ELLE DEMANDAIT aux Bordelais de l'audace. L'audace de l'élire. «Moi qui suis une femme! Et récente en politique», ironisait-elle.
Voeu exaucé, Noël avant l'heure : Michèle Delaunay a raflé 670 voix de plus que son adversaire, qui la devançait pourtant de douze points lors du premier tour (« le Quotidien » du 14 juin).
Score final : 50,93 % pour la socialiste. Une victoire à l'arrachée, mais quelle victoire ! Au goût d'autant plus savoureux que l'histoire se déroule à Bordeaux, une ville «de stricte obédience UMP», selon ses mots à elle. «La tombeuse d'Alain Juppé», la baptisent aussitôt les médias.
«Très heureuse», «très fière» aussi, Michèle Delaunay aura ce commentaire au lendemain du second tour, empreint d'une certaine solennité : «C'est sans doute l'élection la plus emblématique des législatives, mais je ne pense pas être un symbole. Plutôt un signe très fort de ce ressac rose», confie-t-elle au « Quotidien ».
A peine élue députée de la 2e circonscription de Gironde, la voici, bonne joueuse, qui appelle son concurrent d'hier à conserver ses fonctions gouvernementales, en dépit de la règle énoncée par François Fillon. «J'ai beaucoup regretté qu'Alain Juppé fasse peser ce risque dans la campagne législative, car il s'agit de deux enjeux différents, expose la cancérologue . Mais aujourd'hui, s'il veut conserver son ministère, libre à lui: je ne pèserai pas dans le sens contraire.»
Elle range sa blouse blanche.
Inversement, si le numéro deux du gouvernement démissionne de son ministère, le Dr Delaunay juge «légitime» qu'il reste maire de Bordeaux. «Je suis contre le cumul des mandats, voilà tout», déclare le Dr Delaunay.
Contre le cumul des casquettes au sens large, pourrait ajouter cette cancérologue de 60 ans, qui entend être «députée à temps plein». Sa campagne, elle l'a menée en liquidant son compte épargne-temps de praticien hospitalier. Son élection marque un tournant dans sa carrière : après des années de bons et loyaux services rendus au CHU de Bordeaux, où elle dirige le service de dermatologie-cancérologie, le Dr Delaunay a décidé de ranger sa blouse blanche pendant cinq ans. «Sauf dissolution», nuance-t-elle.
La législature qui commence lui réserve beaucoup de travail. «J'ai encore tellement à apprendre», admet-elle volontiers. C'est vrai que son entrée en politique ne remonte qu'à 2001. Son nom figure alors en deuxième position sur la liste municipale de Gilles Savary. Premier échec : Alain Juppé est réélu. En 2004, la chance lui sourit : le Dr Delaunay parvient à arracher un canton bordelais – les Chartrons – ancré à droite depuis soixante ans. Mais un autre échec se profile lors des législatives partielles, organisées après la condamnation judiciaire de Juppé. Le candidat de droite Hugues Martin l'emporte avec une maigre avance, de 566 voix, sur le Dr Delaunay. Qui semble tout étonnée, aujourd'hui, d'avoir réussi à inverser la tendance. «La droite s'est un peu démobilisée dimanche», analyse-t-elle après-coup. La venue à Bordeaux de Ségolène Royal, durant l'entre-deux-tours, a peut-être constitué le coup de pouce décisif. «Ça a crédibilisé ma campagne», estime en tout cas Michèle Delaunay.
La députée, qui a promis aux Bordelais de porter en haut lieu un «message de liberté par rapport à un pouvoir excessif», envisage sa nouvelle mission avec gourmandise. «Je veux développer un programme complet, livre-t-elle. Sur les questions de santé –je vais essayer de porter une politique de santé publique et de prévention, et monter au créneau contre les franchises, qui pénalisent les moins riches–, mais aussi sur plein d'autres secteurs, notamment l'éducation.»
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