MON SOUCI premier, aujourd'hui, c'est l'apaisement des esprits. Aux premiers temps de cette affaire, j'étais moi-même monté au créneau pour protéger en quelque sorte le Dr Chaussoy. J'avais alors souligné trois éléments, sur la foi de ce qui était connu à l'époque et qui m'avait été communiqué en particulier par le conseil départemental de l'ordre du Pas-de-Calais : il y avait eu de la part du médecin le souci de respecter la volonté de la famille ; il s'était en outre abstenu de toute obstination thérapeutique déraisonnable ; enfin, il ne semblait pas alors, d'après ce que nous savions, que le médecin ait donné délibérément la mort à son patient. Un tel acte, naturellement, ne saurait être encouragé, qui ouvre la voie aux dérives les plus perverses.
Je souhaite donc maintenant que le travail des experts puisse éclairer la justice. Il ne faudrait pas qu'il constitue pour certains un nouveau prétexte pour jeter de l'huile sur le feu. L'apaisement doit absolument prévaloir dans les esprits pour aborder un dossier aussi complexe que la question des fins de vie.
* Président du Conseil national de l'Ordre des médecins.
Le Dr Jean Leonetti* : comprendre n'est pas approuver
DEPUIS le début de cette affaire, j'explique que l'arrêt du respirateur artificiel est un acte légitime, conforme au code de déontologie et au code de la santé publique. L'injection létale, en revanche, entre dans ce que j'appelle les exceptions d'euthanasie, qui ne sauraient être admises par la loi. Comme l'a expliqué justement le sénateur Robert Badinter, on ne fait jamais une loi à partir d'un cas particulier ou pour un cas particulier.
En l'espèce, cette injection aura constitué la moins mauvaise solution. On peut la comprendre, sans toutefois l'approuver. Cela dit, l'incrimination d'homicide qui pèse sur le Dr Chaussoy est complètement disproportionnée. Certes, il y a eu mort d'homme et il est donc normal que la justice instruise le dossier. Je pense qu'on s'achemine aujourd'hui vers un non-lieu. Cette décision relève de l'appréciation humaine du magistrat. Qu'il y ait eu transgression de la loi, c'est très clair, mais je prendrai l'exemple du franchissement de la ligne jaune : quand un enfant gît sur la chaussée et que vous devez franchir la ligne pour l'éviter, n'êtes-vous pas dans l'obligation de commettre une infraction au code de la route ?
* Député UMP des Alpes-Maritimes, auteur de la proposition de loi sur la fin de vie qui sera discutée à l'Assemblée à partir du 26 novembre.
Le Pr Christian Richard* : les experts n'engagent qu'eux-mêmes
LES EXPERTS formulent des conclusions qui les engagent personnellement mais ne sauraient engager des sociétés savantes comme la nôtre. De toutes manières, ce ne sont pas les experts qui décident de la poursuite de l'action judiciaire ou d'un non-lieu, c'est au juge de trancher et nous verrons, le moment venu, quelle décision sera prise.
Pour ma part, je ne puis que rappeler la position très claire et très ferme qui n'a jamais cessé d'être la nôtre, fondée sur deux notions fondamentalement différentes : laisser venir la mort et donner la mort.
Laisser venir la mort, dans certains cas, peut être envisagé en arrêtant les dispositifs de suppléance, comme la ventilation mécanique. Si les patients se trouvent alors dans des situations de souffrance aiguë, il faut recourir à des antalgiques et des dérivés morphiniques, dans le cadre des procédures de soins palliatifs. En revanche, en aucun cas, il ne saurait être admis de recourir au chlorure de potassium ou au curare.
Quant à l'affaire Humbert, elle est celle d'un malade placé dans une situation tout à fait exceptionnelle et dans un contexte très particulier. Je considère que nous devons nous abstenir de tout commentaire intempestif à son sujet.
*Président de la Société de réanimation de langue française (Srlf), chef du service de réanimation de l'hôpital de Bicêtre.
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