BIENTÔT TRENTE ANS que Paul Cordonnier a accroché sa plaque de généraliste à Hornaing, un village de 3 000 habitants en plein bassin minier. « Un secteur qui affiche les plus mauvais indicateurs de santé de France», résume-t-il.
Ancien berceau de l'industrie minière et sidérurgique, Hornaing est situé à une quinzaine de kilomètres à vol d'oiseau de la trop fameuse usine Metaleurop, qui a arrosé de plomb la population environnante pendant des décennies, et à dix kilomètres à peine de l'usine Eternit, qui fabriquait les célèbres plaques à base d'amiante. Autant dire que le secteur hérite d'un lourd passé industriel.
«En tant que médecin, j'étais forcément sensibilisé à l'impact de l'environnement sur la santé. Mais le lien entre pollution et maladie est toujours difficile à établir chez les patients. Et puis nous sommes dans une région où les pathologies sont tellement importantes en termes de prévalence qu'il était difficile d'incriminer tel ou tel équipement industriel.»
Vigilant sur les questions de pollution atmosphérique, Paul Cordonnier décide en 2000 qu'il ne peut plus se taire. La France est alors en pleine crise de la vache folle et les habitants apprennent que la centrale thermique installée sur leur commune a été choisie pour incinérer les farines animales incriminées ! La coupe est pleine, pour Paul Cordonnier, qui décide de créer avec deux confrères de Somain, Brigitte et Michel Simonot, l'Association promotion recherche environnement santé publique (APRES). «La centrale thermique d'Hornaing, dont on nous annonce la fermeture depuis trente ans, n'était pas équipée pour assurer en toute sécurité cette incinération. Elle avait déjà reçu une dérogation entre 1990 et 2003 pour incinérer les résidus de bitumes issus des friches minières… Là c'en était trop! Nous avons décidé de réagir.»
«En tant que médecin généraliste, il ne me paraissait pas possible de savoir et de ne rien faire», résume Paul Cordonnier, qui endosse son costume de militant à 50 ans. Pour parfaire ses connaissances, il décide de retourner à la fac. Inscrit en 2001 à Lille, il suit un DU sur les risques en santé. Sujet de mémoire : « Incinération des farines animales et risque pour la santé ».
A l'époque, son combat reste assez solitaire. Les syndicats préfèrent fermer les yeux sur la pollution pour préserver l'emploi. Les élus songent surtout à la taxe professionnelle. Quant aux responsables de la DDASS et de la DRIRE, ils se hâtent… lentement. A force de ténacité, l'association obtient malgré tout une condamnation de l'État devant le tribunal administratif. Une première série de travaux sera réalisée pour réduire les rejets atmosphériques.
Aujourd'hui, Paul Cordonnier repart au combat pour protester contre la nouvelle dérogation accordée par l'État au propriétaire de la centrale, le groupe Endesa, pour une exploitation jusqu'en 2015. Mais, cette fois, il n'est plus seul. Son association a réussi à entraîner dans son sillage 80 élus, et surtout 140 professionnels de santé, qui ont mis leur signature en bas d'une pétition. La mobilisation est importante, mais le rapport de force inégal. «Les enjeux financiers sont considérables… Et nos moyens plutôt limités. Mais qu'importe! Même si cet engagement est parfois décourageant, j'estime qu'il fait partie de mon métier. En tant que médecin, je ne peuxpas baisser les bras!»
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