PAR LE Dr PIERRE-FRANçOIS PRADAT*
LA SCLÉROSE latérale amyotrophique (SLA) est une maladie neurodégénérative caractérisée par l'atteinte combinée des motoneurones centraux et périphériques. Au-delà de cette définition simple, le clinicien est confronté dans sa pratique à une variabilité phénotypique importante responsable de difficultés diagnostiques. Il existe en effet un spectre clinique étendu de la maladie selon l'atteinte prédominante d'un type de motoneurone central ou périphérique, selon la répartition topographique de l'atteinte et selon les signes associés (troubles cognitifs notamment). Ces difficultés sont source de retards diagnostiques importants. La médiane du délai entre l'apparition des premiers symptômes et le diagnostic de SLA est ainsi, suivant les séries, de 8 à 11 mois. Ces difficultés soulignent l'intérêt de disposer de marqueurs biologiques permettant d'aider au diagnostic précoce de la maladie. Nogo-A est une protéine membranaire exprimée dans le système nerveux central essentiellement par les oligodendrocytes. Elle fait partie, comme la MAG (Myelin Associated Glycoprotein), des protéines myéliniques qui inhibent la régénération axonale après une lésion du système nerveux central. La découverte de l'implication de Nogo-A dans la SLA a pour origine des travaux réalisés par l'équipe de Jean-Philippe Loeffler à Strasbourg (INSERM U692), à partir d'un modèle murin de SLA : cette protéine est surexprimée dans le muscle alors qu'elle n'est pas détectable dans ce type de tissus chez les souris normales. Nous avons ensuite pu vérifier qu'une expression musculaire ectopique de Nogo-A était également présente dans des biopsies musculaires de patients souffrant de SLA et que son niveau était corrélé avec la gravité clinique. Le rôle de cette surexpression musculaire de Nogo-A n'est pas établi et l'on ne sait pas encore s'il s'agit d'un des événements primaires impliqués dans la dégénérescence motoneuronale. Il existe toutefois des arguments expérimentaux indiquant que l'expression musculaire de Nogo-A est responsable d'une déstabilisation de la jonction neuromusculaire. L'hypothèse est qu'il s'agirait d'un des événements précoces conduisant à la dégénérescence rétrograde du motoneurone. Ce schéma nous conduit à remettre en cause le concept de la SLA comme maladie purement du motoneurone et nous conduits à penser que le muscle n'est pas seulement la victime innocente de la dégénérescence des motoneurones.
Un marqueur diagnostique prometteur.
L'expression musculaire de Nogo-A reste actuellement un des meilleurs candidats comme biomarqueur de la SLA. Sa valeur diagnostique a été testée dans un travail récent chez des patients suivis en moyenne durant 33 mois et qui présentaient une atteinte isolée du motoneurone périphérique. Il s'agit d'une situation fréquemment rencontrée en pratique clinique et qui pose un problème diagnostique difficile. On sait que ce tableau est fréquemment révélateur d'une SLA, mais que l'évolution clinique est souvent le seul moyen d'en établir définitivement l'étiologie. Dans ce travail, la présence de Nogo-A permettait d'établir le diagnostic de SLA avec une sensibilité de 94 % et une spécificité de 88 %. Ces résultats restent bien sûr à confirmer dans de plus grandes séries de patients. C'est justement l'objet d'un protocole multicentrique et international qui va prochainement débuter pour confirmer l'existence d'une surexpression de Nogo-A dans des biopsies musculaires de patients souffrant de SLA.
Une cible thérapeutique.
D'une façon générale, la fonction de Nogo-A comme inhibiteur de croissance axonale offre la perspective de développer des traitements favorisant la régénération nerveuse, en utilisant notamment des anticorps dirigés contre la protéine elle-même ou son récepteur. Sur la base de résultats expérimentaux très encourageants, un essai thérapeutique de phase I avec des anticorps dirigés contre Nogo-A est en cours dans les traumatismes médullaires. Dans le cas de la SLA, la démonstration d'une augmentation de l'expression musculaire de Nogo-A fournit un rationnel pour envisager ce type de stratégie thérapeutique.
Le domaine des biomarqueurs est l'objet de recherches importantes, comme en témoigne sa place prédominante lors du dernier congrès consacré à la SLA qui a eu lieu à Toronto en décembre 2007. Cette effervescence est, comme dans d'autres maladies neurologiques, essentiellement expliquée par l'espoir suscité par les techniques à haut débit comme la transcriptomique et la protéomique. Il y a déjà des résultats intéressants concernant des marqueurs dans le LCR identifiés par protéomique. Il faut bien sûr rester prudent dans un domaine où les désillusions ont été nombreuses. Un biomarqueur se doit d'être à la fois sensible et spécifique, mais également facilement accessible, ce qui veut dire idéalement un marqueur sanguin. Il semble, par ailleurs, plus raisonnable de penser que la solution viendra plutôt d'une combinaison de plusieurs marqueurs. Il ne faut pas non plus négliger les marqueurs radiologiques d'atteinte du motoneurone central, comme la spectroscopie RMN ou surtout l'imagerie du tenseur de diffusion, qui sont également susceptibles de compléter les outils diagnostiques de la SLA.
* Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.
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