LE QUOTIDIEN - Quel est votre état d'esprit aujourd'hui, et qu'attendez-vous de la concertation conduite par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou ?
Dr MICHEL CHASSANG - Je suis pessimiste car, depuis le « Grenelle de la santé » du mois de juillet, il ne s'est rien passé, alors que la ministre nous promettait un été studieux. Nous n'avons pas eu une rencontre, pas un document. On a l'impression que le gouvernement cherche à gagner du temps avant les élections et qu'il ne prendra aucune décision concernant la médecine libérale. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne stratégie et, si c'est le cas, je prédis un hiver difficile. Si j'en crois les déclarations faites jusque-là, le système de maîtrise comptable des dépenses en vigueur aujourd'hui va perdurer, le gouvernement étant très attaché à ce système de régulation. C'est une situation pour le moins paradoxale quand on voit à quel point il ne se gêne pas, de son côté, pour puiser dans la caisse que ce soit pour financer les 35 heures, créer 40 000 emplois supplémentaires dans les hôpitaux ou financer l'aléa thérapeutique. Il y a là deux poids, deux mesures qui ne sont pas acceptables pour les médecins.
Le gouvernement semble réfléchir à un nouveau mode de conventionnement à plusieurs niveaux entre les professionnels de santé et les caisses d'assurance-maladie correspondant à divers degrés d'engagement dans la maîtrise des dépenses. Qu'en pensez-vous ?
Nous y sommes franchement hostiles. C'est l'un des points négatifs du rapport du comité des sages qui, par ailleurs comprend de nombreuses propositions intéressantes. Dans ce projet, les étages supérieurs sont individuels, ce qui va conduire inévitablement au conventionnement sélectif et à la fin de la défense collective des intérêts de la profession. Les médecins se retrouveraient seuls pour négocier face aux caisses. C'est un énorme danger. L'objectif du gouvernement est clair : c'est de contourner l'obstacle syndical. Les syndicats majoritaires ayant refusé leur dispositif de maîtrise comptable des dépenses, ils sont les empêcheurs de tourner en rond. Nous ne pouvons accepter un système qui est la négation même du débat démocratique.
Le renouvellement des conseils d'administration des caisses fin septembre peut-il être l'occasion de renégocier les conventions actuelles ?
Il est évident que l'actualité de la rentrée, ce n'est visiblement ni l'aléa thérapeutique ni l'accès au dossier médical, mais ce qui est en train de se tramer au sein des caisses de Sécurité sociale. Le départ programmé du Medef et de la CGPME fait que les rapports de force au sein des conseils d'administration, notamment à l'assurance-maladie, vont se modifier. Je lance un appel aux syndicats de salariés : s'ils veulent éviter une étatisation du système, comme semble le craindre Nicole Notat, ils ont tout intérêt à se ressaisir et à se mettre d'accord pour cogérer l'assurance-maladie. Dans ce cadre, si un changement de majorité intervenait, nous serions prêts à prendre nos responsabilités pour rebâtir un dispositif conventionnel conformément aux engagements que nous avons accepté dans le texte du G7.
Changer radicalement de voie
Renégocierez-vous les modalités de la convention des médecins généralistes et dans quel sens ?
Nous souhaitons mettre fin à l'aventure conventionnelle de ces quatre dernières années, désapprouvées par la majorité des médecins, notamment ce qui en constitue la pierre angulaire, c'est-à-dire l'option médecin référent, qui est rejetée par 90 % des praticiens. La convention arrive de toute façon à échéance au mois de mars et je n'imagine pas que l'on reconduise un tel dispositif. Il y urgence à changer radicalement de voie. Nous souhaitons mettre en place un système destiné à promouvoir réellement le médecin généraliste et ses conditions d'exercice.
La consultation à 20 euros
Vous réclamez depuis longtemps une revalorisation des honoraires. Que pensez-vous des négociations actuelles qui portent sur une modulation du tarif de la consultation ?
Les honoraires des généralistes sont devenus indécents. La consultation est à 115 francs depuis avril 1998 et la visite à 135 francs depuis 1994. Les médecins généralistes sont excédés. Ce que nous souhaitons, c'est d'abord de profiter du passage à l'euro pour porter la consultation à 20 euros (un peu plus de 131 francs) et éviter le ridicule des 17,53 euros. Cette mesure ne serait toutefois qu'une première étape vers une consultation à 30 euros (196,7 francs), qui est notre objectif. Mais elle montrerait que le gouvernement entend mettre un terme à une situation inacceptable. Ce qui n'exclut pas, par ailleurs, que l'on procède à une refonte globale de la nomenclature et à une hiérarchisation des actes cliniques des médecins généralistes.
Le problème de la permanence des soins
Le comité des sages a préconisé une meilleure rémunération des gardes et des urgences. Etes-vous satisfait de leurs propositions ?
Nous sommes satisfaits de ce que le comité des sages ait souligné l'importance de ce sujet qui constitue un enjeu de santé publique. Il y a, c'est vrai, un problème réel de permanence des soins les nuits et les week-end, notamment dans les zones rurales. Il faut donc prévoir plusieurs éléments de rémunération notamment l'astreinte pour remotiver les médecins généralistes et les inciter à reprendre des tours de garde.
Le problème des urgences doit être appréhendé de manière globale. Car que constate-t-on ? D'une part, un encombrement des services hospitaliers qui demandent plus de crédits et plus de personnels et, d'autre part, une démobilisation des médecins généralistes. Plutôt que d'augmenter les crédits alloués aux hôpitaux ou de créer un diplôme d'urgentiste, occupons-nous d'abord des urgences pré-hospitalières, ce qui permettra de diminuer le recours aux services hospitaliers.
Le passage à l'euro préoccupe-t-il les médecins ?
Les médecins restent sereins, même si la consultation à 17,53 euros va créer d'énormes complications concernant la monnaie à rendre aux patients, en particulier lors des visites au domicile des patients. C'est pourquoi il serait plus simple, de ce point de vue, de passer directement le tarif de la consultation à 20 euros.
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