Vous accédez à la tête de la CSMF en plein conflit entre médecins et pouvoirs publics. Succéder au Dr Maffioli n'en sera-t-il pas que plus difficile ?
Dr MICHEL CHASSANG
Bien entendu que la succession dans ce contexte est difficile. Mais le grand mérite du Dr Maffioli, à qui je tiens à rendre un hommage appuyé, est d'avoir laissé une CSMF plus solide que jamais au sein de laquelle les conflits internes n'existent pratiquement plus. Le changement peut donc se faire dans la continuité et sans heurts. C'est d'ailleurs ce qui explique que j'ai été seul candidat et élu à l'unanimité. Depuis le début du conflit, nous étions tous les deux sur le même bateau. Notre tandem a parfaitement fonctionné. Il y a donc simplement eu un changement de capitaine en cours de route. Souhaitons maintenant que je puisse amener le bateau dans des eaux plus calmes. Mais avant tout, le conflit doit se poursuivre et aboutir à la victoire. Pour cela, il doit faire tache d'huile. Chaque médecin doit aujourd'hui se sentir concerné par ce qui se passe.
Il faut savoir sortir d'un conflit par le haut. Les demandes des médecins généralistes ne sont pas exorbitantes. Le gouvernement a tort de s'entêter car le mouvement a le soutien de l'opinion publique. Nous sommes actuellement sur un champ de ruines. On peut tout reconstruire et je suis prêt à m'y engager mais il y a d'abord des préalables et des conditions. Qu'il donne satisfaction aux médecins généralistes - le C à 20 euros et le V à 30 euros -, qu'il établisse un moratoire concernant les pénalités financières subies par les spécialistes du secteur I (NDLR : qui ont des charges sociales majorées) et nous sommes prêts à nous asseoir autour d'une table, avec l'assurance-maladie, d'une part, pour négocier un nouveau cadre conventionnel pour tous les médecins, avec le gouvernement, d'autre part, pour élaborer un nouveau statut social du praticien. C'est le deal que je propose au gouvernement. Il devrait réfléchir. N'attendons pas les élections ; c'est possible tout de suite. Nous n'avons pas de préférence politique concernant notre interlocuteur. Nous ne roulons pour personne.
La CNAM : « Un bateau ivre »
Comment réagissez-vous à l'attitude de la Caisse nationale d'assurance-maladie qui semble durcir le ton, notamment à l'égard des médecins qui pratiquent le C à 2O euros ?
La CNAM est aujourd'hui un bateau ivre avec un capitaine plus que jamais isolé et fragilisé. Elle doit retrouver la raison. Ce n'est pas en maniant le bâton et en lançant des invectives aux médecins que cela s'arrangera. En tout cas, la CSMF s'engage à défendre tous les médecins qui seraient poursuivis par les caisses et souhaite que certains directeurs de caisse - je pense notamment à celui de Nantes - réfléchissent avant de lancer leurs provocations.
La première priorité sera de sortir le bateau de la tempête. Mais on a pour cela un atout considérable. La CSMF est en effet devenu un partenaire incontournable. Elle dispose par ailleurs de bases solides. Car, si la CSMF a été à la pointe du combat depuis 1995, cela ne nous a pas empêchés de travailler sur des projets. Nous avons un projet interne à la Confédération et un projet élaboré en commun avec d'autres partenaires aux sein du G7 (NDLR : qui regroupait, à l'origine, outre la CSMF, le SML la FMF, la CGT, FO, la CFTC et la CFE-CGC) devenu aujourd'hui G10. Ce sont, je crois, des bases suffisantes pour construire un autre avenir. Pour le reste, ma présidence reposera sur trois grands principes.
Eviter de nouvelles fractures
Lesquelles ?
