LE QUOTIDIEN - Il n'est pas habituel de s'adresser à un médecin-conseil qui contrôle surtout les établissements de soins ?
Dr François LAURENCEAU - Je fais partie des 20 % de médecins-conseils environ dont la mission porte sur les hôpitaux. Dans la zone que nous couvrons (qui correspond à celle d'une caisse régionale), nos missions sont multiples. Travaux de planification et d'expertise avec les agences régionales d'hospitalisation (ARH), les URCAM, la CRAM. Nos enquêtes portent sur l'adéquation de l'offre de soins avec les besoins, sur sa répartition et sur les pratiques médicales dans les établissements. Elles peuvent concerner des programmes nationaux (obstétrique, chirurgie, moyen séjour, radiothérapie...) ou correspondre à une préoccupation plus locale (périnatalité, cataracte, réanimation...). Les objectifs sont multiples : identifier d'éventuelles inégalités d'accès aux soins, repérer des zones moins bien desservies que d'autres, mettre en évidence des lacunes au niveau sécuritaire, ou signaler un manque d'appareils, un problème d'organisation ou des soins inadéquats.
Nous tentons de préciser les causes d'inefficience du système de soins et les déficits qualitatifs. Pour cela, nous consultons les dossiers médicaux, les statistiques d'activité, nous discutons avec les responsables de service, nous faisons l'inventaire du matériel. Les données du PMSI sont également un outil très précieux. Il s'agit en fait d'un travail d'évaluation dont le but est de proposer une analyse critique et de formuler des propositions.
Comment les médecins avec qui vous travaillez réagissent-ils ?
Nous avons généralement de très bons rapports avec ceux que nous rencontrons. Les premières fois que nous nous déplaçons dans les hôpitaux, certains peuvent éprouver quelque crainte, c'est vrai. Mais ils s'aperçoivent que nous travaillons dans le même sens. Quand un problème existe, ils s'en étaient en général aperçus avant notre visite et l'avaient déjà signalé. Le fait que ce point soit évoqué dans un rapport écrit donne du poids à leur demande. Même si on dit des choses très crues, les médecins réagissent de façon positive, car ils ont une éthique forte.
Pourtant, l'image du médecin-conseil n'est pas toujours très positive.
Avant de faire ce métier, j'avais l'image du médecin de bureau, avec de grosses lunettes à écailles sur le nez qui met des coups de tampon. Je ne vois plus du tout les choses ainsi, et je ne demande qu'à continuer un métier que je trouve passionnant et qui a énormément évolué au cours des dernières années. Le service médical de « papa » , c'est fini.
Encore un certain « archaïsme »
En quoi le service médical a-t-il changé en définitive ?
Ses missions se sont diversifiées. La mission fondamentale consiste à donner des avis individuels sur les prestations. Nous devons prendre des décisions qui peuvent être lourdes pour l'avenir des assurés.
A côté de l'attribution de prestations, nous avons également une activité de contrôle des prescriptions des médecins libéraux, mais ce n'est qu'une mission parmi d'autres. Le service médical pratique un tiers d'avis individuels, deux tiers d'études de santé publique. Aujourd'hui, nous sommes de plus en plus des agents de diffusion et de synthèse de l'information, grâce à la vision globale que nous avons du système de santé. Il existe fréquemment une confusion : on nous prend pour des agents des caisses primaires ou régionales, alors que nous dépendons uniquement du directeur de la caisse nationale. Nos préoccupations vont bien au-delà des préoccupations financières. A mes yeux, nous sommes les seuls professionnels (hors les acteurs du système de soins) dont la mission consiste à considérer en premier lieu les préoccupations de santé publique. Des enquêtes nationales récentes concernant le diabète et l'HTA ont montré qu'il existait de nombreuses lacunes dans la prise en charge de ces pathologies. L'esprit a également évolué. Nous nous attachons à la qualité et à la transparence. Contrairement à ce qu'on a pu nous reprocher parfois par le passé, nous jouons carte sur table.
Le travail des médecins-conseils pourrait-il être amélioré ?
De grands progrès ont déjà été accomplis, mais il est vrai que, comme toutes les administrations et certaines grandes entreprises, le service médical souffre encore d'un certain archaïsme lié à la gestion des ressources humaines. Notre hiérarchie comme nous-mêmes sommes confrontés au défi majeur que constitue l'évolution d'un système administratif. Nous évoluons vers une plus grande responsabilisation des individus. Si le système évolue actuellement dans ce sens, il reste à vaincre de nombreuses rigidités qui sont le fait de chacun de nous. Pour résumer ce que je pense, je dirais que nous devons nous battre non pas contre, mais avec notre hiérarchie pour permettre à ce service public de franchir le pas qui lui permettra de replacer la forme et les procédures au service des résultats. Ce chantier aujourd'hui engagé a un caractère révolutionnaire.
2 185 médecins-conseils
Le service médical de l'assurance-maladie emploie 10 425 personnes (données de 1999), dont 2 185 médecins-conseils, 342 chirurgiens-dentistes-conseils, 153 pharmaciens-conseils et 7 745 agents administratifs.
Pour devenir médecin-conseil, il faut avoir réussi un concours réservé aux diplômés de médecine âgé de moins de 45 ans. Les épreuves se résument à la rédaction d'une note de synthèse à partir de documents relatifs à la santé publique, à la protection sociale ou à des cas individuels relevant de l'exercice du contrôle médical.
Cette épreuve d'une durée de 3 heures est complétée par une épreuve orale d'admission, un entretien de 45 minutes avec un jury. Le travail du médecin-conseil consiste à mener, soit des contrôles individuels des bénéficiaires, soit des actions de santé publique. Un médecin-conseil titulaire est payé 20 745 F brut en début de carrière sur 14 mois. Suivant leur activité professionnelle antérieure, les praticiens-conseils bénéficient d'une meilleure rémunération. S'ils ont derrière eux entre cinq et dix ans d'activité, ils sont payés 21 810 F.
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