LUI-MÊME neuropsychiatre, le Dr Cressard fustige avec véhémence les confrères qui se livrent au sujet du président de la République à des «diagnostics d'omnibus portés à la volée. Sur le plan éthique, c'est inadmissible, s'écrie-t-il. Sur le plan humain, c'est déplorable. Sur le plan de l'exercice de la psychiatrie, c'est décrédibilisant et dépourvu du moindre sérieux.»
«Malheureusement, explique l'ancien président de la section éthique et déontologie du CNOM, nos statuts ne nous permettent pas d'engager de notre chef des poursuites contre ces praticiens. Je suggère donc à M.Sarkozy de porter plainte par l'intermédiaire d'un avocat devant une chambre disciplinaire de l'Ordre. Les fautifs seront condamnés selon les sanctions prévues par le code de déontologie, qui vont de l'avertissement à la radiation, en passant par le blâme et la suspension.»
Car, pour le Dr Cressard, les faits sont caractérisés : «Ces confrères sont parjures au serment d'Hippocrate dans la mesure où ils se sont engagés à taire à tout jamais non seulement ce qu'ils ont vu ou entendu, mais aussi ce qu'ils ont compris. Ces praticiens sont d'autant moins excusables que leurs motivations procèdent essentiellement de leur envie de se produire à la télévision.»
Contacté par « le Quotidien », le conseiller communication-presse de l'Elysée, Franck Louvrier, prend note de la réaction ordinale. La question d'une plainte déposée par le président est, nous dit-il, «à l'étude».
À propos de relations entre les médecins et les présidents, le Dr Cressard fait encore référence à deux précédents : «Dans le cas du président Paul Deschanel, qui fut invalidé en 1920 par un jury composé de trois médecins, il faut se rappeler qu'aucun diagnostic n'avait été rendu public à l'époque, le communiqué officiel faisant seulement état d'une inaptitude à l'exercice de la fonction. En ce qui concerne le médecin de François Mitterrand, le DrClaude Gubler, il avait choisi de divulguer des informations en violation du secret médical. Or, dans le cas des médecins qui publient des diagnostics sur Nicolas Sarkozy, il ne s'agit pas d'information, mais de ragots, et de ragots plus méchants encore que bêtes.»
Mélange des genres.
La sévérité du membre du Conseil national est partagée par les responsables syndicaux interrogés par « le Quotidien ». Président du Syndicat des psychiatres français (SPF), le Dr Pierre Stael fustige des «manquements déontologiques dégoûtants, inadmissibles, scandaleux, qui procèdent d'un mélange des genres et d'une curée malsaine».
Secrétaire général du SPEP (Syndicat des psychiatres d'exercice public), le Dr Gérard Milleret, tout en considérant que «le cas de Nicolas Sarkozy, avec son agitation incessante et sa poursuite frénétique des choses, prête à commentaire psychologique», estime qu' «un psychiatre qui ne dispose que de bribes d'actualité ne saurait avoir l'objectivité requise pour étayer son avis et encore moins pour le rendre public. Il n'a ni les moyens ni le droit d'une démarche intrusive bien imprudente».
Devant ce qu'il faut bien regarder comme un emballement médiatique, le Pr Michel Lejoyeux, auteur d'« Overdose d'infos, guérir des névroses médiatiques » (Seuil), souligne que «la machine à produire de la rumeur fonctionne à fond, selon un mécanisme d'autoalimentation bien connu: la rumeur crée la rumeur qu'elle consomme. D'où la multiplication des interventions sur le sujet, en particulier via Internet». Pour le professeur de Paris-VII, il convient cependant de bien différencier les intervenants : «Que les psychanalystes se piquent d'interprétation sur n'importe qui, après tout c'est dans leur rôle et Freud lui-même a donné ses lettres de noblesse à l'application de la démarche psychanalytique à l'univers social. Toute autre est l'élucubration d'un psychiatre qui prétend s'abriter derrière sa science médicale pour se livrer à des assertions de dîners en ville et de propos de comptoir. Là, il y a dérapage. C'est d'autant plus gênant qu'ils emploient sur la place publique des termes psychiatriques qui stigmatisent. Au bout du compte, ce sont nos patients qui sont victimes de ces diagnostics de télévision, puisque leurs pathologies, dans leurs énoncés, se trouvent employées sur le mode de l'insulte.»
