PIERRE COSTES sur son nuage... C'était, jeudi dernier, en fin d'après-midi, au siège parisien de MG-France.
Devant de nombreux cadres nationaux et départementaux, et sous l'œil vigilant d'un huissier de justice requis pour l'occasion, le président de MG-France a égrené, debout, les résultats de son référendum sur la convention, adressé à 55 000 médecins généralistes en exercice.
Sur la base de 11 661 cartes T reçues au 11 mai et remplies correctement (21 n'étaient pas conformes), le verdict des urnes paraît sans appel : 90 % des généralistes ayant renvoyé leur questionnaire ne sont pas satisfaits de la convention ; 92 % considèrent que le médecin traitant doit être un généraliste ; 83 % estiment par principe que la valeur du C doit être égale à celle du CS ; et 75 % des généralistes qui ont répondu jugent que le forfait annuel de 40 euros pour le médecin traitant, que la convention limite pour l'instant aux seuls malades en ALD, doit être généralisé à tous les patients. Enfin, 82 % des généralistes demandent une reprise des négociations avec les pouvoirs publics « sur ces objectifs essentiels ». Des résultats homogènes géographiquement même si, dans certains fiefs des syndicats signataires, de nombreux médecins semblent avoir ignoré le scrutin.
Un mandat « très fort » pour renégocier.
Le Dr Costes a aussitôt tiré les enseignements de cette consultation professionnelle, la deuxième du genre depuis 1993, lorsque plus de 22 000 généralistes s'étaient exprimés sur la limitation de l'accès au spécialiste. « Les généralistes refusent la convention en l'état, ils demandent à leurs syndicats d'en renégocier les éléments », tranche-t-il.
Si le président de MG-France voit dans ces chiffres la confirmation de son « combat pour la médecine générale », il prend le soin de ne pas en ajouter, comme si les scores étaient presque trop favorables. « Ce n'est pas une adhésion à MG, mais un mandat très fort de négociation qui est donné à l'ensemble des syndicats médicaux. » Un appel du pied à la Csmf et au SML, signataires de la convention. « Ils ne doivent pas s'enferrer, ils doivent se pencher sur ces résultats qui leur seront adressés. »
Deuxième enseignement du référendum, toujours selon MG-France : les généralistes, à travers leurs réponses, n'auraient pas donné la priorité aux « éléments économiques et questions de rémunération », mais plutôt à la « reconnaissance de leur rôle spécifique ». Une autre façon de dire que la revendication « identitaire » portée par MG-France, mais aussi par les jeunes internes de médecine générale, est un discours fédérateur que les centrales polycatégorielles ont tort d'ignorer.
Combien de divisions ?
Mais l'ampleur des résultats soulève des réserves, notamment sur la représentativité du panel. Les 12 000 généralistes qui se sont exprimés ne forment-ils pas le noyau dur de la contestation, référents, adhérents et autres sympathisants de MG-France ? « On serait vraiment nombreux... », ironise un cadre du syndicat. Une autre lecture de ces suffrages n'aboutit-elle pas à affirmer qu'un généraliste sur cinq seulement est hostile à la convention ? Certaines questions n'étaient-elles pas orientées, comme l'alignement souhaitable du C sur le CS ? Le Dr Costes balaie les objections. « Plus on élargit la cible, plus on confirme la tendance, c'est le principe des sondages. » Pour le reste, le syndicat a donné « l'occasion de s'exprimer à tous les généralistes » et « ils ont répondu clairement ». Un sur cinq, en tout cas.
MG-France veut croire qu'un nouveau rapport de forces est né de ce référendum. « On me demande "combien de divisions" » explique le Dr Costes. « Moi je dis simplement que 12 000 réponses, ça pèse ! » Dès demain, il doit se rendre à Matignon pour « mettre ces résultats sur la table » devant le conseiller social de Jean-Pierre Raffarin. Un petit déjeuner, prévu vendredi dernier, a été reporté, mais le Dr Costes a eu l'assurance qu'il ne s'agit pas d'une annulation. Jeudi prochain, rebelote, mais à l'Elysée, cette fois, où il devrait être reçu à dix jours du référendum européen. Une opportunité jugée « intéressante ».
Grève du zèle ?
Une impulsion politique en vue d'une renégociation conventionnelle est-elle envisageable, alors que c'est le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam) qui est le seul pilote dans l'avion, que la nouvelle convention a été signée par la majorité des organisations et, qui plus est, par les syndicats majoritaires ? Rien n'est moins sûr. Au cabinet de Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'Assurance-maladie, on ne commentait pas les résultats en fin de semaine et, a fortiori, on se gardait d'intervenir dans le sens d'une reprise des négociations qui « ne regarde pas » le gouvernement mais « appartient aux partenaires conventionnels ».« Le gouvernement peut très bien s'asseoir sur l'expression des médecins et ne tenir compte de rien », admet le Dr Costes. Mais, ajoute-t-il, « déjà que les généralistes ne montrent pas un zèle considérable pour appliquer la réforme du médecin traitant, de là à organiser la grève du zèle, il n'y a pas loin » Sur la forme, il constate que « quatre avenants à la convention, tous au profit des spécialistes », ont déjà été discutés et il ne voit pas pourquoi ce serait « la congélation pour les généralistes ». En revanche, le recours en annulation de la convention devant le Conseil d'Etat déposé par MG-France ne devrait pas aboutir de sitôt, puisque l'instruction durera plusieurs mois.
Mais pas question de bouder son plaisir du moment. « Ce n'est pas encore le grand soir, mais c'est déjà un grand jour », jubile le Dr Alain Liwerant, chargé du département financier au syndicat. Un autre cadre se réjouit du « malaise » du réseau local de l'assurance-maladie avec des responsables de caisse qui « ne croient pas eux-mêmes au succès de la réforme ». Quant aux 10 millions d'assurés qui ont choisi leur médecin traitant (selon la Cnam), alors que MG-France prône le gel du retour des formulaires, c'est devenu un sujet d'ironie. « C'est la gesticulation permanente du grand succès généralisé, affirme le Dr Costes. La réalité, c'est qu'ils râclent les fonds de tiroir. » MG-France, décidément, n'a pas l'intention de descendre trop vite de son nuage.
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