LA SALLE D'ATTENTE du Dr Dominique Prime ne fait pas mystère de l'intérêt que ce médecin généraliste, installé au Bignon (à 15 km au sud de Nantes) il y a une vingtaine d'années, porte à l'environnement : une affichette préconise de sortir du nucléaire, d'autres font état des marchés bio organisés dans les alentours et l'étagère est pleine de brochures d'information sur l'alimentation, les pesticides, les allergies... Le sujet est tellement vaste, les interactions avec la santé tellement nombreuses, que la bibliothèque du cabinet regorge aussi de documents : des livres, des études, des dossiers constitués avec le temps. «Les patients et le public en général s'interrogent, estime le Dr Prime. De mon côté, j'ai toujours considéré que la prévention était la base de notre métier. Et dans ce domaine, il est essentiel de se préoccuper des risques environnementaux. Pour ce faire, nous avons le devoir de nous informer et de ne pas nous voiler la face.»
Etudiant à Rouen, Dominique Prime commence par s'intéresser au nucléaire avec le site de La Hague. «Pour moi, il y avait déjà à l'époque, avant la publication des travaux du PrJean-François Viel sur le taux de leucémies relevé localement, un mensonge organisé sur le rejet réel de radioactivité. Et puis, en 1986, survient Tchernobyl avec ses conséquences largement minimisées.»
Après huit années d'exercice à Bernay (Eure), le médecin s'installe au Bignon. Avec ses collègues du Syndicat de la médecine générale, il continue à s'informer sur les sujets environnementaux et cherche à restituer ses connaissances au plus grand nombre. Trois ou quatre fois par an, il intervient ainsi lors de conférences organisées par le Mouvement pour le droit et le respect des générations futures*, association à laquelle il adhère, ou lors d'assemblées générales diverses. Il s'intéresse aux pesticides, participe à plusieurs groupes de travail mis en place par la Mutualité sociale agricole et travaille, pour le compte d'une autre association dans laquelle il milite, à la rédaction d'une brochure très documentée de 28 pages éditée par le conseil général de Loire-Atlantique**.
Dégager du temps.
Question de cohérence, Dominique Prime aborde également ces questions à l'intérieur du cabinet. «On se rend bien compte que l'augmentation du nombre de cancers et des maladies immuno-allergiques est affolante, précise-t-il. Et pour une grand part de ces pathologies, il existe un lien avec l'environnement de la personne. Il y a suffisamment d'éléments concordants pour le penser. Il faut donc en permanence se demander si une pathologie peut avoir une cause environnementale. D'où des interrogations sur la présence de certains produits sur le lieu de travail ou à la maison, sur l'alimentation… Une maladie liée à l'utilisation de produits toxiques ne peut se repérer que si l'on se pose la question. Mais il n'est pas toujours facile de dégager du temps pour chercher lacause.»
Le temps, un allié qui fait parfois défaut au Dr Prime. Et bien qu'il connaisse désormais les canaux utiles pour trouver l'information, certains sujets sont difficiles à approfondir. «Quand vous pensez qu'il n'existe pas de registre national des cancers, regrette Dominique Prime. Comment mener dans ces conditions des études épidémiologiques? C'est bien sûr volontaire, car tant qu'on ne le voit pas, le problème n'existe pas, et les industriels ont toujours beau jeu de relever le manque de données générales! Et, pour nous, médecins qui avons été formés pour soigner mais pas pour chercher les causes, il y a là un véritable enjeu.»
C'est donc une bataille de l'information que mène le Dr Prime. Avec derrière la question essentielle du choix de société. Pour lui, la question est tranchée : «La logique du respect du vivant doit l'emporter sur celle, libérale, du profit immédiat.» C'est peu de dire qu'il n'attend pas beaucoup du Grenelle de l'environnement. «Tant qu'on ne veut rien changer du système actuel, pas grand-chose n'en sortira, sauf quelques décisions pour se mettre en conformité avec les directives européennes.»
* www.mrdgf.org.
** « Pesticides : quels dangers ? Quelles alternatives ? », juin 2007.
L'industrie pharmaceutique s'engage
Les Entreprises du médicament (LEEM), qui ont participé aux travaux préparatoires du Grenelle, s'engagent à faire avancer dans les trois ans dix axes de travail prioritaires pour réduire leur impact sur l'environnement.
Parmi ces axes, la performance du système de récupération des médicaments non utilisés (Cyclamed), les études sur les rejets dans l'eau, la déclaration sur les profils environnementaux des médicaments, l'amélioration des dispositifs des sites industriels, particulièrement l'information, le suivi et la réduction du bilan carbone du secteur, l'éco-conception des emballages, la collaboration au sein de la filière, avec les fournisseurs et les autres acteurs de santé. L'industrie s'engage aussi sur la participation aux efforts sur la biodiversité (préservation et application de la CDB), l'information sur les nanoparticules et les nouvelles technologies, pour bien intégrer notamment les préoccupations éthiques de la société.
Pour mesurer les avancées, le LEEM a proposé au ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, de passer «une convention de progrès» avec toutes les parties prenantes. Et lors de la journée d'évaluation et de dialogue concernant la politique RSE (responsabilité sociale des entreprises) du secteur, le 5 décembre, Dominique Mangeot, président du comité RSE du LEEM, fera le point sur la mise en oeuvre de cet engagement environnemental, «afin que le secteur pharmaceutique soit exemplaire dans le cadre de sa mission de santé».
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