Les honoraires des généralistes, qui n'ont pas été revalorisés depuis des années, sont au cur des revendications syndicales actuelles. Que demandez-vous exactement aujourd'hui en ce qui concerne le tarif de la consultation ?
Dr PIERRE COSTES
Depuis le 12 juillet (deuxième Grenelle de la santé), nous savons que nous allons pouvoir conclure des accords précis dans ce domaine. La demande de MG-France formulée depuis des mois concerne d'abord le rattrapage de la valeur du C, dont nous demandons qu'elle soit portée à 18,5 euros (121,35 F contre 115 F actuellement, soit une augmentation d'environ un euro). C'est l'objectif. Je rappelle que l'augmentation de 1 euro sera le pas le plus important de toute l'histoire de la valorisation du C, dont les augmentations n'ont jamais dépassé 5 F. Mais nous négocions en même temps la reconnaissance financière du « service médical rendu ». Le généraliste a une consultation usuelle, mais il effectue également des consultations spécifiques, plus longues, qui doivent faire l'objet de majorations tarifaires par rapport à l'acte de base.
2 C pour les actes de longue durée
Quelles sont ces consultations spécifiques ?
Cela peut s'appliquer dans deux types de cas. D'une part, pour des actes plus longs tels que des actes de prévention gynécologique et de suivi, le dépistage des cancers, les soins psychiatriques, les compléments diététiques ou encore pour des actes de « santé publique » d'éducation et d'information de la population. A priori, l'idée est de mieux rémunérer le temps de travail en le diminuant au total. Et surtout pas de multiplier les actes. Il serait donc logique que la rémunération de ces actes à fort service médical rendu approche la valeur de deux actes (2 C). La négociation est en cours.
D'autre part, le service médical rendu peut concerner la qualité de l'offre et du cabinet de groupe : si on veut que les médecins généralistes emploient du personnel infirmier ou des secrétaires, que les plages d'ouverture du cabinet soient plus longues, que le plateau technique soit de qualité, il faut qu'on permette aux médecins de le payer. Il faut trouver des compléments forfaitaires.
Plus de verrou
Ne craignez-vous pas que les généralistes vous reprochent de ne pas vous battre pour le plus urgent, à savoir la valeur du C ?
Il y a les syndicats qui demandent et qui ne sont pas en situation d'obtenir ,et il y a dans ce cadre une surenchère. Et il y a ceux qui demandent, qui négocient et qui obtiennent. Mais l'un ne va pas contre l'autre. Les récriminations maximalistes facilitent notre négociation. Personne ne croit que le C passera à 30 euros. Par le C indifférencié, on ne valorise pas l'ensemble des pratiques du généraliste. Notre stratégie est la suivante : nous voulons une revalorisation du C mais aussi définir une nomenclature des actes des généralistes plus riche, plus variée. On l'a déjà fait pour certaines visites avec la MMD (majoration de maintien à domicile de 60 F) et la majoration d'urgence (+ 125 F) mais aussi avec le MSU (majoration pour les soins d'urgence réalisés au cabinet qui équivaut à 176 F), avec le K 25 (en cas de détresse), avec le médecin référent santé publique, etc. Tous ces éléments diversifient la nomenclature. Pendant des années, les généralistes ont demandé une nomenclature spécifique et adaptée. C'est ce que nous faisons concrètement.
C'est avec la CNAM que se négocient les avenants tarifaires. Avec le nouveau conseil d'administration assis sur une majorité de progrès, Jean-Marie Spaeth a fait l'unanimité, sauf Force ouvrière, pour poursuivre et relancer les travaux conventionnels. Les premières mesures annoncées concernent les kinés et les orthoptistes. Nous avons à finaliser les accords pour les généralistes qui ont beaucoup donné. MG-France ne fait pas de plans sur la comète ; notre travail depuis des mois consiste à se donner les moyens d'une évolution, y compris tarifaire. Il n'y a désormais plus de verrou du gouvernement, ni du conseil d'administration de la CNAM. On doit donc conclure rapidement.
