qu'on ne maîtrise pas toujours la manière dont le patient perçoit l' « information incertaine ». Par définition, l'information concernant la survenue d'un risque est incertaine, probabiliste, la perception en est parfois paradoxale.
« La perception des petits risques au sens statistique n'est plus liée à l'information donnée mais est influencée par la nature du risque : on arrête de manger du bœuf face au risque d'ESB alors qu'on ne modifie pas son comportement sur la route face au risque bien plus élevé d'accidents de voiture. » Informer n'implique pas l'apparition automatique du comportement attendu. Les mécanismes qui vont permettre la modification d'un comportement sont complexes. L'information doit être la plus complète possible.
« Pour être bien soigné, il faut être informé. C'est un gage de guérison, un gage de bonne prise en charge. » Loin des personnages de Molière, le médecin, aujourd'hui, ne peut plus faire l'économie de l'information, affirme Michel Chassang, président de la Csmf. En termes de santé publique et de prévention, les résultats sont là, comme l'ont montré les campagnes sur les antibiotiques ou le dépistage du cancer. Le consentement libre et éclairé nécessite une information de qualité.
Cependant, il ne faut pas confondre droit à l'information et violation de l'intégrité psychique. Les malades et les bien-portants n'ont pas les mêmes demandes. La relation médecin-malade doit rester ce colloque singulier entre le médecin et le patient, un contexte unique où est mesuré ce qui doit être dit et ce qui peut être entendu.
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