LE DOSSIER médical personnel (DMP), ce drôle de serpent de mer hydrocéphale qui avance à la vitesse d'un escargot, vient de perdre la tête. Pierre Bivas, nommé en janvier par Philippe Douste-Blazy à la tête du groupement de préfiguration du DMP a été remercié par Xavier Bertrand. Il devrait être remplacé par Jacques Beer-Gabel au poste de directeur du GIP. Dominique Coudreau, déjà président du comité d'orientation, devrait assurer la présidence du conseil d'administration du GIP. Un arrêté ministériel doit confirmer ces nominations.
Ce remaniement est d'autant plus inattendu qu'il intervient quelques jours seulement après un séminaire à Marne-la-Vallée, au terme duquel le comité d'orientation GIP avait fixé sept orientations concernant le déploiement du dossier médical (« le Quotidien » du 13 juillet). Que s'est-il donc passé pour que l'ingénieur des mines recruté pour ses compétences de technicien ait été débarqué du jour au lendemain ? Des proches du dossier ne se sont pas fait prier pour commenter le rocambolesque épisode de l'été. « Xavier Bertrand était excédé par la tournure des événements et la complexification du DMP », croit savoir un leader syndical. « Pierre Bivas, c'était une erreur de casting, lâche une source bien informée. Il a de très grandes qualités mais il a commis plusieurs maladresses dans la gestion des rapports humains. Ses divergences d'approche avec quelques administrateurs et même avec le reste de l'équipe de direction ont coûté cher. »
Christian Saout, président de l'association Aides et vice-président du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), confirme les « tensions perceptibles lors des dernières réunions de travail : Pierre Bivas a eu beaucoup de courage de travailler avec des gens qui étaient opposés à son projet ». Selon plusieurs témoins, les représentants de l'assurance-maladie et de la Caisse des dépôts et consignations, membres du conseil d'administration du GIP, se sont heurtés à diverses reprises à Pierre Bivas. Le Dr Jean-Paul Hamon, vice-président de la Fédération des médecins de France (FMF), ne comprend pourtant pas son limogeage : « Il avait réussi à lancer la machine, à mobiliser les régions de façon incroyable et les choses étaient enfin bien engagées. Pour nous, cette décision marque la volonté de torpiller le DMP. Il faudra que Xavier Bertrand se justifie. » L'avenir du DMP doit se jouer cet été avec le choix de douze projets territoriaux et le lancement d'expérimentations en octobre. La tournure des événements pourrait compromettre ces prévisions même si Jacques Beer-Gabel assure que « tout va se dérouler comme prévu : le GIP suivra le calendrier avec d'autres personnes. Une dynamique forte est engagée et il n'y a pas aujourd'hui de blocage ». Le nouveau pilote du GIP précise que le document d'appel d'offres destiné à retenir les hébergeurs sera bientôt prêt. Le ministère de la Santé confirmait la semaine dernière que des premières expérimentations auraient lieu sur des sites pilotes au second semestre 2005 en s'appuyant sur les expériences déjà existantes : « Les modalités de fonctionnement de ces premiers sites feront l'objet d'une évaluation approfondie au printemps 2006, au vu de laquelle la décision définitive des lancements à l'échelle nationale sera prise afin d'atteindre l'objectif, fixé par la loi du 13 août 2004, d'un déploiement total à la mi-2007. »
Changement de ton.
Derrière cet optimisme de façade, d'aucuns ont relevé ces dernières semaines un net revirement dans les discours de Xavier Bertrand quant aux bénéfices attendus du DMP. Les 3,5 milliards d'euros d'économies annuelles annoncés à tue-tête par Philippe Douste-Blazy font désormais partie du passé : « Je n'ai jamais présenté le DMP comme un outil de gestion de l'assurance-maladie. Le DMP ne consiste pas à réaliser une prouesse technique. Il est là pour améliorer la qualité des soins », confiait récemment son successeur au ministère de la Santé (« le Quotidien » du 27 juillet).
Un discours repris par Dominique Coudreau qui a publiquement exprimé des doutes sur les délais imprudemment fixés par la loi. « On n'aura sans doute pas de dossier médical consistant et complet avant une longue période », reconnaissait le président du comité d'orientation du GIP, lors d'un colloque en juin. Dominique Coudreau regrettait également « l'absence de sous » pour mener à bien ce chantier. Les 15 millions d'euros du fonds d'aide à la qualité des soins de ville (Faqsv) pour 2005 ne sont qu'une broutille comparé aux 600 millions d'euros nécessaires pour lancer le DMP. Il reste par ailleurs « beaucoup d'interférences sur le dossier médical, son contenu, ses fonctions, son utilisation et ses conditions d'accès par le patient », résume Christian Saout. Un an après l'adoption de la réforme de l'assurance-maladie qui lui a donné vie, le DMP est un dossier mal en point.
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