Abondance de biens ne nuit pas dans la revendication tarifaire. Pour autant, le problème du déplacement du médecin, dans la nomenclature actuelle, est en partie réglé avec ces majorations tarifaires dont je viens de vous parler. Le déplacement pour confort est aussi réglé dans la convention avec le dépassement (« DE » pour exigence particulière du patient) et les médecins libéraux doivent utiliser la nomenclature existante, non pas pour punir les malades mais pour valoriser un service de confort.
Le problème des généralistes, c'est la disponibilité. On leur demande d'être sur le pont vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Or, les médecins demandent aujourd'hui à pouvoir aménager leur vie personnelle. Le mot d'ordre de l'UNOF exprime ce ressentiment mais nous avons à apporter des solutions. C'est pourquoi, dans le cadre du PLFSS, MG-France a demandé que les généralistes aient la possibilité pour les gardes de passer un contrat avec le comité départemental de l'aide médicale urgente (CODAMU). Cela leur permettrait d'obtenir des financements sous forme de subventions pour la logistique et l'organisation, dans le cadre de maisons médicales par exemple, mais aussi une majoration tarifaire spécifique pour les actes effectués dans ce cadre.
On n'en est pas là. Le travail sur la loi, c'est en ce moment. En fonction des résultats et de la reconnaissance par l'Etat de cette mission de service public qu'est la permanence des soins, MG-France avisera.
A propos de l'avenir du système conventionnel, que pensez-vous de l'amendement déposé par le gouvernement en première lecture ?
Pour nous, ce texte dit que, à partir du moment où le professionnel adhère à une convention médicale qui comporte des éléments de maîtrise médicalisée des dépenses, il échappe aux lettres clés flottantes. Cela va notamment encourager les médecins spécialistes à signer une convention qui les fasse échapper à la régulation économique (NDLR : les spécialistes n'ont pas de convention en ce moment). L'article signifie surtout que le gouvernement, après avoir tout contrôlé, a décidé un retour à la responsabilité conventionnelle. Il se désengage de la définition des outils de la régulation et fait confiance, dans un cadre pluriannuel, aux partenaires conventionnels. Certes, l'Etat définit les masses financières pour la santé et les objectifs économiques mais la définition et la gestion des outils de la maîtrise sont délégués aux acteurs. C'est fondamental.
C'est un plan pluriannuel et l'objectif premier n'est pas de faire baisser les dépenses. L'ONDAM, c'est du prévisionnel : à nous d'inventer des outils conventionnels qui permettent de rapprocher davantage la réalité et les prévisions de dépenses.
En ce qui concerne les outils, certains espaces existent déjà avec la loi de 1993 qui met en place les références professionnelles, la coordination entre les praticiens libéraux, mais aussi entre la ville et l'hôpital. On en revient à la maîtrise conventionnelle dans laquelle sont impliqués les syndicats professionnels. Avec la loi Aubry, on était dans une maîtrise étatique non contractuelle.
Charbon : l'appel de Kouchner a révolté de nombreux médecins "
Le Dr Pierre Costes a déclaré au « Quotidien » :
« Nous avons très mal accueilli l'appel de Bernard Kouchner au patriotisme thérapeutique des médecins (pour qu'ils limitent leurs prescriptions de fluoroquinolones à des indications bien précises) et nous avons eu des mots durs, dans "le Journal du Dimanche", en parlant de gesticulation. Ces mots ont été durs parce que les professionnels ont très mal vécu leur non-intégration dans le plan Biotox annoncé le 5 octobre alors qu'il sont les premiers vecteurs de communication vers les usagers. Il a fallu attendre 15 jours pour avoir un numéro vert. Grâce à notre expression très raide, suivie d'une conversation téléphonique vive avec le ministre, nous avons obtenu la réunion des acteurs et leur intégration dans le dispositif. Mais encore une fois, de nombreux médecins ont été révoltés et ulcérés par cet appel au civisme. Il y a des professions de proximité dont le travail est de personnaliser la communication, de rassurer les anxieux, de responsabiliser les insouciants. C'est avec les professions libérales organisées qu'on peut mettre en place des outils pérennes de veille sanitaire et de transmission intelligible d'informations. C'est comme cela qu'on anticipe sur les paniques. J'ajoute que ce n'est pas parce que les répartiteurs font des stocks [de fluoroquinolones] que les médecins, sur le terrain, ont réellement augmenté leurs prescriptions. »
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