Parallèlement à cette tradition de gouvernance publique, est instituée depuis 2009, une réforme ambitieuse du système de santé du pays, consistant à injecter pas moins de 850 milliards de yuans (environ 110 milliards d’euros) d’argent public jusqu’en 2012, soit un doublement du budget annuel du ministère chinois de la Santé sur trois années. En effet, en dépit d’une forte croissance enregistrée par le pays depuis de nombreuses années, la qualité du système de santé chinois ne cesse de se dégrader, son accès est de plus en plus inégalitaire (20% de la population bénéficie de 80% de l’argent public consacré à la santé), et les indicateurs de santé publique placent la Chine à un rang anachronique, au regard de sa prédominance géopolitique actuelle. Ce douzième plan quinquennal permettra-t-il de relever les défis auxquels est confronté le système de santé du pays?
Un plan quinquennal accordant une place centrale à la santé
Le douzième plan quinquennal accorde un long développement au chapitre sanitaire et social. On y retrouve plusieurs éléments constitutifs de la réforme de santé de 2009. On peut ainsi supposer que l’État central accordera une importance particulière aux cinq points suivants :
-L’augmentation du revenu chinois moyen doit entraîner une plus grande consommation de soins et produits de santé, ainsi que la demande associée en services de haute qualité ;
-L’urbanisation et le développement des infrastructures rurales de santé (construction de 6 000 établissements dans le cadre de la réforme de 2009) faciliteront l’émergence de nouvelles poches de demande en produits pharmaceutiques ;
-Les entreprises de santé sont encouragées à se consolider, en externalisant leurs services non rentables ou non essentiels et en centrant leurs investissements sur une technologie spécifique ;
-Les activités manufacturières des entreprises de santé chinoises seront déplacées vers l’ouest du pays, moins développé que les zones côtières ;
-Le secteur de santé chinois ayant besoin d’investissements considérables dans les nouvelles technologies, il est recommandé que les entreprises aient recours à l’investissement externe, aux fusions et acquisitions. Par ailleurs, le gouvernement chinois a sélectionné pour chaque secteur d’activité plusieurs « champions nationaux », qui bénéficient de lourdes subventions publiques, ainsi qu’une position prioritaire dans les appels d’offre publics.
Un contexte et un rapport de forces politiques peu favorables
En dépit d’une réforme ambitieuse, tant par sa lourdeur législative que par la taille des investissements annoncés, et d’objectifs ambitieux fixés par le plan de 2011, plusieurs éléments permettent de douter d’une résolution des problèmes auxquels est confronté le monde chinois de la santé. En effet, la mise en place des premiers éléments de la réforme a été plus lente que prévu, et le calendrier n’est plus suivi depuis janvier 2012, année de changement gouvernemental en Chine, imposant un quasi-arrêt de l’activité législative.
Par ailleurs, il est probable que la réforme de 2009, mettant l’accent sur l’accès à la santé publique, ne soit pas suivie en tant que telle par l’équipe de XI Jinping et de LI Keqiang (futurs Président et Premier ministre respectifs). Si la création de l’assurance médicale universelle et la baisse du taux de reste à charge sont considérées comme des succès, la réforme du salaire des professionnels de santé est en revanche un retentissant échec, car reposant toujours sur la vente de médicaments. De plus, il n’existe encore aucun résultat probant des seize villes-pilotes pour une nouvelle gouvernance hospitalière. Cela amène à la modification du plan initial. Mais en réalité, l’élément déterminant le changement probable d’orientation de la réforme de 2009 est la bataille politique opposant le ministère chinois de la Santé, ministère régulateur sans budget, et les institutions le finançant : neuf autres ministères sont à l’origine des ressources de la santé publique chinoise, dont celui du travail et du service public en particulier. Ces derniers sont en faveur d’une privatisation du système de santé, et d’une diminution de la dépense publique, soit l’opposé de la philosophie de l’administration sanitaire et sociale du pays.
Le monde chinois de la santé est en profonde transformation depuis 2009. Et l’administration a été violemment critiquée pour sa gestion désastreuse de l’épidémie de H5N1 en 2004, entraînant la mort de plus de 5 000 chinois. Si les changements opérés par la réforme de santé sont incontestables, les objectifs très médiatisés du douzième plan quinquennal, orientés vers le développement de l’industrie de santé et du marché privé de la santé, traduisent un changement d’orientation de l’administration chinoise, incluant les questions de compétitivité, en parallèle des questions, plus sociales, d’accès aux soins. Ces priorités, a priori opposées, concourent néanmoins à relever le défi majeur auquel société civile et gouvernement font face : la qualité des soins.
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