I LS ont un profil de champion, les qualités que cela suppose, mais aussi certains travers : notamment une attirance pour les substances dopantes qui leur promettent un avenir meilleur.
Ils ont entre 12 et 14 ans en moyenne et pratiquent le sport plus de 12 heures par semaine. Douze heures, c'est la barre que certains experts ont fixée, à la frontière entre le sport scolaire et le sport amateur ou de compétition. Au-delà d'une pratique de 12 heures, ils sont deux fois plus nombreux à déclarer qu'ils utilisent des produits dopants, selon le Dr Patrick Laure, chercheur à l'université de Reims, spécialiste des drogues de la performance.
Chez les adolescents, mieux vaut d'ailleurs parler de « conduite dopante » plutôt que de « dopage ». « La notion de dopage renvoie à une liste de produits interdits. Elle s'adresse aux seuls sportifs et à des fins de répression, explique le Dr Laure. En revanche, la notion de conduite dopante renvoie à une consommation de produits pour être performant ».
Avec son équipe, le Dr Laure a mené une enquête, en Lorraine, auprès de 1 500 adolescents sportifs, âgés de 15 à 18 ans : de 3 à 4 % des jeunes interrogés ont déclaré avoir utilisé des produits dopants, c'est-à-dire des produits inscrits sur la liste des substances prohibées. Et 18 % des jeunes sportifs se sont montrés « curieux » d'utiliser un produit. Il s'agit surtout de garçons. Explication du Dr Laure : « Ils font du sport pour des raisons différentes de celles des filles. Les garçons privilégient l'affrontement, les luttes, la compétition. Les filles veulent être bien dans leur corps .»
Les sportifs en herbe consomment des produits, c'est un fait. Cependant, la consommation de produits prohibés demeure marginale. « J'ai eu un cas extrême, raconte le Dr Laure. Un gamin en classe de cinquième qui prenait de la testostérone par voie injectable .» Quelques jeunes sportifs, dès l'âge de 12 ans, prennent des stéroïdes anabolisants. D'autres encore des corticoïdes. Il y a aussi les antidépresseurs, indique le Dr Laure, que l'on prend un mois avant l'épreuve d'endurance pour améliorer sa résistance, ou encore les tranquillisants. Dans ce cas, la prise est ponctuelle, mais ses conséquences sont parfois graves : « En Champagne-Ardennes, une tri-athlète a failli y rester. Elle ne sentait plus les limites de son corps .» Reste que les jeunes commencent surtout avec du fer, du magnésium, de la créatine, prise à fortes doses. C'est l'engagement d'une démarche, d'une pratique dopante, l'évidence d'une conduite à risques. Dans l'enquête menée en Lorraine, 4 % des jeunes interrogés ont déclaré avoir consommé de la créatine au cours des deux derniers mois précédant l'enquête, à des fins de performance. Vingt-trois pour cent ont pris des vitamines pour travailler en classe et 41 % du magnésium pour combattre la fatigue.
Quand on demande à ces mêmes jeunes où ils se procurent les produits, quelles que soient les substances (des corticoïdes aux cocktails de vitamines), 26 % citent les copains comme première source d'approvisionnement et 19 % déclarent s'adresser à des professionnels de santé. Les entraîneurs ou les dealers viennent après.
Un million de brochures
Dans ce contexte, la campagne que la société pharmaceutique Aventis Pharma SA lance en partenariat avec la Fondation Sport Santé et le Comité national olympique et sportif français auprès des jeunes sportifs de 12 à 14 ans tombe à pic. Une brochure de 10 pages, éditée à un million d'exemplaires, sous le titre « Sport et Santé : teste ton profil de champion », est mise à la disposition des clubs sportifs français par les comités départementaux des fédérations, via les comités départementaux olympiques et sportifs. Ce dépliant doit également être distribué ponctuellement lors d'événements sportifs tout au long de l'année. Supporteur officiel de la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2008, Aventis veut « sensibiliser les adolescents au bon usage du médicament dans le sport et à une pratique saine du sport ». Comment ? « En responsabilisant ». En s'amusant aussi. Le public est jeune, il faut capter son attention. « As-tu vraiment un profil de champion ? » La réponse est en dernière page, après passage du test. La brochure contient encore les témoignages de champions. David Douillet, double médaillé d'or olympique de judo à Atlanta en 1996 et à Sydney en 2000, affirme que « tricher dans le sport, c'est tricher avec soi-même et c'est prendre le risque de se détruire à petit feu ». « Comme le sport, le corps aussi obéit à des règles du jeu bien précises. Si on ne respecte pas ces règles, il se venge et souvent c'est la catastrophe. Le rôle des médicaments est de soigner les maladies. Ils sont faits pour ça », explique le médecin de l'équipe de France masculine de handball, le Dr Jean-Pierre Roattino.
« Il faut responsabiliser, martèle le Dr Laure. Nous testons cette méthode auprès d'adolescents et de pré-adolescents et elle se révèle efficace. Nous leur disons que personne ne peut les forcer à consommer des produits. Nous les poussons à s'interroger : n'êtes-vous pas en train d'être manipulés ? Toutes les campagnes axées uniquement sur la santé échouent. Axer une campagne sur la santé suppose que les personnes auxquelles cette campagne s'adresse fassent de leur santé un élément de leur qualité de vie. Or les adolescents n'en ont rien à faire. Ils sont en pleine santé .»
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