En effet, confirme le Pr Michel Rouillon (Paris-V), «ces psychiatres manquent de respect pour nos malades et ils déshonorent notre discipline. La psychiatrie est trop sérieuse pour qu'on tolère qu'elle soit dévoyée ainsi. Pour ma part, je me garderai de toute analyse psychopathologique sur un patient sans m'être entretenu au moins une heure et demie avec lui. Car, à la différence de ceux qui sont posés dans les autres spécialités, nos diagnostics s'appuient sur une approche dimensionnelle plus que catégorielle: en psychopathologie, c'est le degré, le franchissement d'un certain seuil qui permet d'attester de l'existence du trouble. Quels que soient les traits de comportement du président, son caractère impulsif, ou des épisodes comme celui du SMS (envoyé ou non à son ex-épouse) , aucun de ceux qui s'expriment sur son cas ne sont donc à même de prononcer un diagnostic psychiatrique autorisé». Et le Pr Rouillon de rappeler que, devant l'histoire, même des dossiers classés comme celui de Louis II de Bavière ou de Camille Claudel continuent de faire l'objet de conjecture et de débats. De quoi inviter à la plus grande circonspection toute prise de parole psychiatrique.
Pourquoi le bulletin de santé de novembre n'a pas été publié
MÉDECIN traitant du président de la République, le Dr Jean-Élie Henry-Mamou, généraliste-consultant depuis 1973 à l'hôpital du Perpétuel-Secours (Levallois-Perret), avait annoncé au « Quotidien » qu'après le premier bulletin de santé publié le 11 mai 2007, cinq jours après le deuxième tour, allait suivre un nouveau bulletin, dès le mois de novembre. Une communication conforme aux promesses présidentielles. «Si je suis élu, avait dit Nicolas Sarkozy sur Canal +, je m'engage à publier un bulletin de santé dès mon entrée en fonction, deux fois par an ensuite et plus si l'évolution de mon état de santé devait le justifier.» Le premier engagement a bien été tenu (« le Quotidien » du 29 mai 2007), pas le deuxième. Pourtant, tous les examens, prélèvements et analyses adhoc avaient bien été réalisés et le bulletin de santé était prêt à être diffusé. Mais survint la publication dans les médias d'une information non officielle : le président avait été admis le 21 octobre à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce, pour y soigner un abcès-phlegmon que les deux médecins du service de santé attachés à l'Élysée n'avaient pu traiter. « Sarkozy hospitalisé en secret », titrèrent alors les médias, à l'instar du « Journal du dimanche ». L'affaire, pour bénigne qu'elle était, suscita des commentaires sévères sur le non-respect de l'engagement de transparence en matière de santé. Et elle provoqua l'ire présidentielle. Furieux de lire des informations qu'il aurait voulu garder dans le cadre privé, Nicolas Sarkozy prit la décision de ne pas publier son deuxième bulletin de santé, lequel n'attendait plus que son nihil obstat.
Un an après l'élection, une nouvelle batterie d'investigations médicales et biologiques a été réalisée. Et c'est Pierre Charon qui doit rendre public cette semaine le communiqué officiel sur l'excellente santé de Nicolas Sarkozy.
Visiblement, fidèle à une vieille tradition d' omerta en matière de santé du chef de l'État, l'Élysée n'est pas disposé à jouer la plus totale transparence en matière de santé. Ainsi, « le Quotidien » a réitéré à de nombreuses reprises des demandes concernant le fonctionnement du dispositif médical de la présidence. Après s'être fait communiquer les articles publiés sur ce sujet sous les mandats de Jacques Chirac, le service communication-presse a fini par opposer à notre demande une fin de non-recevoir.
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