Que faire face à une souffrance insupportable, physique ou morale, contre laquelle les médecins ne peuvent rien ou pas grand-chose et de laquelle la victime ne peut s'extraire seule ? La réponse, contrairement aux espoirs de Vincent et Marie Humbert, ne devrait venir ni des politiques ni de la loi.
Vincent Humbert, tétraplégique, muet et presque aveugle après un accident, en septembre 2000, désirait mourir. Sa mère, Marie, qui avait déménagé pour s'occuper de son fils hospitalisé au centre héliomarin de Berck-sur-Mer, n'a trouvé d'autre moyen que d'agir elle-même, en risquant de se retrouver devant les assises. Vendredi, alors qu'il se trouvait dans un coma profond, les médecins ont pris la décision « collective et en toute indépendance » de « limiter les thérapeutiques actives » et Vincent est mort.
Aurait-on pu agir autrement et, lorsqu'un cas comparable se présentera, agira-t-on autrement ? Les médecins qui se sont dévoués auprès de Vincent pendant trois ans auraient-ils été soulagés qu'une loi leur dise ce qu'ils devaient faire ? Et quelle loi pourrait-elle prendre en compte toutes ces situations si différentes qui sont autant de cas de conscience pour les soignants et pour l'entourage ?
Il ne devrait donc pas y avoir de loi, malgré l'émotion intense que l'affaire Humbert a soulevée dans tout le pays. « On ne peut pas légiférer pour des situations aussi spécifiques », a expliqué le Premier ministre, en ajoutant que « la vie n'appartient pas aux politiques ». Mais Jean-Pierre Raffarin pourra-t-il refuser le débat que réclame la majorité de la classe politique, à commencer par l'UMP, sa formation politique, qui estime que ce débat « est nécessaire et urgent » ? D'autant que, dès jeudi, le ministre des Affaires sociales, François Fillon, s'était déclaré ouvert à la mise en place d'une législation.
Bonnes pratiques
Le débat, c'est aussi ce que souhaite Jean-François Mattei, mais sans inscrire « la loi comme finalité du dialogue ». Le ministre de la Santé, qui s'exprimait dans l'émission France Europe Express, sur France 3, est plutôt favorable à « un guide de bonnes pratiques ou une charteoù l'on affirmerait de façon claire que l'acharnement thérapeutique n'est pas une bonne solution ». Cela n'aurait pas répondu au désirs de Vincent Humbert, mais, comme le dit encore Jean-François Mattei, l'euthanasie est « une question que je porte depuis longtemps comme médecin et qui est la plus difficile que j'aie jamais rencontrée ».
L'ancien ministre de la Santé Bernard Kouchner n'est pas non plus favorable à une loi mais souhaite « des exceptions d'euthanasie extrêmement codifiées, extrêmement encadrées et éventuellement avec des vérifications a posteriori ».
L'exception d'euthanasie, c'était aussi la proposition du comité d'éthique, dont le président, le Pr Didier Sicard, serait favorable à « un texte de loi qui permette qu'un certain nombre de situations soit assorties d'un arsenal juridique tel que la justice reconnaisse que cet acte est un acte compassionnel et pas un acte criminel ».
Pour le Pr Sicard, qui s'exprimait sur Europe 1, il faudrait arriver « à ce qu'il n'y ait pas ce blocage absolu, cet affrontement permanent du droit de mourir dans la dignité à "la vie est sacrée" et on ne fait rien ». « S'approcher d'une personne en détresse peut aboutir à une transgression », souligne le médecin, qui attend que « chacun rentre ses armes » et que « le droit de mourir dans la dignité ne soit pas une sorte de revendication pugnace ».
Marie de Hennezel, psychologue de 1987 à 1996 dans la première unité française de soins palliatifs (ancien hôpital international de l'université de Paris), auteur de « la Mort intime » et de « Nous ne nous sommes pas dit au revoir », doit rendre à Jean-François Mattei un rapport sur le sujet dans le courant du mois. Une contribution à un débat qui ne devrait pas être clos de si tôt.
Deux ouvrages sur l'euthanasie à travers le continent
L'euthanasie reste interdite en Suisse, mais ce pays tolère « l'aide au suicide assisté ». Il en est de même en Lettonie, et, sous certaines conditions, au Danemark. Le Conseil de l'Europe vient de publier, dans sa collection Regards éthiques, un ouvrage sur les aspects éthiques, juridiques et médicaux de l'euthanasie, rédigé par plusieurs juristes et médecins, dont Bernard Kouchner. Cet ouvrage de 180 pages (éditions du Conseil de l'Europe, Strasbourg, 15 euros) sera complété dans quelques semaines par un deuxième volume qui abordera, dans le détail, la situation concrète et légale de l'euthanasie dans les différents pays européens.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature