T RENTE années et combien de virages, dans tous les champs de l'exercice médical ! Le Dr Gérard Kouchner a énuméré les principaux temps forts partagés depuis la création du « Quotidien », il y a tout juste trente ans : « La contraception et l'interruption volontaire de grossesse, une ouverture extrême à l'humanitaire, au cours de laquelle on a vu (les médecins) mettre "un milliard d'hommes dans leur salle d'attente", la conversion à une formation médicale continue obligatoire de qualité, une conversion à l'Internet et à la feuille de soins électronique (ils sont déjà plus de 30 000 à télétransmettre via le RSS, la reconnaissance du rôle du patient, enfin. »
Une violence nouvelle
Après tant de virages, qui pourra encore taxer de conservatisme les médecins français ? s'est écrié le P-DG du « Quotidien du Médecin ». Et cependant que la médecine se faisait « beaucoup plus douce aux patients, beaucoup moins sanglante, en un mot beaucoup moins invasive », observait-il, on a assisté à l'apparition d'une autre violence. Une violence nouvelle, qui s'est tout d'abord « matérialisée le 5 juin 1980, sur le pont Alexandre-III, où on a vu la police matraquer des médecins. Mais, soulignait-il, c'est surtout la violence psychologique qui aura été difficile à supporter. Une violence née avec la maîtrise comptable et il serait erroné de croire qu'en luttant contre elle les médecins hospitaliers et libéraux n'obéissent qu'à leurs intérêts matériels. Il s'agit en tout état de cause d'un bouleversement considérable dans la société française, car il dépasse le simple cadre de la pratique médicale. »
La question critique
« Ce chemin, la médecine française l'a emprunté, mais avec circonspection », a rappelé le Dr Kouchner, abordant la question qui est dans tous les esprits, avec « le désastreux exemple britannique » : « Où s'arrêtent les nécessaires économies de santé, où commencent les pertes de chance pour les patients ? »
Pour fixer les limites et baliser la route, « le Quotidien », et la presse médicale en général, constituent tout à la fois, insiste le Dr Kouchner, « un espace de liberté qu'il faut préserver, un contre-pouvoir nécessaire dans toutes les démocraties, le premier instrument d'information et surtout de formation des médecins, l'outil de FMC le plus crédible ».
Cette presse médicale « accompagne et illustre chaque progrès, résumant et commentant chaque jour les publications de toutes les grandes revues internationales qu'aucun médecin n'a le temps de lire simultanément ; elle accompagne et illustre les grandes campagnes de santé publique. »
Or, une double menace plane aujourd'hui sur nos médias : la raréfaction de la publicité pharmaceutique (- 21 % cette année) et les effets de la taxe sur la promotion.
C'est une affaire entendue, a répondu Bernard Kouchner, « les publications médicales ont besoin de beaucoup de moyens pour continuer à exercer leur indispensable mission ». Et le ministre délégué à la Santé de s'exclamer qu'il « échangerait très volontiers une part des douze milliards de francs qui vont à la visite médicale au profit d'une augmentation du volume publicitaire ». Quant à la taxe qui s'applique à la promotion médicale, Bernard Kouchner s'est déclaré « disposé à tenir compte de son effet pénalisant », à la condition que soit « réglé en même temps le problème des excès et des acharnements prescriptifs liés à la visite médicale ».
L'avenir, dès lors, pourrait s'éclairer.
« Rêvons un peu, a conclu le P-DG du "Quotidien", imaginons ce jour : médecins et pharmaciens gagnent bien leur vie tout en ne travaillant que 35 heures par semaine ; l'industrie pharmaceutique et sa recherche prospèrent et, avec elles, la santé publique grâce aux développements de la génomique, aux thérapeutiques innovantes allant de la plasticité de la cellule souche aux traitements carcinologiques spécialement adaptés à la cellule malade et même à chaque malade, tout cela compris et développé grâce à une presse médicale forte. Avec, bien entendu, très largement en tête, "le Quotidien du Médecin".»
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