Convoqué chez le juge chargé de l'affaire Humbert

Le Dr Chaussoy revendique un acte médical et humain

Publié le 13/01/2004
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PRÈS DE QUATRE MOIS se sont écoulés depuis les faits. Vincent Humbert, 24 ans, qui réclamait « le droit de mourir » après l'accident de voiture qui l'avait rendu tétraplégique et privé de la parole, est décédé le 26 septembre. Deux jours auparavant, les barbituriques administrés par sa mère, Marie Humbert, l'avaient plongé dans un coma profond. Le chef du service de réanimation du centre hélio-marin de Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais), le Dr Frédéric Chaussoy, d'accord avec l'équipe médicale et soignante, décidait de débrancher le respirateur artificiel, et, selon le procureur de la République, d'injecter successivement du Nesdonal et du chlorure de potassium, déclarant devant les médias : « C'est moi, pas Mme Humbert, qui ai donné la mort à Vincent Humbert. »

Empoisonnement avec préméditation.

Le 24 octobre, une information judiciaire était ouverte, l'une contre la mère du jeune tétraplégique, l'autre contre le médecin-réanimateur. La première est sous le coup d'une mise en examen pour « administration de substances toxiques avec préméditation », un délit passible de cinq ans d'emprisonnement, le second risque une incrimination pour « empoisonnement avec préméditation », ce qui l'expose à la réclusion à perpétuité.
C'est sa mise en examen que le juge d'instruction chargé de l'affaire Anne Morvant devrait notifier aujourd'hui au Dr Frédéric Chaussoy.
Le chef de service revendique « un acte médical, un acte courageux, une décision d'humanité », un acte sans lequel, assure-t-il, « on serait entré dans l'acharnement thérapeutique, ce qui aurait été immoral et que le Conseil de l'Ordre qualifie d'"obstination déraisonnable"  ».
De fait, les instances ordinales du Pas-de-Calais ont jugé qu'il n'y avait pas lieu d'intenter des poursuites à son encontre ; le président du Conseil national, le Dr Michel Ducloux, a confirmé lui-même à deux reprises que, « par rapport à ce qu'il sait de ce dossier, l'Ordre des médecins estime que l'attitude du praticien a été conforme à son devoir de médecin ».
De son côté, la Société des réanimateurs de langue française (SRLF), après des débats vifs autour de positions très partagées, a publié une mise au point pour dire qu'elle « ne comprendrait pas que (le Dr Chaussoy) subisse les conséquences judiciaires d'une attitude médicale humaine dans une situation de crise aussi particulière », liée au « contexte dramatique » et à la « pression médiatique ». Ce qui n'empêche pas la même SRLF de rappeler que « les recommandations sur les limitations et arrêts de thérapeutiques actives en réanimation adulte excluent l'injection de curare ou de chlorure de potassium » (« le Quotidien » du 21 novembre).
Après avoir été « choqué » dans un premier temps par la qualification retenue contre lui, le Dr Chaussoy considère qu'il a été victime d'un « guet-apens » : « Je suis arrivé en bout de course dans une affaire ultramédiatisée où j'ai agi en plein accord avec l'équipe médicale et soignante, dit-il au "Quotidien", à la demande réitérée de la famille ainsi que de celle de l'intéressé et en parfaite conformité avec le code de déontologie. » Il cite en particulier l'article 37, qui stipule qu' « en toutes circonstances le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique ».
« Il ne faut pas qu'un médecin soit victime d'un acharnement judiciaire, et je pèse mes mots, quand il fait son devoir »
, affirme-t-il.
Près de 800 confrères partagent cet avis, qui ont signé une pétition de solidarité avec Frédéric Chaussoy.

> CH. D.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7455