Elections législatives
De notre envoyée spéciale à Arras
Bottines pointues à talons hauts, jupe noire déstructurée, veste en jeans cintrée. Petite et menue, Catherine Génisson, députée socialiste sortante, trace sa route dans la deuxième circonscription du Pas-de-Calais. Arras-nord.
Permanences dans sa ville et dans les communes rurales de son ressort, cérémonies officielles, un peu de porte à porte : l'échéance électorale n'a pas vraiment chamboulé son emploi du temps. Catherine Génisson est tout sauf une bateleuse. Sa campagne a commencé « il y a cinq ans », au moment précis où ses concitoyens l'ont choisie pour les représenter à l'Assemblée nationale. Les promesses à la pelle, les faux espoirs, les risettes et les ronds de jambe ne sont pas le genre de la maison. En position difficile de sortante, dans ce contexte « un peu étrange », comme elle dit, de l'après-élection présidentielle, représentante d'un parti orphelin et de son chef et d'une partie de ses repères, la députée veut être élue bien sûr pour ses idées, mais surtout jugée sur ses actes.
Un premier mandat surprise
« Si les gens ont conscience de tout ce que tu as fait, alors tu gagneras ! », lui lance un militant socialiste. Son « si » montre que la bataille n'est pas remportée d'avance. Une nouvelle fois. Car, en 1997, c'est à la surprise générale que Catherine Génisson a conquis - et largement conquis avec 57 % des suffrages - son siège du Palais-Bourbon.
L'affaire s'annonçait délicate. Il y avait une primaire à gauche : trois candidats, PS, MDC et PC. C'est d'ailleurs vraisemblablement parce qu'elles jugeaient que la deuxième circonscription du Pas-de-Calais ne pouvait pas être conquise que les instances nationales du Parti socialiste ont, à l'époque, investi la quasi-inconnue Catherine Génisson.
Une Arrageoise d'adoption précoce, médecin urgentiste, dont l'engagement politique avait, en 1997, près de vingt ans d'âge. Conseillère municipale d'Arras, puis maire-adjointe de la ville, le Dr Génisson s'était jusque-là fait localement un petit nom. Nationalement, non. Son premier mandat a légèrement changé le cours des choses. A la fin de l'été 1999, Catherine Génisson a remis à Lionel Jospin, qui lui en avait confié la rédaction, un rapport sur les inégalités professionnelles entre hommes et femmes. L'opus lui a valu quelques passages dans les journaux télévisés du soir et conféré une ébauche de stature nationale.
Non au désenchantement
Pour le reste, femme de terrain, la nouvelle députée a arpenté de long en large sa circonscription. Elle n'a rien dédaigné. Surtout pas les « apéritifs-concert », une tradition du coin pour laquelle il faut apprendre à boire stoïquement un champagne légèrement frelaté. Sans se lasser, elle a écouté les doléances des hommes et des femmes d'Arras et de ses environs. « Au début, ils venaient me voir principalement parce qu'ils cherchaient un emploi, raconte-t-elle. Au bout de trois ou quatre ans, la situation s'est améliorée et leurs préoccupations ont plutôt été de changer de travail pour trouver des conditions de vie meilleures. C'était encourageant. Mais après le 11 septembre, retour à la case départ. » Pas question de céder au désenchantement.
Pourfendeuse d'une certaine mondialisation, éprise de justice sociale, Catherine Génisson conseille les uns et les autres, se bat aussi sur le terrain du logement.
L'angélisme n'est pas de mise. Elle sait bien que les habitants de sa circonscription ne vivent pas tous heureux dans le meilleur des mondes possibles. Elle a mesuré la détresse de ceux que l'Etat laisse en lisière, le malaise des ménages qui gagnent deux SMIC, font des pieds et des mains pour que leurs enfants soient gardés quand ils sont malades, hésitent parfois à se soigner, n'ont droit à aucune aide et regardent les voisins d'en face, sans emploi, bénéficiaires de la couverture maladie universelle, couler cahin-caha des jours sinon heureux, du moins exempts des tracas que eux connaissent. « Quand, après plusieurs années d'économies, on achète une voiture, que celle-ci brûle et que l'assurance ne vous rembourse rien, il y a de quoi être désespéré », estime le Dr Génisson.
Lucide, la députée n'a pourtant pas vu venir le choc du premier tour de l'élection présidentielle. Dans la circonscription d'Arras-nord, le Front national a fait une percée encore plus spectaculaire qu'à l'échelle du pays : Jean-Marie Le Pen est arrivé en tête. En partie, grâce aux voix d'électeurs jusque-là socialistes.
Cartes brouillées
Et fuite des suffrages, il y aura aussi le 9 juin ; la députée sortante ne se fait pas d'illusion à ce sujet. Pour ces législatives, rien n'est joué. A cause de l'extrême droite, mais pas seulement. Le candidat chevènementiste du Pôle républicain vient brouiller les cartes. Il s'appelle Jean-Marie Alexandre, a mis Catherine Génisson en ballottage il y a cinq ans, c'est un dissident du PS (il a d'ailleurs, en d'autres temps, brigué sous cette étiquette rose le siège de la circonscription d'Arras-nord). Dans leurs estimations, les Renseignements généraux le placent pour l'instant devant la députée sortante. Et puis le pullulement des candidatures - 16 en tout - va conduire évidemment à la dispersion des voix.
Catherine Génisson hausse les épaules. Advienne que pourra !
En attendant, elle suit son bonhomme de chemin politique. Convaincu, dans la petite mairie de la ville d'Ecurie, un chasseur remonté contre la gauche plurielle du bien-fondé de la loi sur la chasse. Détaille sur le pas d'une porte, dans un quartier résidentiel, ce que le gouvernement de Lionel Jospin a commencé à faire pour les retraites des femmes ayant travaillé pour leur conjoint. Regrette amèrement, tout en avouant son impuissance, la fermeture annoncée sur ses terres de l'aciérie Sollac de Biache-Saint-Vaast.
Pour cette femme énergique, un échec électoral n'aura rien d'un échec personnel. Si la politique lui tient à cur - elle a su très jeune qu'elle y consacrerait une partie de son existence -, si le travail d'élaboration des lois l'a passionnée au cours des cinq dernières années, Catherine Génisson est aussi et d'abord médecin, diplômée en anesthésie-réanimation. Depuis 1997, en dépit d'un emploi du temps tiraillé entre Arras et l'Assemblée nationale, elle n'a pas totalement lâché ce métier, continuant à assurer une garde un week-end par mois. Alors si, dans dix jours, les électeurs venaient à lui préférer quelqu'un d'autre, c'est tout vu, le Dr Génisson, sans regret, « retourne à l'hôpital ».
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