LE QUOTIDIEN - Où en est la négociation de MG-France avec l'assurance-maladie ?
Dr PIERRE COSTES - Un des enjeux du Grenelle de la santé, le 12 juillet, était d'obtenir que la négociation d'avenants conventionnels ne soit pas gelée pendant que nous travaillons aux refondations pour savoir si on fait un système de convention à deux ou trois étages (1) . Ayant obtenu l'accord de la ministre Elisabeth Guigou pour que l'on continue à travailler par voie conventionnelle, nous avons repris contact avec la CNAM (Caisse nationale d'assurance-maladie) et les caisses des différents régimes le 23 août et nous avons une autre séance de travail le 6 septembre. Le comité directeur de MG-France doit examiner le résultat des négociations le 15 septembre prochain.
Que négociez-vous ?
Plusieurs éléments, dont le rattrapage de la valeur du C, qui doit au minimum suivre le coût de la vie. On demande une augmentation de la consultation à 18,5 [219] (le C passerait ainsi de 115 à 121,35 F, NDLR). La valeur du C ne doit pas se dégrader, non seulement parce que c'est l'acte de base, mais aussi parce qu'elle sert à calculer les cotisations de retraite et la retraite elle-même.C'est une revendication de base pour nous, mais c'est insuffisant pour un syndicat professionnel.
MG-France demande de vraies valorisations de l'activité professionnelle qui soient des sauts quantitatifs et qualitatifs. Les médecins généralistes, dans l'ambiance des 35 heures payées 39, attendent 40 actes payés 58. Il faut valoriser les actes tout en diminuant les volumes de travail. On va donc travailler sur le qualitatif. C'est le principe du service médical rendu, en fonction d'un cahier des charges, qui vient en complément de l'acte.
On l'a déjà fait pour différents éléments.
Valoriser fortement certains actes
Lesquels ?
L'exemple type, c'est la majoration pour les soins d'urgence (MSU) faits au cabinet du généraliste : à l'acte du praticien s'ajoute une majoration, appliquée depuis le mois de juin, qui équivaut à un K14 (176,40 F) et qui repose sur le respect d'un cahier des charges par les praticiens, avec la fourniture de matériels à usage unique. On a bien là des éléments qualitatifs et une majoration de plus de 150 % de l'acte.
Nous voudrions institutionnaliser ce type d'approche dans notre négociation, remplacer la multiplication d'actes dévalorisés et d'heures de travail, par la forte valorisation d'actes et la diminution du temps de travail qui en résulterait.
On l'a déjà fait aussi pour la majoration de 60 F des visites effectuées dans le cadre du maintien à domicile des personnes âgées de plus de 75 ans et atteintes d'une affection de longue durée. On l'a fait aussi pour les cas de détresses (pour lesquelles certains actes d'urgence passent de K10 à K25) et pour la visite inopinée du médecin à domicile (majoration d'urgence de 125 F).
Concrètement, quelles majorations souhaiteriez-vous obtenir aujourd'hui ?
Par exemple, des majorations pour certaines consultations longues : pour les patients diabétiques auxquels il faut prescrire une formation diététique ou pour le dépistage de cancers. Si le professionnel, au lieu de faire revenir les gens, en coupant les pathologies en petits morceaux, peut, à l'occasion d'une consultation pour un autre motif, proposer un acte de dépistage, c'est un service médical rendu fort, pouvant être rémunéré et ajouté à l'acte.
Est-ce toujours au nom du service médical rendu que vous demandez une meilleure rémunération des médecins qui font des gardes ?
Le service médical rendu par un cabinet dans une zone difficile, qu'elle soit montagneuse, isolée, ou située en banlieue, par exemple au Val-Fourré, est plus fort que celui rendu par un cabinet qui vient s'installer à Neuilly. En fonction du nombre de médecins présents, des plages d'ouverture du cabinet, de l'emploi de personnel et de la zone, il pourrait y avoir une rémunération particulière pour les actes effectués dans ce cabinet.
Pas de conventionnement sélectif
Dans le cadre de la réflexion en cours sur une réforme du système actuel des conventions médicales, allez-vous être reçu par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité ?
Nous devons la rencontrer dans la première quinzaine de septembre. Et dans ce cadre-là, nous allons travailler à ces éléments de refondation contractuelle. Mais ce que nous faisons aujourd'hui dans la convention actuelle trouvera sa place plus tard dans un conventionnement à étages si nécessaire. Ces deux chantiers doivent être parallèles et synergiques.
