DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
L'AFFAIRE semble pliée d'avance. Un sondage local ne donne-t-il pas Jean-Louis Borloo réélu dès le premier tour. Sans compter que Nicolas Sarkozy a raflé près de 58 % des voix le 6 mai à Valenciennes.
Le Dr Jean-Luc Chagnon ne l'ignore pas. Mais, plutôt que de lui saper le moral, ces chiffres font office pour lui d'aiguillon : le candidat socialiste aux élections législatives de la 21e circonscription du Nord est déterminé à mener le combat jusqu'au bout.
C'est en septembre dernier que ce praticien hospitalier, chef du département réanimation à l'hôpital de Valenciennes, se lance dans la bataille. Au PS, il n'y a pas foule de candidats pour barrer la route au député sortant, Jean-Louis Borloo, roi sur ses terres. Le Dr Chagnon se propose. Il a raflé un canton en 2005, bastion du Parti communiste, et entend s'imposer cette fois à l'échelle de la circonscription. Ses adversaires louent sa combativité. Mais ses chances, admet-il à mi-mots, sont plus que ténues.
Il faut dire que, depuis son arrivée à Valenciennes, Jean-Louis Borloo n'a jamais été désavoué. Il a été maire de la ville de 1989 à 2002 et député de 1993 à 2002 (apparenté UDF). Depuis son entrée au gouvernement en 2002, il est premier adjoint au maire et député suppléant. C'est avec Cécile Gallez, sa suppléante, que l'avocat d'affaires mène sa quatrième campagne législative. Confiant. Avec, en bandoulière, un bilan que Cécile Gallez porte aux nues : «Jean-Louis Borloo a su tout remuer pour qu'on remonte la pente. Le taux de chômage est passé de 23 à 13%. Il a su donner une autre image à la ville», expose cette ancienne pharmacienne de 71 ans, aussi réservée que Borloo est exubérant. A lui le réseau et les relais, à elle le suivi des détails sur le terrain.
Influence.
Le tandem se complète et use d'un argument de poids pour séduire les électeurs : «En étant ministre, Borloo peut éviter que d'autres usines ne ferment, il peut faciliter l'arriver de nouvelles entreprises et obtenir plus facilement des crédits pour finir le tramway», explique Cécile Gallez.
Le maire de la ville, un chirurgien entré en politique à l'appel de « JLB », ne dit pas autre chose. «C'est très utile d'avoir un ministre influent comme député, déclare le Dr Dominique Riquet . Cette région a fait la richesse de la France pendant cent ans avant de tout perdre: il s'agit d'un juste retour des choses.» Ce que le maire pense de la campagne électorale pour les législatives ? «Ici, il n'y a pas de campagne! Borloo est aux affaires depuis dix-huit ans, les gens savent ce qu'il a fait et votent pour lui qu'ils soient de gauche ou de droite. S'il fait des scores d'Amérique du Sud, c'est parce qu'il transcende tous les partis.»
Pas facile, dans un tel contexte, de se faire une place sur l'échiquier politique local. Le Dr Jean-Luc Chagnon ne se décourage pas, et multiplie les porte-à-porte. «Bonjour, je suis votre candidat PS aux législatives, et je suis médecin à l'hôpital» : le discours est rodé et l'accueil des habitants, sympathique. Mais le retour sur investissement n'est pas facile à évaluer. Malgré les affiches, son nom peine à s'imposer. «Chagnon? Connais pas, s'excuse un chauffeur de taxi. Borloo a fait tellement ici. Il a ramené Toyota, le tramway. Je voterai pour lui, comme tout le monde.» Le Dr Charly Barbieux, généraliste, est tout aussi sûr de son vote : «On ne change pas une équipe qui gagne. C'est normal que Borloo bénéficie de la prime au sortant, car son bilan est bon.» Le nom de cet omnipraticien a figuré sur les listes municipales de Jean-Louis Borloo pendant douze ans. Lui non plus n'a jamais entendu parler du Dr Chagnon. Qu'un confrère se porte candidat n'est pas de nature à retenir son attention : «Je ne vois pas qui aurait l'envergure et le charisme pour battre une vedette comme Borloo», confie le Dr Barbieux.
Treize listes s'affrontent dans la circonscription. Aucun candidat ne vient défendre ici les couleurs orange du MoDem, le mouvement démocrate de François Bayrou, ce qui devrait faciliter la tâche à Jean-Louis Borloo. Certains y voient le résultat de pressions locales, mais le MoDem, officiellement, dément : «Ce n'est pas facile pour un UDF de faire un score face à Borloo. Nous avions trouvé un candidat, mais il s'est désisté pour raison professionnelle», explique Olivier Henno, conseiller général du Nord.
Malgré l'absence de concurrent de poids à droite, les électeurs peuvent très bien faire mentir le sondage qui donne « JLB » vainqueur dès le 10 juin (en 2002, il avait obtenu 49,5 % des suffrages au premier tour). Seuls les candidats socialiste et communiste semblent en mesure de se qualifier pour le second tour. Pour l'heure, les deux hommes ne se font pas de cadeau. Fabien Thiémé (PC), ancien fraiseur : «Je suis un élu de terrain connu depuis des années et le seul candidat prêt à s'opposer à la politique ultralibérale du gouvernement. La preuve: le DrChagnon a voté le budget de l'hôpital, alors qu'il est déficitaire. Il ne peut pas affirmer ensuite qu'il veut défendre la santé.» Jean-Luc Chagnon (PS) : «Seul un socialiste peut battre Borloo. Le Parti communiste, c'est fini.»
L'affrontement PS-PC, ici plus qu'ailleurs, est vivace. Cela fait des décennies qu'aucun socialiste n'a accédé au second tour d'une législative dans cette circonscription. Jean-Luc Chagnon garde espoir. Son programme, lui semble-t-il, est le plus abouti. «Qu'il s'agisse du logement, de l'éducation, de l'emploi ou de la santé, la politique de Jean-Louis Borloo, ce n'est que du vent. De la gonflette. Si je suis élu, je lutterai contre les logements insalubres, je m'opposerai aux suppressions de postes dans les écoles du Nord. Je hurlerai à l'Assemblée nationale contre les franchises sur les soins.» Sa position d'outsider, loin de le décourager, le rend «mordant», selon Cécile Gallez, la suppléante de Jean-Louis Borloo. «Je n'ai pas le choix: je dois mener le combat», conclut le réanimateur.
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