Le GROUPEMENT D’INTÉRÊT PUBLIC (GIP), que vient d’intégrer Jacques Sauret au poste de directeur-adjoint, souhaite prendre un virage à 180 degrés à quinze mois de la généralisation du dossier médical personnel (DMP). Lors de son dernier conseil d’administration, le GIP a annoncé un important changement d’orientation stratégique. Alors que les expérimentations s’apprêtent enfin à démarrer dans dix-sept régions, les consortiums devraient utiliser un dossier médical a minima, alimenté par les seules données de l’assurance-maladie (Web-médecin). «Nous sommes confrontés à des problèmes très lourds d’interopérabilité entre les six hébergeurs, des problèmes techniques ou de doubles saisies,commente Dominique Coudreau, président du Comité de coordination du GIP-DMP. Nous souhaitons que le système qui sera retenu au terme des expérimentations utilise les normes d’échanges internationales IHE-XDS qui ne sont pas incluses dans la centaine de logiciels métiers existants. C’est un choix que nous faisons dès maintenant pour aller beaucoup plus vite lors de la généralisation du DMP en 2007.» Plutôt que d’expérimenter divers dossiers médicaux propres à chaque région, le GIP souhaite aujourd’hui s’appuyer sur un modèle unique : «Il était absurde de demander aux hébergeurs de développer leurs outils, chacun de son côté. La puissance publique va prendre la responsabilité de développer un outil principal, charge ensuite aux hébergeurs de le mettre en place.»
Un budget de « coquille vide ».
Ce revirement est avant tout consécutif à l’absence récurrente de financement. Le GIP dispose d’un budget de 103 millions d’euros pour 2006, un budget qui ne l’autorise, d’après certains spécialistes, qu’à mettre en place une «coquille vide». Le groupement, qui n’a aucune visibilité sur le coût à long terme des dossiers médicaux, a récemment lancé un appel d’offres pour définir un modèle économique pour le DMP. «Le coût d’un dossier médical c’est 15 à 25euros, estime Dominique Coudreau. Pour 60millions de Français, cela représente plus de un milliard d’euros. Or personne n’a un milliard à mettre sur la table. Il nous faut développer un outil qui nous permette de fabriquer un étalon de base qui ne soit pas le fait de la concurrence.» Cette nouvelle donne ne va évidemment pas ravir les industriels qui ont investi depuis deux ans des sommes importantes sur ce marché. «Les industriels ont peur de devoir jeter leur modèle à la poubelle mais ils le récupéreront par la suite», assure le président du comité de coordination .
Pas de rémunération des médecins pendant l’expérimentation.
Certains médecins libéraux redoutent pour leur part d’être exclus de la phase d’expérimentation si le DMP venait à être alimenté par les seuls praticiens hospitaliers. «Cette situation est incompréhensible, juge le Dr Jean-Paul Hamon, coordinateur du réseau Fed 92. La réforme de l’assurance-maladie et la convention précisent que le médecin traitant participe à la mise en place du DMP et en assure la synthèse. Le DMP doit donner du sens à la fonction de médecin traitant.» Dominique Coudreauassure que cette crainte n’est pas fondée : «On ne se passera pas des médecins traitants qui sont les cibles principales du DMP. En revanche, nous n’avons pas prévu d’argent pour les expérimentations. La rémunération des médecins pour la tenue du dossier est un sujet qui dépend des négociations conventionnelles.»
Les orientations du GIP doivent être présentées lors d’un prochain Comité d’orientation. Dominique Coudreau rappelle que la priorité du groupement reste le lancement des expérimentations. Elles devraient commencer en mai après l’agrément des hébergeurs par le ministre de la Santé et l’avis favorable de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil).
Les importants changements de stratégie du GIP suscitent quelques inquiétudes. Constitué de patients, professionnels de santé, établissements et institutionnels, le Comité de pilotage de la zone Grand-Ouest - Ile-de-France a ainsi adopté une motion dans laquelle il réclame des garanties : «Afin d’éviter la démotivation et la démobilisation des acteurs du secteur santé, nous demandons au GIP-DMP de présenter au plus vite aux participants volontaires de l’expérimentation les nouvelles orientations et contraintes leur permettant de se positionner sur la poursuite ou non de l’expérimentation.» Pour Jean de Kervasdoué, économiste de la santé au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), très sceptique sur le projet français de dossier médical, le groupement tente par cette annonce «de revenir à un projet raisonnable »et« de sauver la face grâce à un tour de passe-passe».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature