LE QUOTIDIEN - Le Medef vient d'annoncer qu'il compte ouvrir, en juin, le débat sur l'avenir de l'assurance-maladie dans le cadre de la refondation sociale. Qu'en attend MG-France ?
Dr PIERRE COSTES - Finalement, le Medef a décidé d'inviter les partenaires sociaux à une réunion, à un moment où les quatre sages chargés par Elisabeth Guigou d'animer la concertation sur l'assurance-maladie auront déblayé le terrain. Le Medef a décidé de participer à ce grand débat de société avant que Mme Guigou n'organise la seconde réunion de son « Grenelle de la santé ». Le patronat a choisi de s'inscrire dans le grand débat en cours sur le système de soins, débat entre professionnels, entre partenaires sociaux et professionnels, entre partenaires sociaux et pouvoirs publics. Faire du système soins, de la qualité des soins un débat de société, c'est quelque chose de très positif pour MG-France, pour la société et pour les Français.
Le G7 qui regroupe quatre syndicats de salariés et trois syndicats de médecins a remis son rapport sur la réforme de la médecine de ville. MG-France participe, avec la CFDT, la Mutualité et d'autres organisations professionnelles à ce que l'on appelle le G14 et organise un forum ouvert à tous au début de juin. Quelle est la différence entre ces deux démarches ?
Quelle est la genèse de tout cela pour notre part ? Cela fait deux ans que nous disons que les relations entre les professionnels libéraux et la nation, qui reposent sur l'engagement de 1971 (texte qui a servi de base au système des conventions nationales entre les médecins et l'assurance-maladie), doivent être redéployées, parce que les objectifs sont atteints. Certains disent que le système de convention nationale qui remonte à 1971 est mort. Il n'est pas mort : il a atteint ses objectifs qui étaient d'offrir un égal accès aux soins à tous les Français, sur tout le territoire, dans le cadre d'une convention nationale, avec des tarifs nationaux remboursables. En échange de l'engagement des professionnels libéraux dans ce système, la société française déléguait à ces professionnels libéraux l'exclusivité de délivrer les soins en médecine de ville. Aujourd'hui - surtout depuis l'entrée en vigueur de la CMU -, ces objectifs sont atteints. Nous, nous disons qu'il faut aller plus loin parce que les professionnels ne sont pas bien dans ce système. Il faut revoir le statut, redéfinir les curs de métiers - qui fait quoi ? comment se répartissent les tâches entre les médecins libéraux, entre les médecins et les autres professionnels libéraux, entre les professionnels libéraux et le monde hospitalier ? Il faut reconnaître et rémunérer la fonction technico-administrative qu'exercent les professionnels dans le cadre de la gestion du système de soins. Sur tous ces problèmes, MG-France a engagé la réflexion, il y a deux ans ; puis, en juillet 2000, nous avons travaillé avec trois syndicats de professionnels libéraux - le syndicat des biologistes, la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes et la Fédération nationale des infirmières. D'autres, depuis, nous ont rejoints. Voilà la genèse de notre débat. Ce qui nous caractérise, peut-être plus que le contenu de notre projet, c'est notre démarche : nous sommes sortis de notre réflexion intraprofessionnelle et interprofessionnelle pour voir des organisations qui ont des responsabilités institutionnelles (la CFDT, la Mutualité française, les Mutuelles de France, les consommateurs, etc.). On a aussi beaucoup influencé le Centre national des professions de santé. On a réussi à l'amener d'une attitude de blocage total à une attitude de reprise d'un dialogue social vigilant.
Mais vous n'avez pas le monopole de ce type de démarche. Les organisations réunies au sein du G7 ont la même attitude. Certains disent même que la réflexion engagée par MG-France et les organisations que vous venez de citer répond au souci d'allumer un contre-feu face à la poussée du G7.
Personne n'a le monopole de rien, nous n'avons pas le monopole de la réflexion ou de la méthode. Et la nouvelle équipe de MG-France juge ce genre de polémique inutile. La différence entre eux et nous, c'est que nous pensons que l'on ne peut réduire la problématique à un niveau médico-médical et que les projets ficelés qui tournent autour de la nécessité d'avoir une convention médicale unique (pour les généralistes et les spécialistes, comme le réclame le G7) nous semblent un peu limités. Je n'entrerai pas dans la polémique qui consiste à se demander s'il faut annuler la convention des généralistes, revenir sur l'opinion médecin référent et s'il faut que MG-France ne puisse pas signer une convention. Ce sont des polémiques stériles. On n'en est plus là, à MG-France. La situation, à l'heure actuelle, ce n'est pas camp contre camp - ce serait la pire des situations pour les médecins. Il n'y a pas non plus un projet contre un autre projet. Nous, ce qui nous intéresse, c'est de construire.