Dans la refondation du système conventionnel, deux éléments nous tiennent à cur. Le premier élément, c'est qu'il y ait un premier niveau, garantissant la liberté d'installation, et qu'il n'y ait pas de conventionnement sélectif. Ce serait le régime de base, car pour avoir le droit au travail en France, où la dépense est socialisée, il faut avoir la garantie que ses patients soient remboursés. Le deuxième élément, c'est l'existence d'un niveau conventionnel, optionnel, qui pourrait permettre d'enrichir des pratiques, de rémunérer des services médicaux rendus. A ce niveau-là, au-delà d'une convention nationale, on peut envisager toutes sortes de libertés et de variations (régionalisation, personnalisation...).
Dans ce système, le professionnel non conventionné ne serait pas exclu du soin.
Le second gros chantier, c'est la question du statut. On attend des généralistes aujourd'hui une mission de service public avec une disponibilité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Cela demande des éléments d'organisation et un dispositif législatif que nous défendrons auprès de Mme Guigou. Je crois qu'elle est réceptive sur cet aspect-là. Il existe déjà des expériences de maison médicale de garde comme celle de Gap, où les frais de la structure sont pris en charge par des fonds expérimentaux, donc non pérennes. Il faut des moyens pour cela et nous ne voulons pas les prendre sur le budget de l'ONDAM (Objectif national des dépenses d'assurance-maladie voté chaque année par le Parlement) . Il faut que l'Etat se donne les moyens de sa politique.
Les généralistes sont-ils inquiets, selon vous, à l'approche du passage à l'euro ?
Maintenant que les assurés disposent de chéquiers en euros, les professionnels de santé vont de plus en plus recevoir des paiements dans cette nouvelle monnaie. Ce moment est difficile pour nous, certes, en raison des problèmes de comptabilité et de logiciels de télétransmission. Mais c'est difficile aussi pour M. et Mme Tout-le-Monde, qui regardent souvent leur médecin comme un modèle social. Mon souhait est que les médecins se montrent pédagogiques et rassurants envers leurs patients fragilisés qui n'ont pas besoin d'angoisses supplémentaires. Il ne faut pas que notre métier donne à cette occasion une image de ringardise dans cette évolution qui concerne plusieurs centaines de millions de gens dans toute l'Europe. Gardons nos problèmes techniques pour ce qu'ils sont et ne faisons pas de nos cabinets des lieux d'agitation populiste.
(1) Le gouvernement étudie en effet l'hypothèse d'un système de convention avec un niveau de base pour l'ensemble des praticiens libéraux et un deuxième étage qui permettrait aux médecins de bénéficier de certains avantages en échange d'engagements sur leur pratique.
Les leçons de l'affaire Bayer selon MG-France
« Nous avons été secoués autour du 15 août par le retrait de la cérivastatine(Staltor et Cholstat des Laboratoires Bayer, NDLR) qui, s'il pouvait être justifié, a été effectué avec une brutalité inhabituelle », estime le président de MG-France (« le Quotidien » du 23 août). « Les médecins et les pharmaciens, qui sont les premiers intermédiaires entre les laboratoires pharmaceutiques et les utilisateurs de médicaments, ont été dans cette affaire court-circuités, inutilisés, alors que la communication devait être personnalisée au mieux », poursuit le Dr Costes.
« Retirer un médicament auquel les patients sont habitués et dire qu'il y a des morts, ce n'est pas simple. En tout cas, cela a beaucoup perturbé les professionnels.
La firme Bayer, avec laquelle on a des relations positives, s'est retrouvée dans une situation extrêmement difficile qui constituera un cas d'école et qui a fait réagir MG-France. Un tel type de retrait se reproduira car plus les thérapeutiques sont efficaces, plus elles peuvent présenter des risques. Les médecins doivent donc être de plus en plus professionnels, tant pour la délivrance du médicament que pour la surveillance et pour la communication, à propos du bon usage du médicament.
C'est pourquoi nous menons actuellement des travaux avec Bayer pour mieux utiliser à l'avenir les réseaux de communication électroniques, effectuer une surveillance au long cours des effets secondaires des produits, en relation avec l'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), et assurer une diffusion des informations en retour vers les professionnels. On a la chance d'avoir un Réseau santé social (RSS) sécurisé, concession de service public. On l'utilise pour la télétransmission, c'est bien. Mais on peut faire encore mieux. D'autant que les usagers semblent attendre que le cabinet du médecin, ou leur pharmacie, soit un lieu de référence, sécurisant, à propos des traitements. »
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