LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN – A la lecture du programme de votre congrès, on a le sentiment que la situation des médecins à diplôme étranger s'est beaucoup apaisée ces derniers mois. Est-ce le cas ?
Dr JAMIL AHMIS – La situation s'apaise parce que la nouvelle procédure de recrutement [la PAE, procédure d'autorisation d'exercice] commence à bien tourner. En particulier, les commissions de qualification [qui accordent la plénitude d'exercice et font in fine des médecins étrangers des spécialistes «comme les autres», NDLR] sont devenues transparentes et travaillent dans la sérénité. Il n'est plus question pour un médecin venu d'ailleurs de dérouler des kilomètres de dossiers pour être reconnu. L'effort de pédagogie de la DHOS [Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, au ministère de la Santé] a porté ses fruits. Les commissions de qualification ont conscience aujourd'hui de l'ampleur de leur responsabilité : intervenant en amont de l'examen ou du concours, elles ont un rôle important de filtre car on peut réussir des épreuves en bachotant.
Vous allez plancher demain sur la question des retraites, un thème qui préoccupe l'ensemble des praticiens hospitaliers. Seriez-vous en voie d'« embourgeoisement » ?
La retraite nous pose des problèmes très spécifiques : nous avons commencé nos carrières tardivement, à un âge avancé, et notre combat pour régler nos problèmes statutaires a duré quinze ans. Cela signifie que, pendant quinze années, nous avons travaillé avec un mauvais statut, avec un mauvais salaire. Et donc que, si on ne fait rien, nous allons avoir une très mauvaise retraite. Ces pensions « minables » vaudront aussi pour ceux qui passeront par la nouvelle procédure d'autorisation. Si nous nous mettons aujourd'hui à penser à nos retraites, c'est parce que nous avons avancé sur d'autres dossiers mais c'est loin, très loin, d'être un signe d'embourgeoisement !
On a récemment beaucoup parlé des médecins étrangers à la faveur du débat sur la liberté d'installation. Sont-ils, à votre sens, un moyen de couvrir les trous de la démographie médicale ?
Absolument pas. Aujourd'hui, les embauches de PADHUE [praticiens diplômés hors de l'Union européenne] sont devenues extrêmement difficiles pour les gens qui n'ont aucun statut. La seniorisation et la nécessité d'être inscrit sur un tableau de garde ont changé la donne. On n'est plus du tout dans la situation d'il y a vingt ans où les hôpitaux faisaient travailler des FFI [faisant fonction d'interne] en claquant des doigts ; les recrutements sauvages se raréfient.
Pourtant, la philosophie de départ de la nouvelle procédure de recrutement est bien de régulariser les médecins dont la France a besoin...
Oui, mais on recrute les médecins dont on a besoin par spécialités, pas par région. Or les spécialités pénibles, celles qui sont sinistrées, se retrouvent surtout dans les grandes villes.
Une fois possible pour eux de s'installer en ville, les médecins à diplôme étranger sont-ils – ou seront-ils – candidats à l'exercice en zones dites « sous-médicalisées » ?
Il n'y a aucune raison pour qu'ils le soient plus que les autres médecins. Une seule chose peut être notée : parce qu'ils ont été recrutés par des « petits hôpitaux » plutôt que par les grands CHU, les PADHUE sont présents dans toutes les régions françaises. Ils sont en Picardie, en Creuse... le maillage est vraiment très complet et, de fait, ils sont en province. Pour le reste, je considère qu'il faut laisser la liberté aux médecins de s'installer là où ils veulent. Au bout de douze années d'études, ça n'est qu'un juste retour des choses ! Il faut faciliter l'installation dans les zones sous-dotées par des mesures fiscales, en trouvant des locaux, des emplois pour le conjoint...
Ailleurs, je suis persuadé que le marché régule : dans une rue, s'il y a quinze pâtissier, le seizième qui s'installe vendra ses gâteaux pour peu qu'ils soient très bons. En médecine, c'est la même chose !
La France est-elle toujours attractive pour les médecins étrangers candidats à l'exil ?
Non, elle ne l'est plus. Parce que le parcours est très difficile. On est toujours soumis à des commissions, à des quotas... Dans beaucoup d'autres pays – notamment anglo-saxons –, on passe un concours et on est un médecin comme un autre. Point. Après cette étape, leurs diplômes ne poursuivent jamais plus les médecins. En France, ce n'est pas le cas.
La faute à l'architecture compliquée des conditions d'intégration ?
Les textes sont bons, mais l'idéologie est différente. Les questions de mixité, de melting-pot... restent compliquées en France. Aujourd'hui, encore, devenir chef de service ou président de CME [commission médicale d'établissement] n'a rien d'évident pour un PADHUE.
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