LE QUOTIDIEN - Elisabeth Guigou a promis la mise en place dès cet automne d'un nouveau cadre conventionnel pour les professionnels de santé et d'un nouveau dispositif de maîtrise des dépenses. Qu'en attendez-vous ?
Dr JEAN-GABRIEL BRUN -Nous sommes assez favorables à l'idée d'une architecture conventionnelle à deux niveaux, avec une convention pour tous et ensuite des conventions par type d'exercice ou groupe de spécialités. Nous l'avions suggéré au comité des sages et nous sommes donc très satisfaits qu'il ait repris l'idée dans son rapport.
L'UCCSF, comme MG-France, souhaite négocier sa propre convention sans que la CSMF puisse contrôler et bloquer tout le système. Il est important pour nous, que chaque branche professionnelle puisse négocier ses conditions d'exercice, comme d'ailleurs les radiologues et les gynécologues-obstétriciens ont commencé à le faire. C'est à ce niveau que l'on peut prendre des responsabilités et coller aux besoins du terrain.
Aucun contact avec le gouvernement
Une nouvelle phase de concertation est-elle prévue avant l'élaboration définitive du projet de loi de financement de la Sécurité sociale ?
Nous n'avons eu, pour l'instant, aucun contact avec les pouvoirs publics. Il ne se passe absolument rien. J'ai l'impression qu'Elisabeth Guigou est focalisée pour l'instant sur la question des 35 heures à l'hôpital.
Il faudra pourtant bien en passer par là : ce n'est pas tout de présenter des orientations, encore faut-il désormais les mettre en forme. Malheureusement, les contacts avec les conseillers de Guigou ont toujours été difficiles. Ce qui est terrible, c'est qu'ils ne font pas la différence entre leurs opposants irréductibles, et ceux qui sont d'accord pour avancer, qui ont des propositions à faire. Nous n'avons jamais, par exemple, été reçus par la ministre. Alors, en attendant, il y a des situations qui pourrissent comme celle des gynécologues-obstétriciens. Les pouvoirs publics s'attaquent aux problèmes lorsqu'ils sont au pied du mur.
Le « bunker » de la CSMF
De manière générale, les orientations annoncées par le gouvernement au mois de juillet vous satisfont-elles ?
Dans l'ensemble, oui. Le contenu du rapport du comité des sages n'était pas mal et les orientations retenues sont intéressantes. Mais le nud du problème reste les relations conventionnelles entre les caisses d'assurance-maladie et les professionnels de santé ; le reste est secondaire. Le refus de discussions de la CSMF, l'absence de convention pour les spécialistes nous a coûté très cher. Car, finalement, les seuls qui ont réussi ces dernières années, par petites touches, à obtenir une revalorisation de leur exercice, ce sont les médecins généralistes. La CSMF envisage-t-elle un jour de sortir de son bunker ?
La proximité des élections ne risque-t-elle pas de bloquer de part et d'autres toute initiative ?
Il est vrai que certains syndicats médicaux, comme la CSMF ou le SML, jouent clairement l'alternance politique. Ce n'est pas notre cas.
Dans le domaine de la santé et du social, je suis persuadé qu'il n'y a plus de différence possible de gestion entre la droite et la gauche. Je n'y accorde donc aucune importance, même s'il est vrai que cela risque de contribuer à geler les décisions. Une situation dangereuse car, pendant ce temps-là, les mécontentements se multiplient. Il y aura sans doute des mouvements sociaux, notamment dans les établissements de santé, y compris dans les cliniques privées, qui sont à bout de souffle.
Une coordination de médecins exerçant en clinique privée a annoncé une grève illimitée à partir du 5 novembre (voir encadré). Qu'en pensez-vous ?
