D ES 1966, des médecins internistes britanniques ont publié des travaux sur la relation entre chimiothérapie et susceptibilité aux infections par le biais d'une baisse du nombre des neutrophiles. Bien que leur nombre soit relativement élevé, les patients victimes de neutropénies fébriles n'appartiennent pas à un groupe clinique homogène.
La reconnaissances de micro-organismes
Afin de mettre en place des stratégies préventives anti-infectieuses optimisées - les antibiotiques et antifongiques utilisés dans ce cadre étant d'un coût relativement élevé - des médecins cherchent actuellement à définir la susceptibilité individuelle aux infections iatrogènes.
Deux équipes, l'une danoise, l'autre britannique, viennent de publier dans le « Lancet » des travaux basés sur le dosage d'une protéine, la mannose-binding lectine (MBL). Cette protéine circulante sérique est dotée d'une aptitude à la reconnaissance d'une grande variété de micro-organismes : certaines bactéries Gram positif et Gram négatif, des levures, des champignons, et des virus tels que le virus syncytial respiratoire et ceux de la classe herpès. « La MBL peut être considérée comme un "anté-anticorps" puisqu'elle semble agir dès les premières minutes en cas d'exposition à un agent infectieux », précise dans un éditorial le Dr Alan Ezekowitz (Boston).
Une protéine favorisant l'opsonisation
Le mode d'action de la MBL est similaire à celui des opsonines - augmentation de la vulnérabilité à la phagocytose - et met aussi en jeu le complément par une voie propre. Si d'autres molécules agissent de façon similaire, l'une des particularités de la MBL tient à sa variabilité du fait d'un codage génique en 7 haplotypes distincts. C'est cette variabilité qui explique les fluctuations de concentration sérique de cette protéine dans la population. « On estime que, un tiers de la population est dotée de mutations au sein de l'un de ces 7 haplotypes et que, de ce fait, leur concentration en MBL est diminuée et leur sensibilité aux infections majorée », analyse le Dr Ezekowitz.
Afin de préciser l'intérêt d'un dosage systématique de la MBL chez les patients subissant une chimiothérapie, des infectiologues britanniques ont procédé à une analyse génétique de la susceptibilité prémorbide aux infections. Pour cela ils ont analysé, chez 100 enfants atteints de cancer, le génotype des patients en différenciant deux groupes (génotype à l'origine d'une concentration sérique normale ou faible) et sur cette base ils ont étudié le nombre de jours durant lesquels les enfants ont été atteints de neutropénie fébrile. « Nous avons ainsi pu établir une corrélation entre les faibles concentrations sériques (moins de 1 000 ng/mL) et la durée des atteintes infectieuses (4,5 jours contre 6) », explique le Dr Olaf Neth (Londres). Une analyse des dossiers des patients admis en soins intensifs a aussi permis de préciser que près de trois quart d'entre eux étaient porteurs de phénotypes entraînant un niveau de MBL bas, mais l'analyse statistique n'a pas permis de mettre en évidence une corrélation entre les valeurs sériques et l'intensité des épisodes infectieux.
Un second travail, rétrospectif, a été entrepris par une équipe danoise qui s'est elle intéressée aux valeurs sériques de MBL chez 54 adultes cancéreux. Les auteurs, dirigés par le Dr Niels Peterslund (Copenhague), ont établi que les 16 patients atteints de pneumopathies et/ou de bactériémie avaient des valeurs de MBL significativement inférieures à celles des autres patients.
« Ces deux études suggèrent que le dosage de MBL pourrait contribuer à préciser le risque d'atteinte infectieuses iatrogène chez les patients subissant une chimiothérapie et inciter à la mise en place de protocoles thérapeutiques basés sur l'utilisation de MBL par voie intraveineuse », analyse le Dr Ezekowitz.
« The Lancet », vol. 358, pp. 598-599, 614-618 et 637-638, 25 août 2001.
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