MARCHER ET FAIRE MARCHER. Telle pourrait être la devise du Dr Guy-Claude Giaoui et du Pr Jill-Patrice Cassuto. Deux fous de trail (course à pied tout-terrain), depuis des années. Et qui mettent leur passion de la marche extrême au service de la cause médicale. En l'occurrence, grâce à la médiatisation de leur exploit, ils voudraient contribuer à faire avancer dans les esprits le don de moelle. C'est écrit sur leurs casquettes et sur leurs tee-shirts, à côté des dossards. Le Pr Cassuto s'est même fait tailler une brosse pour l'écrire sur ses cheveux, à la manière des rappeurs.
Depuis un quart de siècle qu'il court, le Dr Giaoui a participé aux marathons les plus célèbres, Paris, Chicago, New York, San Francisco, Rome, Stockholm. A 61 ans, ce radiologue installé en libéral à Montreuil (Seine-Saint-Denis) a «tout fait». Et pour cela, «ce gabarit microbe», selon son expression (1,80 m pour 70 kg, tout de même), s'inflige en toute saison trois entraînements de deux heures par semaine, au stade ou au Luxembourg. Des séances qui sont autant de souffrances : «J'ai horreur de courir hors compétition, confie-t-il. Pour s'équiper le vendredi soir, en plein hiver, sous la pluie, il faut vraiment se faire violence.»
Se dépasser, mais sans se mettre en danger.
Chef du service d'hématologie clinique au CHU de Nice, le Pr Jill-Patrice Cassuto, 59 ans, partage cette sainte horreur pour la discipline que lui aussi s'inflige depuis des années. Même posologie-galère de trois séances hebdomadaires et palmarès pas moins brillant à son actif : 100 km de Millau, Transoasis du Sud tunisien, Raid mauritanien, Marathon des oasis... Lui aussi revit lorsqu'il est en compétition. «J'aime partir le dernier et remonter un à un les autres concurrents,explique le Dr Giaoui . Peu importe le temps réalisé.»«C'est surtout le plaisir de me dépasser moi-même qui me motive, confie le Pr Cassuto. Dépasser ce que je croyais être mes limites personnelles, mais toujours avec méthode, médicalement, sans me mettre en danger.» C'est son premier MDS. Le trail le plus redouté, celui qui fait à la fois rêver et paniquer tous les amateurs. Entre aficionados, on dit que l'on a fait le MDS comme d'autres ont fait la guerre. Sur 250 km de désert, avec des étapes de 20 à 80 km, dont une nocturne, en situation d'autosuffisance (chacun porte dans son sac son équipement et tout son ravitaillement, seule l'eau fait l'objet d'une distribution quotidienne).
«C'est vrai, admet le Dr Giaoui en maniant l'euphémisme, nous sommes des gens assez spéciaux, nous n'avons ni mal, ni faim, ni envie de nous doucher, ni besoin de dormir toutes les nuits. Sur le plan diététique, par exemple, je prévois de me limiter à 2500calories/jour. Contre 3000 l'an dernier.» Car le radiologue a fait le MDS 2006, un millésime qui restera légendaire : chaleur, vents de sable quotidiens ont eu raison de 146 concurrents, contraints à l'abandon, un record historique. «Mais c'est surtout le taux d'hygrométrie très anormal qui a épuisé les marcheurs, se souvient le Dr Giaoui. Tous les jours, je ramassais des concurrents complètement HS, pour lesquels je devais actionner le fusil de détresse et alerter les secours médicaux. Moi-même, en buvant 5 ou 6l d'eau, avec des aliments que j'avais énormément salés, j'étais littéralement shooté. Une partie de plaisir!» Résultat : quatrième au classement des seniors, une vitesse moyenne de 6 km/h, deux fois celle du dernier arrivé.
Promouvoir le don de moelle.
Mais les deux membres de l'équipe l'assurent, le classement n'est en aucun cas le but. D'autant moins qu'avec six autres concurrents, dont un pharmacien, ils ont constitué une équipe qui, à l'instar de quelques autres, entendent mettre à profit la médiatisation du trail pour mettre en avant des enjeux de santé : recherche sur la sclérose en plaques ou aide aux enfants malades. Sont inscrites des associations comme A chacun son Everest, Retina France, l'Amicale marocaine des handicapés, Enfance Maghreb Avenir.
Eux, les membres de Graindefoly-X trem team, sous pavillon France Adot, vont marcher pour promouvoir le don de moelle osseuse. Une initiative qui revient au Pr Cassuto, dont le service se situe en deuxième position parmi les centres français qui réalisent des greffes de sang de cordon. «Il faut informer et rassurer le public, explique-t-il ; souvent, les gens redoutent que, sitôt qu'ils se proposent comme donneur, on leur prenne leur moelle, avec une intervention relativement lourde. En réalité, on se contente de leur prélever une goutte de sang pour procéder au typage HLA et quand vient l'étape du don, dans près de la moitié des cas, on procède maintenant par cytaphérèse, de manière parfaitement indolore.» Cet argumentaire, le Pr Cassuto entend le servir aux nombreux journalistes qui vont suivre le MDS. C'est pour attirer les caméras accourues dans le désert qu'il a décidé de pratiquer la «mutilation capillaire».
«Avant le départ, les médias se montrent souvent plus empressés pour évoquer l'exploit sportif que pour relayer la cause médicale, déplore le Dr Giaoui. J'ai parfois l'impression qu'il faudrait que je sois moi-même atteint de leucémie pour mériter leur attention.» Pour l'heure, le radiologue ne souffre que de pathologies ostéomusculaires liées à ses entraînements (tendinites, déchirures musculaires). Le PU-PH niçois avoue pour sa part une fracture de fatigue du calcaneum et une rupture partielle du tendon d'Achille. Mais pas de quoi ébranler les motivations des deux médecins marathoniens du désert à quelques heures de leur épopée saharienne.
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