Ce mouvement est né spontanément chez un certains nombre de jeunes praticiens, dont certains font partie de notre syndicat. Ils en ont ras-le-bol et veulent le faire savoir. Ils savent pertinemment que la pénurie d'infirmières, si on ne fait rien, va contraindre les établissements à déposer leur bilan. Aujourd'hui le différentiel de salaires entre des infirmières du secteur public et privé est de 20 %. C'est une situation mortelle pour les établissements. D'un autre côté, une grève des soins illimitée peut également mettre les établissements en difficulté. C'est donc un mouvement suicidaire, qui montre toutefois à quel point les médecins sont désespérés par la situation actuelle.
Il est « impossible de discuter avec le patronat »
Le renouvellement des conseils d'administration des caisses d'assurance-maladie aura lieu en octobre. Voyez-vous une occasion de relancer le dialogue conventionnel ?
Le départ des représentants du Medef est plutôt une bonne nouvelle car il est impossible de discuter avec eux. Ils n'ont qu'une obsession, c'est le bulletin de paie et le poids des cotisations sociales.
Comme l'a clairement expliqué Denis Kessler (vice-président du MEDEF. NDLR) lors du « Grenelle de la santé », ce que les patrons souhaitent, c'est un budget ficelé, déterminé à l'avance et pas modifiable, comme pour les lois de programmation militaire. Sauf qu'en l'occurrence, il s'agit de santé et que dans ce domaine, le développement est exponentiel. Je préfère discuter avec les organisations de salariés que ce soient la CFDT, FO ou la CGT. Je serai donc respectueux de la nouvelle majorité qui se mettra en place et demanderai l'ouverture de négociations. Je n'ai pas la prétention de négocier pour tous les spécialistes. Ce qui nous intéresse, c'est de défendre une convention pour les médecins exerçant autour de plateaux techniques, qu'ils soient légers, comme les radiologues ou lourds, pour ceux qui exercent dans les cliniques privées. Notre objectif est d'obtenir une convention quadripartite entre l'Etat, les caisses d'assurance-maladie, les gestionnaires de cliniques et les médecins, avec l'introduction à moyen terme d'une tarification par pathologie.
Où en sont les négociations dans ce domaine, et le projet d'expérimentation annoncée par le gouvernement ?
Les négociations avancent. Nous avons une nouvelle réunion au mois de septembre sous la houlette de Bernard Marrot (responsable du groupe de travail sur la tarification à la pathologie. NDLR) qui est un homme honnête et droit. Nous avons accepté le principe d'une intégration des honoraires dans les forfaits à la pathologie, qui a longtemps constitué un point d'achoppement. Aujourd'hui, ce sont davantage les représentants de l'hôpital public qui traînent les pieds, car ce type de rémunération des établissements sera surtout préjudiciable aux hôpitaux peu performants. Les cliniques, elles, ont déjà opéré leur restructuration. Sa mise en place dépendra d'une décision politique qui sera prise par le prochain Premier ministre, mais je crois que cela ne peut que se faire, car presque tout le monde aujourd'hui y est favorable.
Cliniques : les jeunes praticiens menacent de faire grève
Durant l'été s'est constituée une « coordination des médecins exerçant en cliniques privées ». Regroupant apparemment plusieurs jeunes praticiens dont certains sont également adhérents à l'UCCSF, cette coordination qui se réjouit du succès du mouvement des gynécologues-obstétriciens souhaite lui emboîter le pas.
Dans un communiqué, elle annonce qu'elle va tenter de mettre en place, « dès la rentrée de septembre », un « vaste mouvement unitaire pluricatégoriel » en vue de défendre les salaires des infirmières de ce secteur et que, en l'absence de mesures concrètes, elle envisage un mouvement de grève de tous les établissements privés à compter du 5 novembre.
Les jeunes praticiens des cliniques accusent l'Etat, pour pallier la pénurie de personnels infirmiers, de détourner le personnel du secteur privé vers le public où il est mieux rémunéré. « Il en résultera une désertification des établissements privés et une grave menace à court terme pour leur survie. Le libre choix du malade alors disparaîtra », estime cette coordination qui exige une parité entre les salaires du public et du privé.
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