Quel est selon vous l'élément majeur qu'il faut retenir de cet accord ?
:Dr PIERRE COSTES
Le grand principe de cet accord, c'est la reconnaissance de la médecine générale comme spécialité. Il s'appuie pour cela sur trois éléments : premièrement, il prévoit une seule classification des actes cliniques pour toutes les spécialités, ce qui devrait aboutir à C = CS. Deuxièmement, il décrit le contenu de la spécialité du médecin généraliste : la médecine globale, la coordination, la continuité des soins... Troisièmement, il donne la place de cette spécialité dans le système de soins : c'est la mission de service public, dans laquelle les gardes et astreintes ne sont qu'un aspect parmi d'autres, qui devront être approfondis.
:La principale revendication exprimée lors du mouvement de grève des médecins généralistes depuis deux mois n'était pas celle-là, mais la revalorisation du tarif de la consultation à 20 euros et de la visite à 30 euros. Or, cet accord n'y répond pas.
350 millions d'euros, c'est bien plus que ce qu'on avait obtenu jusqu'à présent (ndlr : lors des précédentes négociations ). A un tel niveau, savoir si cet accord est rentable ou non ne se discute même pas. En revanche, toute la difficulté réside dans la mise en place de mesures immédiates. Après une crise comme celle que nous venons de traverser, ce qui est obtenu est toujours considéré comme en deçà que ce que chaque professionnel escomptait.
Mais il y a des éléments objectifs pour savoir s'ils approuvent un tel accord. Le verdict tombera le 1er février, à travers l'observation de la pratique des tarifs. Au bout de deux ou trois jours, on verra quelle proportion de médecins applique massivement les nouveaux tarifs en vigueur.
En tout cas, je ne suis pas surpris que, au début, les éléments les plus engagés parmi les médecins n'aient pas saisi toute l'importance de cet accord. Il s'agit de la refondation du contrat conventionnel. On n'est plus dans les négociations qu'on connaissait, où, après le conflit, on obtient un tarif et il ne se passe plus rien pendant cinq ans. Cette dynamique appartient au passé. Cette fois, les discussions commencent et on va pouvoir programmer la suite. Les lignes de crédit sont déjà ouvertes, on n'aura donc pas besoin de se lancer dans un nouveau conflit pour avancer. C'est une logique nouvelle qui n'est pas facile à comprendre, surtout après deux mois d'un conflit très dur.
Plutôt que les réactions de tel ou tel médecin, je m'intéresse beaucoup à la façon dont les médias et la société présentent cet accord. Est-il vu comme un accord tarifaire simple ou comme le premier signe de reconnaissance de la médecine générale comme spécialité ? D'après ce que j'ai pu lire dans les grands quotidiens nationaux, c'est le deuxième cas qui a été retenu.
:Que ferez-vous si vous constatez que de nombreux médecins généralistes appliquent à partir du 1er février un tarif de consultation « sauvage » à 20 euros ?
Si jamais les médecins généralistes se lançaient dans la rupture conventionnelle en appliquant à ce moment-là un tarif autre que celui prévu, par exemple 20 euros, ce serait le signe de la fin du contrat conventionnel. On se retrouverait dans la situation d'avant 1971. Cela voudrait dire qu'on s'est complètement trompé, que les généralistes ne sont pas dans la ligne actuelle de l'ensemble des professionnels de santé, qu'ils ont choisi de rompre les amarres, d'aller à contre-courant de l'histoire. Mais je ne crois pas que cela soit le cas.
Ligne jaune
:Pourtant, l'UNOF, qui est le syndicat majoritaire, refuse un tarif inférieur à 20 euros pour la consultation et à 30 euros pour la visite. Je ne comprends pas le refus de l'UNOF de travailler avec les caisses, et ce d'autant moins que cette année s'ouvre le chantier de la refondation conventionnelle auquel toutes les professions de santé vont participer. Le rôle d'un syndicat est de porter dans la négociation les attentes professionnelles. A la sortie, on peut ne pas être d'accord, mais si on n'y va pas, qui d'autre ira ?
Ne pensez-vous pas que faire vivre une convention, lorsque l'on n'est que le deuxième syndicat de la profession, est une tâche fort difficile ?
La convention actuelle est portée par MG-France depuis six ans et le système fonctionne. Les patients sont remboursés et ce sont les médecins conventionnés qui le font vivre. Est-ce que cet accord peut devenir un chiffon de papier ? Je vous réponds oui, bien sûr, mais cela dépend des médecins eux-mêmes et non de tel ou tel syndicat.
:Il est beaucoup question actuellement d'une crise à MG-France. Beaucoup de vos adhérents ont appliqué les tarifs sauvages à 20 euros. Ne craignez-vous pas d'être contesté par votre base sur la signature de cet accord ? Le Dr Philippe Sopéna, membre du comité directeur, demande la convocation d'une assemblée générale extraordinaire pour dénoncer cet accord.
Je rappelle que nous donnons une ligne politique, mais qu'ensuite nous donnons une complète liberté d'initiative à chaque département. Mais MG-France n'a pas appuyé la rupture du contrat social par dépassement tarifaire. C'est la ligne jaune à ne pas franchir.
En Corse, où ce mouvement a commencé, nous avons demandé à nos militants de procéder à ces dépassements en dehors de leurs responsabilités syndicales. Mais ce dépassement tarifaire organisé n'a pas été significatif au niveau national, même si chez chaque médecin il a pu exister la tentation, voire la transgression, à certains moments et dans certaines situations, d'y recourir. Le passage à l'euro a, à mon avis, beaucoup facilité cette affaire pour qu'elle soit admise par les patients.
Concernant l'accord, c'est au comité directeur de décider. Que le Dr Philippe Sopéna, qui est l'un de ses 45 membres, ne soit pas d'accord avec la ligne majoritaire et qu'il s'organise en ce sens, c'est son plein droit. Ce type de contestation fait partie de la vie de toute organisation.
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