Cela fait vingt-cinq ans que le Dr Claude Martineaux a vissé sa plaque sur l'une des tours de la place Dessau, à Argenteuil. A 55 ans, il est « le plus ancien généraliste sur la dalle (place piétonne de la ville) ». L'accord du 5 juin 2002, il l'a vécu comme le « rattrapage de toutes les avanies subies depuis 1995 : le blocage des honoraires, le mépris du gouvernement à l'égard des médecins et notamment ceux du secteur I. Ce texte était le résultat de huit ans de lutte de travailleurs ».
Parce que, dit-il, les médecins sont, eux aussi, des travailleurs. « Notre revendication était toute simple : un jour, nous nous sommes réveillés en nous rendant compte que nos patients passaient aux 35 heures pendant que nous autres médecins restions à 60 heures par semaine. Nous faisions partie de l'une des catégories socioprofessionnelles dont le niveau de vie et les conditions de travail avaient régressé. Cet accord était donc un soulagement, mais... finalement, c'était la moindre des choses. »
Pour le Dr Martineaux, l'accord du 5 juin était une première. « La Sécurité sociale a enfin compris que, pour assurer le bon usage des soins, il ne faut pas compter que sur l'investissement des médecins mais sur celui de la population tout entière. » Faisant allusion aux campagnes de publicité de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), qui ont été « extrêmement profitables », selon lui, à la bonne application des AcBUS (accords de bon usage des soins passés entre professionnels de santé et caisses). « La campagne sur les antibiotiques, par exemple, a largement soutenu nos efforts. » Pour autant, les patients qui osaient réclamer des antibiotiques hier en réclameraient toujours autant aujourd'hui, d'après ce qu'il peut observer entre ses murs. « Mais lorsque je refuse de leur prescrire un antibio, ils me disent : "Ah oui, j'ai vu la pub à la télé, je comprends !" » Donc l'antibiothérapie aurait évolué, du moins au sein du cabinet du Dr Martineaux, avec moins de prescriptions, et moins de temps passé aussi à convaincre les patients-consommateurs.
Deuxième bon point du 5 juin : les visites bien sûr, dont le nombre a nettement diminué. Le Dr Martineaux estime avoir effectué environ 30 % de visites en moins entre l'hiver 2001-2002 et l'hiver 2002-2003. « Les explications que j'ai données à mes patients ont été très bien accueillies. Et cela a modifié certains comportements. Comme ceux qui me réclamaient chez eux pour des renouvellements d'ordonnances, des certificats d'aptitude au sport, ou bien des vérifications de timbres antituberculiniques ! » Pour ce généraliste, l'accord du 5 juin est donc une « vraie réussite » au niveau des visites . « De toute façon, dès lors qu'il y a volonté et intérêt commun entre les caisses et nous, ça fonctionne ! » Simplement, les médecins, insiste-t-il, ne peuvent pas assurer seuls l'éducation des patients. « Il m'est impossible d'adapter mon discours à chacun de mes patients, alors qu'une campagne télévisée touche quinze millions de personnes en même temps. Voilà le bon média ! » Donc, le texte a freiné, d'après Claude Martineaux, l'évolution consumériste de la patientèle et les relations des médecins avec leurs patients en sont sorties bonifiées. « Notre obligation professionnelle reste une obligation de moyens et non de résultats. »
Moins de visites donc depuis un an pour le Dr Martineaux, qui n'a pourtant pas mis ce temps à profit pour des causes personnelles. Ni sur des courts de tennis, ni avec sa famille. « Officiellement, mes horaires n'ont pas changé, mais officieusement je prends plus de temps en consultation. Cet accord a donc réorganisé ma charge de travail mais ne l'a pas réduite. »
Les génériques : pas une totale réussite
Seul point de l'accord sur lequel le Dr Martineaux reste dubitatif : les génériques. « Apparemment, les chiffres montrent une progression des ventes de génériques, grâce notamment aux médecins et aux pharmaciens qui ont bien joué le jeu. Personnellement, j'ai l'impression que cela reste encore une belle pagaille, car pour l'instant, seuls les pharmaciens maîtrisent véritablement les génériques. »
Alors, le Dr Martineaux, prêt à souffler avec joie la bougie de l'accord du 5 juin ? Pas totalement, ce sera un souffle timide. « Au jour d'aujourd'hui, je suis loin d'être pleinement satisfait. Le conseil d'administration de la CNAM semble considérer cet accord comme un solde de tout compte pour au moins les cinq prochaines années », peste-t-il. « C'est dans la confiance que nous avons pu signer l'accord du 5 juin. Aujourd'hui, nous ne sommes plus dans cette relation avec les caisses. » En attendant que la confiance revienne, le Dr Martineaux reçoit ses patients « sur la dalle » en appliquant le C à 20 euros et le V à 30.
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