Est-ce que l'on peut penser qu'il y aura des convergences entre les deux groupes, les deux projets ?
Oui, sûrement. Si les objectifs des uns et des autres, au niveau des syndicats médicaux, sont de résoudre les vrais problèmes, il y aura des synergies et des cohérences. Mais si l'objectif des uns et des autres est tactique, s'il s'agit de faire une restauration, de revenir au passé, de revenir aux luttes entre les syndicats, alors, cela ne marchera pas. Le forum-débat des 7 et 8 juin (que le groupe des 14 a pris l'initiative d'organiser) qui sera ouvert à toutes les composantes de la société française sera à cet égard révélateur.
Est-ce que vous ne redoutez-pas que le contexte préélectoral empêche le gouvernement de tenir compte de ces réflexions sur l'avenir de l'assurance-maladie et de prendre des décisions dans ce domaine ?
On est entré dans le rythme du quinquennat : la vie politique tourne très vite, ce n'est pas après les élections que les équipes doivent définir un programme de travail, c'est avant, pour qu'il puisse être mis en uvre très rapidement après le scrutin. Cela dit, je ne pense pas que les réformes que nous demandons, par exemple en ce qui concerne l'évolution de statuts des professionnels de santé libéraux, puissent être opérationnelles avant les élections. Mais, dans la loi de modernisation du système de santé qui devrait être prête en juin, le gouvernement peut introduire des éléments intéressants. Il peut dire, par exemple, qu'à l'avenir les relations entre les professionnels et l'assurance-maladie peuvent faire l'objet, au-delà des conventions, d'accords de branches, d'accord de métiers qui engagent les professionnels volontaires. Cela serait déjà de nature à changer le statut des professionnels.
On n'entend pas MG-France parler des problèmes posés par le système de maîtrise des dépenses de médecine de ville. Certains vous reprochent ce silence.
MG-France n'est pas spécialement d'accord avec le mécanisme de sanctions. On n'a jamais vu un professionnel être d'accord avec un mécanisme de sanctions. Mais ce que nous disons, c'est que la maîtrise des dépenses, cela n'est pas la réduction des dépenses, c'est l'optimisation de l'allocation des ressources. Or cette optimisation est une conséquence de l'organisation du système de soins. Il y a des systèmes qui produisent de la qualité et des systèmes qui produisent de la gabegie. Ce n'est pas la sanction ou la menace de sanction qui fait l'optimisation des dépenses, c'est l'organisation du système. Si on a un système où les patients peuvent faire ce qu'ils veulent, quand ils veulent, sans responsabilité, où tous les professionnels (généralistes, spécialistes, hôpitaux) peuvent offrir dans tous les cas de figure des soins de premier recours, cela ne peut produire que de l'anarchie, de la non-qualité et des coûts.
Honoraires : ce que veut MG-France
« Cela fait vingt ans que je suis installé et, jusqu'en 1998, lorsque la valeur du C ou du V était augmentée, elle ne l'a jamais été de plus de cinq francs », explique le Dr Pierre Costes. Bref, à ses yeux, lorsque MG-France a signé la convention des généralistes, la nomenclature était « sinistrée ».
Dans ces conditions, ajoute le président du syndicat de généralistes, MG-France s'est attaché à obtenir des revalorisations d'honoraires « structurantes ». Et le Dr Costes de rappeler les majorations « obtenues par MG-France ». La majoration de 125 francs pour les visites d'urgence (le VU), la majoration de 60 francs pour les visites effectuées dans la cadre du maintien à domicile des personnes âgées, la majoration pour soins d'urgence (MSU) qui doit prochainement intervenir. Cette majoration de 172 francs pourrait se cumuler avec les cotations en K pour les actes d'urgences effectués au cabinet. Elle pourrait également se cumuler, précise le Dr Costes, avec les majorations pour actes de nuit.
MG-France entend aller plus loin et obtenir une majoration pour les médecins qui prennent des gardes , majoration qui s'ajouterait à tous les actes effectués en visite ou au cabinet par les praticiens de garde. MG-France a formulé cette revendication lors des négociations actuellement en cours avec la Caisse nationale d'assurance-maladie pour déterminer les honoraires des généralistes pour l'année 2001.
Au-delà, le seul syndicat à avoir signé la convention de généralistes indique qu'il a engagé avec la CNAM des discussions visant à obtenir des majorations d'honoraires qui s'appliqueraient à certaines consultations ou à certaines visites ayant un contenu particulier et spécifié (consultations accompagnées d'un acte de dépistage, « consultation d'écoute » particulièrement longue pour les actes d'accompagnement psychothérapique ou consultation pour le suivi d'un enfant, par exemple).
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