D'abord la préservation de l'unité du corps médical. Les divisions entre nous n'arrangent que nos adversaires. Je ne nie pas qu'il existe des différences de situation et de revendications entre les disciplines, mais il faudra s'attacher à les gommer. C'est tout l'enjeu posé d'ailleurs par la réforme de la classification des actes médicaux. J'ai une pensée particulière pour les disciplines spécialisées cliniques (pédiatrie, psychiatrie, endocrinologie...) dont les revendications devront être une priorité, et pour les spécialistes exerçant en établissements privés soumis à des contraintes de plus en plus lourdes. Il faut avant tout éviter qu'une fracture comme celle qui a conduit par le passé à la création de MG-France ne se reproduise.
Le second principe sera la défense de la médecine libérale dans le cadre d'un système de ressources socialisées. L'équilibre de ce système à la française que nous défendons est fragile. Il faudra en permanence se battre pour le conserver, c'est un combat qui mérite d'être mené. Enfin, je souhaite faire en sorte que le médecin libéral soit respecté. Nous ne sommes les employés de personnes, nous sommes avant tout au service de nos patients. Il faut donc rétablir le partenariat conventionnel, sortir d'un système qui fait de nous des coupables a priori et nous sanctionne. Le symbole le plus éclatant de ce respect dû aux médecins, c'est celui de sa rémunération. Elle doit donc être à la hauteur de sa responsabilité et de sa compétence.
Je suis sûr que c'est inéluctable. Car aux phases de grands déséquilibres succèdent toujours des phases de reconstruction. Or, aujourd'hui, on a touché le fond, on ne peut pas aller plus loin. Quel que soit celui qui sera élu, il devra reconstruire quelque chose. Et il ne pourra le faire sans l'interlocuteur crédible et incontournable qu'est la CSMF. Sortir de l'opposition, s'engager dans un nouveau système conventionnel n'est pas forcément une bonne chose pour l'unité du syndicat qui aujourd'hui va bien mais je suis plutôt un constructeur. Pourtant, s'il le faut, et même si ce n'est pas sa culture, la CSMF restera dans l'opposition, car nous n'accepterons pas de collaborer à un système qui ne soit pas favorable aux intérêts des médecins. Nous accepterons de construire, mais nous ne voulons pas perdre notre âme.
Présidentielle : la santé absente
Que pensez-vous de la place occupée par la santé dans la campagne pour l'élection présidentielle et des propositions avancées par les candidats dans ce domaine ?
La santé occupe une place de choix dans les préoccupations des Français. Tous les sondages le montrent et la cote d'amour des médecins auprès d'eux est très importante. Tout cela indique que ce sujet fait partie de leurs priorités. Cela contraste avec le peu de place accordée à ce domaine dans les propositions des candidats. Curieusement, il ne fait pas partie du débat présidentiel. Je le regrette et on peut compter sur moi pour faire en sorte qu'il en soit autrement. La santé est aussi importante que d'autres sujets dont on nous rebat les oreilles à longueur de journées. Je conçois qu'il s'agit d'un sujet difficile ; mais il ne sert à rien de pratiquer la politique de l'autruche.
C'est une alternance naturelle. Il n'y a plus aujourd'hui, comme par le passé, d'opposition marquée entre généralistes et spécialistes au sein de la CSMF. Notre syndicat raisonne désormais en termes d'hommes et non plus de structures. Le conflit historique que nous avons mené a sans doute plaidé en ma faveur.
Le nouveau bureau de la CSMF
C'est à l'unanimité moins une abstention que la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a élu à sa tête le Dr Michel Chassang, seul candidat, en remplacement du Dr Claude Maffioli. Le conseil confédéral, réuni dimanche, a également procédé à l'élection du nouveau bureau de la Confédération pour les quatre ans à venir. Il est composé des Drs Yves Decalf (vice-président), Denis Aucant, Jean-Pierre Bouscau-Faure, Alain-Noël Dubart, Patrick Gérard, Jean-Luc Jurin, Pierre Levy, Alain Probst, Alain Prochasson et Elisabeth Rousselot-Marche. Le Dr Michel Chassang prendra officiellement ses fonctions le 1er avril ; le nouveau bureau se réunira pour la première fois le 4 avril.
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